2-17-18. Victor Crémieu à H. Poincaré

Paris, le 18 Déc. 1903

Faculté des Sciences de Paris

Physique – Laboratoire d’Enseignement

Cher Maître,

Ainsi que vous avez bien voulu me le dire, nous vous attendions, M. Malclès et moi, Dimanche après midi au laboratoire Bouty, à partir de 1h12\frac{1}{2}.11endnote: 1 Louis Malclès a collaboré avec Crémieu dans la rédaction de deux articles présentés par Poincaré à l’Académie des sciences de Paris le 14 novembre et le 5 décembre 1904, respectivement (Crémieu & Malclès 1904a, 1904b). Des explications de l’effet constaté par Crémieu et Pender (1903) ont été proposées par William Sutherland (1904) et Joseph Larmor (1904), mais la réalité de l’effet a été contestée par Alexander Eichenwald (1908). En 1908, Malclès a soutenu une thèse à la Faculté des sciences de Paris sur ces expériences (Malclès 1908).

Voici, en attendant, un résumé de ce que nous obtenons :

1° Méthode expérimentale.

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Un plateau métallique PP peut être relié avec un des pôles de la Batterie Bouty, l’autre pôle étant au sol.

Au dessus se trouve un petit plan d’épreuve EE, très bien isolé qui vient toucher un contact SS relié au sol; d’ailleurs, à l’aide du levier OEOE, mobile autour de OO, EE peut être ensuite isolé de SS et mis en contact avec un pôle AA relié à l’électromètre de mesure MM.

Ce mouvement se fait en traversant un écran métallique KK relié au sol, ce qui évite toute influence directe de PP sur AA.

Dans ces conditions, on charge PP à des voltages croissants et on observe ce qui se passe en reliant EE à AA.

L’appareil est d’abord étalonné en ne mettant rien (que de l’air) entre EE et PP qui sont à 16 mm l’un de l’autre. On obtient ainsi une droite, si on porte en abscisse les voltages en PP et en ordonnées les déviations à l’électromètre MM. On interpose alors entre EE et PP, à égale distance de chacun d’eux, le diélectrique DD à étudier, qui repose par 3 points de sa périphérie sur des tiges d’ébonite.

Dans ces conditions on obtient la courbe ci contre (pour le mica).

Les lectures sont d’une constance parfaite.

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D’ailleurs on constate à chaque instant, à partir du moment où la courbe passe en dessous de la droite de l’air, que, si on laisse PP au sol, on a sur EE une charge qui donne une déviation de sens contraire complémentaire de celle obtenue avec PP chargée; souvent cette déviation est plus forte que le complément à OROR. La courbe de ces déviations serait le trait bleu.22endnote: 2 Le trait bleu part de l’abscisse à 3000 V vers le secteur IV.

Le verre se comporte à peu près de même mais pour des voltages plus élevés.

Le temps joue un rôle prédominant. Pour avoir des phénomènes nets il faut opérer progressivement, en espaçant chaque élévation du voltage d’intervalles très réguliers (des minutes).

D’ici Dimanche nous espérons avoir fait d’autres séries pour déterminer le rôle que joue l’épaisseur du diélectrique.

Très respectueusement,

V. Crémieu

ALS 3p. Collection particulière, Paris 75017.

Time-stamp: " 3.05.2019 01:30"

Notes

  • 1 Louis Malclès a collaboré avec Crémieu dans la rédaction de deux articles présentés par Poincaré à l’Académie des sciences de Paris le 14 novembre et le 5 décembre 1904, respectivement (Crémieu & Malclès 1904a, 1904b). Des explications de l’effet constaté par Crémieu et Pender (1903) ont été proposées par William Sutherland (1904) et Joseph Larmor (1904), mais la réalité de l’effet a été contestée par Alexander Eichenwald (1908). En 1908, Malclès a soutenu une thèse à la Faculté des sciences de Paris sur ces expériences (Malclès 1908).
  • 2 Le trait bleu part de l’abscisse à 3000 V vers le secteur IV.

Références

  • V. Crémieu and L. Malclès (1904a) Recherches sur les diélectriques solides. Comptes rendus hebdomadaires des séances de l’Académie des sciences de Paris 139, pp. 790–792. link1 Cited by: endnote 1.
  • V. Crémieu and L. Malclès (1904b) Recherches sur les diélectriques solides. Comptes rendus hebdomadaires des séances de l’Académie des sciences de Paris 139, pp. 969–972. link1 Cited by: endnote 1.
  • A. Eichenwald (1908) Über die magnetischen Wirkungen elektrischer Konvektion. Jahrbuch der Radioaktivität und Elektronik 5, pp. 82–98. Cited by: endnote 1.
  • J. Larmor (1904) On the ascertained absence of effects of motion through the æther, in relation to the constitution of matter, and on the Fitzgerald-Lorentz hypothesis. Philosophical Magazine 7, pp. 621–625. link1 Cited by: endnote 1.
  • L. Malclès (1908) Recherches expérimentales sur les diélectriques. Ph.D. Thesis, Faculté des sciences de Paris, Paris. Cited by: endnote 1.
  • H. Pender and V. Crémieu (1903) Recherches contradictoires sur l’effet magnétique de la convection électrique. Journal de physique théorique et appliquée, pp. 641–666. link1 Cited by: endnote 1.
  • W. Sutherland (1904) The Crémieu-Pender discovery. Philosophical Magazine 7, pp. 405–407. link1 Cited by: endnote 1.