7-3-2. H. Poincaré: Rapport sur la thèse de Xavier Stouff

[16.07.1888]11endnote: 1 Le manuscrit porte deux annotations, de deux mains inconnues: “16 Juillet 1888” et “Rapport de M. Poincaré sur la thèse de Mr Stouff”.

La thèse de M. Stouff a pour objet l’étude de la transformation des fonctions fuchsiennes.22endnote: 2 Stouff (1888). Cette opération, malgré ses analogies avec la transformation des fonctions elliptiques, présente de bien plus grandes difficultés. Les cas particuliers sont beaucoup plus nombreux et variés et rentrent difficilement dans une théorie générale. Aussi M. Stouff a-t-il bien compris que ce qu’il avait de mieux à faire, c’était de s’attacher à un certain nombre d’exemples particuliers simples et de les traiter complètement.

L’auteur débute par une formule générale qu’il établit de deux manières différentes, par la considération des surfaces de Riemann et par celle des transcendantes fuchsiennes, et dont il fait immédiatement de nombreuses applications. Cette formule se rapporte au problème suivant qui n’est que la traduction dans un autre langage de la question de la transformation des fonctions fuchsiennes.

Étant donné deux courbes de genre quelconque, faire correspondre les points de l’une à ceux de l’autre de telle façon qu’à un point de la première correspondent mm points de la seconde et à un point de la seconde nn points de la première.

M. Stouff montre que ce problème se ramène à la recherche des sous-groupes contenus dans un groupe fuchsien et aborde ensuite de très nombreux exemples qu’il n’abandonne qu’après avoir résolu jusqu’au bout toutes les questions qu’ils soulèvent.

Ordinairement les coefficients d’une équation fuchsienne et ceux du groupe fuchsien correspondant sont liés par des relations transcendantes de sorte qu’on ne peut trouver les seconds en fonctions des premiers que par de pénibles approximations. Il n’en est plus de même dans quelques-uns des cas où la transformation est possible, et en particulier dans la plupart des exemples que M. Stouff a traités. L’auteur a soin de déterminer numériquement et à la fois les coefficients de l’équation fuchsienne et les éléments du polygone générateur correspondant.

Parmi les sous-groupes contenus dans un groupe fuchsien, les plus remarquables sont ceux qu’on appelle sous-groupes distingués. M. Stouff en fait une étude approfondie et traite là aussi de nombreux exemples, parmi lesquels je dois signaler tout particulièrement l’étude des surfaces de Riemann hyperelliptiques. L’auteur donne en effet une solution complète du problème suivant ; trouver toutes les transformations birationnelles d’une courbe hyperelliptique en elle-même ; problème qu’il ramène à la considération des polyèdres réguliers.

Le § V est consacré à l’étude des réseaux de polygônes fuchsiens qui présentent un ou plusieurs axes de symétrie. Ces réseaux qui correspondent aux courbes algébriques qui admettent des branches réelles, ont une importance particulière et méritaient l’étude détaillée que l’auteur en a faite.

La seconde partie de la thèse a pour objet l’équivalence des polygones fuchsiens. Un même groupe fuchsien peut être engendré par une infinité de polygones que l’on appelle équivalents. L’ensemble des opérations qui transforment les uns dans les autres les polygones équivalents forme un groupe dont l’étude est délicate et difficile. M. Stouff rattache ce groupe à un autre qui est d’ordre fini ; d’ailleurs, ces groupes restant toujours holoèdriquement isomorphes à eux-mêmes, on peut pour établir leur théorie, se supposer placé dans les cas particuliers, où la transformation est possible ; c’est ainsi que les résultats obtenus dans la première partie de la thèse permettent à l’auteur de découvrir sans peine les relations fondamentales qui caractérisent les groupes qu’il étudie. En particulier, ces relations sont données complètement et explicitement dans le cas de l’octogone et du dodécagone dont les côtés opposés sont conjugués.

En résumé, M. Stouff a fait preuve dans ce travail, d’une connaissance approfondie de la théorie des fonctions, en même temps que d’un esprit ingénieux et original. Il a montré qu’il savait manier avec aisance et sûreté, non seulement les fonctions fuchsiennes, mais encore les surfaces de Riemann et même les surfaces analogues à celles de Riemann que M. Klein a introduites dans la science (surfaces de Riemann gonflées). Sa thèse étend nos connaissances sur les propriétés des fonctions fuchsiennes et sur la transformation des surfaces de Riemann ou des courbes algébriques en elles-mêmes ou les unes dans les autres. Elle nous semble donc tout à fait digne d’être admise à l’impression.

Poincaré

G. Darboux33endnote: 3 Gaston Darboux a rédigé le rapport sur la seconde thèse de Stouff; ce rapport sans date n’a pas été signé par Poincaré.

ADS 2p. AJ/16/5534, Archives nationales françaises.

Time-stamp: "27.05.2023 21:32"

Notes

  • 1 Le manuscrit porte deux annotations, de deux mains inconnues: “16 Juillet 1888” et “Rapport de M. Poincaré sur la thèse de Mr Stouff”.
  • 2 Stouff (1888).
  • 3 Gaston Darboux a rédigé le rapport sur la seconde thèse de Stouff; ce rapport sans date n’a pas été signé par Poincaré.

Références

  • X. Stouff (1888) Sur la transformation des fonctions fuchsiennes. Ph.D. Thesis, Faculté des sciences de Paris, Paris. Cited by: endnote 2.