2-30-9. Heinrich Hertz à H. Poincaré

Bonn, le 19 novembre 1890

Monsieur et cher collègue,

Je vous remercie beaucoup de votre grand et beau mémoire sur le problème des trois corps, que vous m’avez eu l’obligeance de me faire parvenir.11endnote: 1 Poincaré (1890), mémoire couronné par le prix du roi Oscar II de Suède. Hélas, je vois bien que ma science et mon temps me font défaut, quand je pense à l’étudier à fond.22endnote: 2 Hertz n’est pas seul à trouver le mémoire de Poincaré difficile à suivre. Des mathématiciens du calibre de Karl Weierstrass (1815–1897) et Charles Hermite (1822–1901) ont du mal parfois à suivre le raisonnement de Poincaré, comme l’observe Barrow-Green (1997, 65). Je crois avoir assez de jugement pourtant, pour comprendre quelle belle victoire vous avez remportée sur ce problème, j’en avais entendu parler les mathématiciens auparavant. Me pardonnerez-vous une question, qui peut-être est fort déplacée et à laquelle vous ne répondrez pas qu’à l’occasion. Si je ne me trompe pas, les solutions périodiques sont ceux où les trois corps se meuvent dans des orbites déterminés, qu’ils parcourent périodiquement. Est-il absolument impossible que pour des cas restreints, au delà de ceux étudiés par Laplace, par exemple les trois corps étant égaux et les vitesses bien choisis, on puisse pousser la solution jusqu’à dessiner ces orbites ?33endnote: 3 Poincaré a affirmé, dans sa réponse à Hertz (§ 2-30-10), pouvoir dessiner des solutions des orbites périodiques, et mêmes des orbites doublement asymptotiques prises une par une, mais il a noté, par rapport à ce dernier cas, la “difficulté” à dessiner la solution générale. Poincaré est revenu sur la complexité de telles solutions “homoclines” dans le troisième tome des Méthodes nouvelles de la mécanique celeste (Poincaré 1899, 389), comme le note Barrow-Green (1997, 162). De tels dessins devraient offrir un intérêt transcendant, croyez-vous qu’on en verra jamais ? Je veux dire, les difficultés inouïes, dont vous parlez dans l’introduction, se comportent-elles aussi aux solutions périodiques ou seulement au cas général ? La question vous montrera comment j’ai peu encore pénétré votre mémoire.

Je n’ai pas pu jusqu’à présent faire parvenir vos saluts à M. Lipschitz, il n’est pas à Bonn dans ces semaines, étant souffrant aux nerves et ayant besoin d’un repos absolu. Agréez monsieur et cher collègue mes remerciements réitérés et l’assurance de mes sentiments dévoués.

H. Hertz

ALS 3p. Collection particulière, Paris 75017.

Time-stamp: " 7.07.2019 14:20"

Notes

  • 1 Poincaré (1890), mémoire couronné par le prix du roi Oscar II de Suède.
  • 2 Hertz n’est pas seul à trouver le mémoire de Poincaré difficile à suivre. Des mathématiciens du calibre de Karl Weierstrass (1815–1897) et Charles Hermite (1822–1901) ont du mal parfois à suivre le raisonnement de Poincaré, comme l’observe Barrow-Green (1997, 65).
  • 3 Poincaré a affirmé, dans sa réponse à Hertz (§ 2-30-10), pouvoir dessiner des solutions des orbites périodiques, et mêmes des orbites doublement asymptotiques prises une par une, mais il a noté, par rapport à ce dernier cas, la “difficulté” à dessiner la solution générale. Poincaré est revenu sur la complexité de telles solutions “homoclines” dans le troisième tome des Méthodes nouvelles de la mécanique celeste (Poincaré 1899, 389), comme le note Barrow-Green (1997, 162).

Références

  • J. E. Barrow-Green (1997) Poincaré and the Three Body Problem. AMS/LMS, Providence. Cited by: endnote 2, endnote 3.
  • H. Poincaré (1890) Sur le problème des trois corps et les équations de la dynamique. Acta mathematica 13, pp. 1–270. link1 Cited by: endnote 1.
  • H. Poincaré (1899) Les méthodes nouvelles de la mécanique céleste, Volume 3. Gauthier-Villars, Paris. link1 Cited by: endnote 3.