1-1-5. H. Poincaré à Gösta Mittag-Leffler

Caen, le 29 juin 188111endnote: 1 Caen-30 juin — Dalarö-2 juillet.

Cher Monsieur,

Je vous remercie infiniment de votre excellente lettre et de votre photographie qui m’a fait le plus grand plaisir. Je vous envoie la mienne,22endnote: 2 Les enveloppes et les lettres de Poincaré ont été malencontreusement séparées à l’Institut Mittag-Leffler. On trouve dans le dossier Poincaré de l’Institut, une photographie de Poincaré âgé de 30 ans environ, signée Waléry (Paris). avec empressement, car la demande que vous m’en faites me flatte et m’honore extrêmement, en même temps qu’elle me cause une grande joie en me montrant que vous avez quelque sympathie pour moi.

Je n’irai probablement pas en Suède d’ici à quelque temps, mes occupations ne me le permettront pas ; et je le regrette beaucoup, car outre le plaisir que j’aurais à vous y voir, j’ai conservé les meilleurs souvenirs d’un voyage que j’ai fait dans votre patrie en 1878.33endnote: 3 Dans le cadre de ses études à l’Ecole des Mines, Poincaré a fait en 1878, un voyage en Scandinavie : L’Ecole des Mines offrait à ses élèves l’occasion de missions à l’étranger. Pendant l’été 1877, Poincaré fit un voyage d’études en Autriche-Hongrie et remit deux mémoires, […], mémoires perdus comme ceux faits l’année suivante en Norvège. (Bellivier 1956, 181) Le journal de voyage en Norvège et Suède en 1878 rédigé par Poincaré et Bonnefoy se trouve en fait aux archives de l’Ecole des mines de Paris (J 1878, 611). On peut y lire que leur voyage d’étude a duré 102 jours et que son itinéraire les conduisit à travers toute la Norvège et la Suède. On trouve aussi dans les mêmes archives les mémoires plus spécifiquement techniques que les élèves doivent rendre à l’issue de leur voyage d’étude. Le premier (M 1878, 989) s’intitule Sur la préparation mécanique et le traitement métallurgique des minerais d’argent à Konsberg (Norvège) et le second (M 1878, 990) Mémoire sur les sites de Pyrite de la Norvège.

Je vous félicite en tout cas de votre nouvelle situation à Stockholm ; j’ai trouvé cette ville extrêmement agréable, et si elle l’est pour un étranger, elle doit l’être bien davantage encore pour un Suédois. Si vous avez l’occasion d’y rencontrer des amis que j’y ai laissés, M. Mathis et M. Thiébaut, chancelier de la Légation de France, soyez assez bon pour leur faire mes amitiés et même vous recommander de moi auprès d’eux si vous le jugez convenable.

Je suis vraiment confus de toutes les choses flatteuses que vous me dites dans votre lettre et que je sens imméritées.

Il y a en effet une erreur dans l’exemple que je vous ai envoyé. 44endnote: 4 L’équation proposée par Poincaré dans sa lettre à Mittag-Leffler (§ 1-1-2) est analogue à celle étudiée à la fin de son article sur les fonctions à espace lacunaire (Poincaré 1883). Dans le manuscrit original de son article, Poincaré propose d’étudier l’équation aux dérivées partielles u1F1dzdu1+u2F2dzdu2++unFndzdun=zu_{1}F_{1}\frac{{dz}}{{du_{1}}}+u_{2}F_{2}\frac{{dz}}{{du_{2}}}+\ldots+u_{n}F_% {n}\frac{{dz}}{{du_{n}}}=z F1,F2,,FnF_{1},\,F_{2},\,\ldots\,,\,F_{n} sont des fonctions des nn variables uiu_{i} et du paramètre xx, holomorphes au voisinage de 0 pour tout xx. Poincaré suppose de plus que ces fonctions “se réduisent respectivement à xα1,xα2,,xαnx-\alpha_{1},\,x-\alpha_{2},\,\ldots\,,\,x-\alpha_{n} quand on y annule tous les uu”. En reprenant un résultat de sa thèse, Poincaré montre que sous certaines conditions qui s’expriment géométriquement, la solution de cette équation vue comme une fonction du paramètre xx est une fonction à espace lacunaire. […], j’ai démontré que si le point xx est extérieur au polygone convexe P circonscrit aux nn points α1,α2,,αn,\alpha_{1},\,\alpha_{2},\,\ldots\,,\,\alpha_{n}, il existe une intégrale de l’équation qui est holomorphe en u1,u2,,unu_{1},\,u_{2},\,\ldots\,,\,u_{n} pourvu que les modules de ces variables soient assez petits.
Les coefficients de cette série sont des fonctions rationnelles de xx, si on donne aux uu des valeurs de module suffisamment petit et qu’on les considère comme des constantes, la somme de la série est une fonction de xx, et l’on peut voir […] qu’elle présente […] un espace lacunaire. (Version préliminaire de l’article Sur les fonctions à espaces lacunaires, conservée à l’Institut Mittag-Leffler.)
Dans la version définitive de son article, Poincaré suppose que les fonctions F1,F2,,FnF_{1},\,F_{2},\,\ldots\,,\,F_{n} “se réduisent respectivement à 1,xα2xα1,,xαnxα11,\frac{{x-\alpha_{2}}}{{x-\alpha_{1}}},\;\ldots\;,\frac{{x-\alpha_{n}}}{{x-% \alpha_{1}}} quand on y annule tous les uu”. Les deux conditions sont équivalentes par simple changement de variables. L’existence de solutions holomorphes est conditionnée par le fait que xx n’appartient pas à l’enveloppe convexe des αi\alpha_{i}, autrement dit que l’origine 0 n’appartient pas au polygone convexe déterminé par les xαix-\alpha_{i}. Dans l’exemple proposé par Poincaré dans sa lettre (§ 1-1-2), la fonction F1F_{1} est exactement égale à 1 et comme le reconnaît Poincaré, les seules intégrales holomorphes de l’équation différentielle sont les fonctions Cu1Cu_{1}. En modifiant l’équation proposée par Poincaré de telle sorte que la fonction F1F_{1} est égale à 1 lorsque les variables uu sont toutes nulles, l’existence de solutions holomorphes est alors conditionnée par le fait que l’origine 0 n’appartienne pas à l’enveloppe convexe de 11, xα2x-\alpha_{2}, …, xαnx-\alpha_{n} (voir le croquis dans Poincaré à Mittag-Leffler, 01.08.1881, § 1-1-8). Les exemples proposés par Poincaré dans cette lettre et les suivantes sont de ce type.
La seule intégrale holomorphe de l’équation serait évidemment : z=u1×constantez=u_{1}\times\text{constante}.

Je vais prendre un exemple différent et faire tout le calcul pour éviter toute erreur nouvelle.

Soit

u1(1u1u2u2u3)dzdu1+λ2u2dzdu2+λ3u3dzdu3=zu_{1}\left({1-u_{1}-u_{2}-u_{2}u_{3}}\right)\frac{{dz}}{{du_{1}}}+\lambda_{2}u% _{2}\frac{{dz}}{{du_{2}}}+\lambda_{3}u_{3}\frac{{dz}}{{du_{3}}}=z

S’il y a une intégrale holomorphe, on obtiendra le coefficient de u1m1u2m2u3m3u_{1}^{m_{1}}u_{2}^{m_{2}}u_{3}^{m_{3}} en différentiant m1m_{1} fois par rapport à u1u_{1}, m2m_{2} fois par rapport à u2u_{2}, puis m3m_{3} fois par rapport à u3u_{3} et faisant :

u1=u2=u3=0.u_{1}=u_{2}=u_{3}=0.
55endnote: 5 Poincaré explique le calcul des coefficients du développement en série de Taylor de la solution de l’équation différentielle.

Je pose pour abréger :

dzdu1=p1,dzdu2=p2,dzdu3=p3;D1U=dm1Udum1;D2U=dm2Udum2;\begin{array}[]{ccccc}\frac{dz}{du_{1}}=p_{1},&\frac{dz}{du_{2}}=p_{2},&\frac{% dz}{du_{3}}=p_{3};&D_{1}U=\frac{d^{m_{1}}U}{du^{m_{1}}};&D_{2}U=\frac{d^{m_{2}% }U}{du^{m_{2}}};\end{array}
D3U=dm3Udum3;D=D1D2D3z.\begin{array}[]{cc}D_{3}U=\frac{d^{m_{3}}U}{du^{m_{3}}};&D=D_{1}D_{2}D_{3}z.% \end{array}

Je différencie d’abord m2m_{2} fois par rapport à u2u_{2} il vient :

u1(1u1u2u2u3)D2p1+λ2u2D2p2+λ3u3D2p3m2u1(1+u3)dm21p1du2m21+m2λ2D2z=D2zu_{1}\left({1-u_{1}-u_{2}-u_{2}u_{3}}\right)D_{2}p_{1}+\lambda_{2}u_{2}D_{2}p_% {2}+\lambda_{3}u_{3}D_{2}p_{3}\\ -m_{2}u_{1}\left({1+u_{3}}\right)\frac{{d^{m_{2}-1}p_{1}}}{{du_{2}^{m_{2}-1}}}% +m_{2}\lambda_{2}D_{2}z=D_{2}z

Je fais u2=0u_{2}=0 et je différentie m1m_{1} fois par rapport à u1u_{1}, il vient :

u1(1u1)D1D2p1+[m1(1u1)m1u1]D1D2z+λ3u3D1D2p3m2u1(1+u3)D1dm21p1du2m21m1m2(1+u3)D1dm21zdu2m21+m2λ2D1D2zm1(m11)D2dm11zdu1m11=D1D2zu_{1}\left({1-u_{1}}\right)D_{1}D_{2}p_{1}+\left[{m_{1}\left({1-u_{1}}\right)-% m_{1}u_{1}}\right]D_{1}D_{2}z\\ +\lambda_{3}u_{3}D_{1}D_{2}p_{3}-m_{2}u_{1}\left({1+u_{3}}\right)D_{1}\frac{{d% ^{m_{2}-1}p_{1}}}{{du_{2}^{m_{2}-1}}}\\ -m_{1}m_{2}\left({1+u_{3}}\right)D_{1}\frac{{d^{m_{2}-1}z}}{{du_{2}^{m_{2}-1}}% }+m_{2}\lambda_{2}D_{1}D_{2}z-m_{1}\left({m_{1}-1}\right)D_{2}\frac{{d^{m_{1}-% 1}z}}{{du_{1}^{m_{1}-1}}}=D_{1}D_{2}z

Je fais u1=0u_{1}=0

m1D1D2z+λ3u3D1D2p3m1m2(1+u3)D1dm21zdu2m21+m2λ2D1D2zm_{1}D_{1}D_{2}z+\lambda_{3}u_{3}D_{1}D_{2}p_{3}-m_{1}m_{2}\left({1+u_{3}}% \right)D_{1}\frac{{d^{m_{2}-1}z}}{{du_{2}^{m_{2}-1}}}+m_{2}\lambda_{2}D_{1}D_{% 2}z
=D1D2z+m1(m11)D2dm11zdu1m11=D_{1}D_{2}z+m_{1}\left({m_{1}-1}\right)D_{2}\frac{{d^{m_{1}-1}z}}{{du_{1}^{m_% {1}-1}}}

Je différentie m3m_{3} fois par rapport à u3u_{3}  ; il vient :

(m1+λ2m21)Dz+λ3u3Dp3m1m2(1+u3)D1D3dm21zdu2m21\left({m_{1}+\lambda_{2}m_{2}-1}\right)Dz+\lambda_{3}u_{3}Dp_{3}-m_{1}m_{2}% \left({1+u_{3}}\right)D_{1}D_{3}\frac{{d^{m_{2}-1}z}}{{du_{2}^{m_{2}-1}}}
+m3λ3Dzm1m2m3D1dm31dm21zdu3m31du2m21=m1(m11)D2D3dm11zdu1m11+m_{3}\lambda_{3}Dz-m_{1}m_{2}m_{3}D_{1}\frac{{d^{m_{3}-1}d^{m_{2}-1}z}}{{du_{% 3}^{m_{3}-1}du_{2}^{m_{2}-1}}}=m_{1}\left({m_{1}-1}\right)D_{2}D_{3}\frac{{d^{% m_{1}-1}z}}{{du_{1}^{m_{1}-1}}}

J’appelle :

(m1,m2,m3)m1!m2!m3!\frac{{\left({m_{1},\;m_{2},\;m_{3}}\right)}}{{m_{1}!m_{2}!m_{3}!}}

le coefficient de

u1m1u2m2u3m3.u_{1}^{m_{1}}u_{2}^{m_{2}}u_{3}^{m_{3}}.

L’équation précédente me donne :

(m1,m2,m3)(m1+m2λ2+m3λ31)=m1m2(m1,m21,m3)+m1m2m3(m1,m21,m31)+m1(m11)(m11,m2,m3)\left({m_{1},\;m_{2},\;m_{3}}\right)\left({m_{1}+m_{2}\lambda_{2}+m_{3}\lambda% _{3}-1}\right)=m_{1}m_{2}\left({m_{1},\;m_{2}-1,\;m_{3}}\right)\\ +m_{1}m_{2}m_{3}\left({m_{1},\;m_{2}-1,\;m_{3}-1}\right)+m_{1}\left({m_{1}-1}% \right)\left({m_{1}-1,\;m_{2},\;m_{3}}\right)

Cette équation montre comment on pourra calculer les coefficients de proche en proche.66endnote: 6 Après avoir exprimé les coefficients de la série de Taylor de zz, Poincaré identifie terme à terme les coefficients de u1m1u2m2u3m3u_{1}^{m_{1}}u_{2}^{m_{2}}u_{3}^{m_{3}} dans l’équation. Il obtient ainsi une relation de récurrence entre les coefficients. Soit d’abord m1=1,m2=m3=0m_{1}=1,m_{2}=m_{3}=0; l’équation est indéterminée ; on peut prendre un coefficient quelconque, prenons 1 ; soit maintenant m1=1,m2=1,m3=0m_{1}=1,\;m_{2}=1,\;m_{3}=0, l’équation devient :

(1, 1, 0)(1+λ21)=1\left({1,\;1,\;0}\right)\left({1+\lambda_{2}-1}\right)=1

Soit m1=1,m2=1,m3=1m_{1}=1,\;m_{2}=1,\;m_{3}=1; on a :

(1, 1, 1)(λ2+λ3)=(1, 0, 1)+(1, 0, 0)\left({1,\;1,\;1}\right)\left({\lambda_{2}+\lambda_{3}}\right)=\left({1,\;0,\;% 1}\right)+\left({1,\;0,\;0}\right)
(1,0,1)λ3=0(1,1,1)=1λ2+λ3\begin{matrix}(1,0,1)\lambda_{3}=0&\qquad\displaystyle(1,1,1)=\frac{1}{\lambda% _{2}+\lambda_{3}}\end{matrix}
(1, 2, 1)(2λ2+λ3)=2(1, 1, 1)+2(1, 1, 0)\left({1,\;2,\;1}\right)\left({2\lambda_{2}+\lambda_{3}}\right)=2\left({1,\;1,% \;1}\right)+2\left({1,\;1,\;0}\right)
(1, 2, 1)=1(λ2+λ3)(2λ2+λ3)+2λ2(2λ2+λ3)\left({1,\;2,\;1}\right)=\frac{1}{{\left({\lambda_{2}+\lambda_{3}}\right)\left% ({2\lambda_{2}+\lambda_{3}}\right)}}+\frac{2}{{\lambda_{2}\left({2\lambda_{2}+% \lambda_{3}}\right)}}
(2, 0, 0)=2(1, 0, 0)=2\left({2,\;0,\;0}\right)=2\left({1,\;0,\;0}\right)=2
(2, 1, 0)(1+λ2)=2(1, 0, 0)+2(1, 1, 0)=4+11+λ21\left({2,\;1,\;0}\right)\left({1+\lambda_{2}}\right)=2\left({1,\;0,\;0}\right)% +2\left({1,\;1,\;0}\right)=4+\frac{1}{1+\lambda_{2}-1}

etc.

Veuillez agréer, cher Monsieur, l’expression de ma respectueuse considération.

Poincaré

ALS 4p. IML 3, Mittag-Leffler Archives, Djursholm. Un extrait a été publié dans Acta mathematica 38, 149–151.

Time-stamp: " 8.06.2019 19:03"

Notes

  • 1 Caen-30 juin — Dalarö-2 juillet.
  • 2 Les enveloppes et les lettres de Poincaré ont été malencontreusement séparées à l’Institut Mittag-Leffler. On trouve dans le dossier Poincaré de l’Institut, une photographie de Poincaré âgé de 30 ans environ, signée Waléry (Paris).
  • 3 Dans le cadre de ses études à l’Ecole des Mines, Poincaré a fait en 1878, un voyage en Scandinavie : L’Ecole des Mines offrait à ses élèves l’occasion de missions à l’étranger. Pendant l’été 1877, Poincaré fit un voyage d’études en Autriche-Hongrie et remit deux mémoires, […], mémoires perdus comme ceux faits l’année suivante en Norvège. (Bellivier 1956, 181) Le journal de voyage en Norvège et Suède en 1878 rédigé par Poincaré et Bonnefoy se trouve en fait aux archives de l’Ecole des mines de Paris (J 1878, 611). On peut y lire que leur voyage d’étude a duré 102 jours et que son itinéraire les conduisit à travers toute la Norvège et la Suède. On trouve aussi dans les mêmes archives les mémoires plus spécifiquement techniques que les élèves doivent rendre à l’issue de leur voyage d’étude. Le premier (M 1878, 989) s’intitule Sur la préparation mécanique et le traitement métallurgique des minerais d’argent à Konsberg (Norvège) et le second (M 1878, 990) Mémoire sur les sites de Pyrite de la Norvège.
  • 4 L’équation proposée par Poincaré dans sa lettre à Mittag-Leffler (§ 1-1-2) est analogue à celle étudiée à la fin de son article sur les fonctions à espace lacunaire (Poincaré 1883). Dans le manuscrit original de son article, Poincaré propose d’étudier l’équation aux dérivées partielles u1F1dzdu1+u2F2dzdu2++unFndzdun=zu_{1}F_{1}\frac{{dz}}{{du_{1}}}+u_{2}F_{2}\frac{{dz}}{{du_{2}}}+\ldots+u_{n}F_% {n}\frac{{dz}}{{du_{n}}}=z F1,F2,,FnF_{1},\,F_{2},\,\ldots\,,\,F_{n} sont des fonctions des nn variables uiu_{i} et du paramètre xx, holomorphes au voisinage de 0 pour tout xx. Poincaré suppose de plus que ces fonctions “se réduisent respectivement à xα1,xα2,,xαnx-\alpha_{1},\,x-\alpha_{2},\,\ldots\,,\,x-\alpha_{n} quand on y annule tous les uu”. En reprenant un résultat de sa thèse, Poincaré montre que sous certaines conditions qui s’expriment géométriquement, la solution de cette équation vue comme une fonction du paramètre xx est une fonction à espace lacunaire. […], j’ai démontré que si le point xx est extérieur au polygone convexe P circonscrit aux nn points α1,α2,,αn,\alpha_{1},\,\alpha_{2},\,\ldots\,,\,\alpha_{n}, il existe une intégrale de l’équation qui est holomorphe en u1,u2,,unu_{1},\,u_{2},\,\ldots\,,\,u_{n} pourvu que les modules de ces variables soient assez petits. Les coefficients de cette série sont des fonctions rationnelles de xx, si on donne aux uu des valeurs de module suffisamment petit et qu’on les considère comme des constantes, la somme de la série est une fonction de xx, et l’on peut voir […] qu’elle présente […] un espace lacunaire. (Version préliminaire de l’article Sur les fonctions à espaces lacunaires, conservée à l’Institut Mittag-Leffler.) Dans la version définitive de son article, Poincaré suppose que les fonctions F1,F2,,FnF_{1},\,F_{2},\,\ldots\,,\,F_{n} “se réduisent respectivement à 1,xα2xα1,,xαnxα11,\frac{{x-\alpha_{2}}}{{x-\alpha_{1}}},\;\ldots\;,\frac{{x-\alpha_{n}}}{{x-% \alpha_{1}}} quand on y annule tous les uu”. Les deux conditions sont équivalentes par simple changement de variables. L’existence de solutions holomorphes est conditionnée par le fait que xx n’appartient pas à l’enveloppe convexe des αi\alpha_{i}, autrement dit que l’origine 0 n’appartient pas au polygone convexe déterminé par les xαix-\alpha_{i}. Dans l’exemple proposé par Poincaré dans sa lettre (§ 1-1-2), la fonction F1F_{1} est exactement égale à 1 et comme le reconnaît Poincaré, les seules intégrales holomorphes de l’équation différentielle sont les fonctions Cu1Cu_{1}. En modifiant l’équation proposée par Poincaré de telle sorte que la fonction F1F_{1} est égale à 1 lorsque les variables uu sont toutes nulles, l’existence de solutions holomorphes est alors conditionnée par le fait que l’origine 0 n’appartienne pas à l’enveloppe convexe de 11, xα2x-\alpha_{2}, …, xαnx-\alpha_{n} (voir le croquis dans Poincaré à Mittag-Leffler, 01.08.1881, § 1-1-8). Les exemples proposés par Poincaré dans cette lettre et les suivantes sont de ce type.
  • 5 Poincaré explique le calcul des coefficients du développement en série de Taylor de la solution de l’équation différentielle.
  • 6 Après avoir exprimé les coefficients de la série de Taylor de zz, Poincaré identifie terme à terme les coefficients de u1m1u2m2u3m3u_{1}^{m_{1}}u_{2}^{m_{2}}u_{3}^{m_{3}} dans l’équation. Il obtient ainsi une relation de récurrence entre les coefficients.

Références

  • A. Bellivier (1956) Henri Poincaré ou la vocation souveraine. Gallimard, Paris. Cited by: endnote 3.
  • H. Poincaré (1883) Sur les fonctions à espaces lacunaires. Acta Societatis scientiarum Fennicae 12, pp. 343–350. link1 Cited by: endnote 4.