3-33. Anders Lindstedt

Anders Lindstedt naît le 27 juin 1854 dans un village près de Falun dans la province de Dalécarlie au centre de la Suède. Il étudie à l’université de Lund où il passe une thèse en astronomie en 1877 (Lindstedt 1877). Il est alors embauché à l’université de Lund comme assistant, poste qu’il conserve jusqu’à ce qu’il obtienne un poste d’observateur-astronome à l’université de Dorpat alors en Russie (actuellement, Tartu en Lituanie). Il devient professeur de mathématiques appliquées dans cette même université en 1883. En 1886, il rejoint l’université technique de Stockholm, la Kungliga Tekniska högskolan (KTH) comme professeur de mathématiques et de mécanique appliquée. Lindstedt restera jusqu’en 1909 à la KTH dont il sera le recteur entre 1902 et 1909. En arrivant à Stockholm, Lindstedt commence à s’intéresser aux mathématiques actuarielles et participe à plusieurs commissions gouvernementales concernant la question des retraites, de la sécurité sociale et du droit des assurances. Il démissionne de l’université en 1909 pour occuper des postes de responsabilités dans divers organismes d’assurances sociales. Il meurt le 16 mai 1939.11endnote: 1 Sur la vie de Lindstedt, voir le Journal of the Institute of Actuaries 70 (1939), 269.

L’activité de Lindstedt comme astronome est surtout pratique. Il publie entre 1877 et 1882 des résultats de mesures concernant les méridiens et la planète Mars. Son activité en mécanique céleste est circonscrite à la période 1882–1886 pendant laquelle il publie dans une série de notes concernant une méthode de développement en séries trigonométriques des solutions de certaines équations différentielles qui ne contiennent pas de terme séculaire. La question des termes séculaires était particulièrement cruciale en mécanique céleste car liée à la question de la stabilité du système solaire. La méthode de Lindstedt associée aux idées de Gyldén représente pour Poincaré une avancée significative dans cette direction:

Grâce aux efforts de [Gyldén et Lindstedt], la difficulté provenant des termes séculaires peut être regardée comme définitivement vaincue et les procédés nouveaux suffiront probablement pendant fort longtemps encore aux besoins de la pratique. (Poincaré 1892, 3)

La publication de sa méthode avait amené Lindstedt à correspondre avec des astronomes et des mathématiciens français dont Hermite, Tisserand, Callandreau et Poincaré. Au début des années 1880, alors qu’il rédige les articles définitifs de sa théorie des fonctions fuchsiennes et ceux consacrés à la théorie qualitative des équations différentielles, Poincaré s’intéresse à la question de la convergence des séries. Il publie à ce sujet deux notes en 1882 consacrées l’une à l’intégration des équations différentielles par les séries (Poincaré 1882a) et l’autre à la convergence des séries trigonométriques (Poincaré 1882b). Dans ses deux notes, Poincaré évoque les applications que ses réflexions sont supposées avoir en mécanique céleste bien que, jusqu’alors, il n’ait pas encore contribué explicitement à ce champ. La mécanique céleste et le problème des trois corps semblent avoir intéressé très tôt Poincaré puisqu’il assiste en 1878 encore étudiant à la soutenance de thèse de Haret. Dans la première note, Poincaré montre que l’on peut toujours se ramener par un changement de variables au cas où les séries sont convergentes pour toutes les valeurs de la variable. Dans la seconde note, Poincaré montre qu’une série trigonométrique simplement convergente peut ne pas être bornée et il en conclut que, même si sa remarque n’a pas d’importance du point de vue pratique en mécanique céleste, “il est impossible d’accepter certaines conséquences théoriques que l’on serait tenté de tirer de [la convergence de certains développements trigonométriques]” (Poincaré 1882b, 768). Dans les notes suivantes, Poincaré insistera d’une part sur le fait que la convergence d’un développement peut ne pas être suffisante pour prouver la stabilité d’un système et d’autre part, que la divergence d’une série ne signifie pas son inutilité. Il introduit ainsi la notion de “séries asymptotiques”, séries dont le terme général décroît d’abord très rapidement et qui sont pourtant divergentes. Ces séries restent utiles pour des approximations qui selon les cas sont valables pour “un intervalle de temps limité” ou “pour toutes les valeurs du temps”. Poincaré (1886a) poursuivra ses réflexions sur les différents types de convergence dans le champs de la mécanique céleste mais aussi dans celui de l’analyse générale des équations différentielles. Dans sa notice, il explique sa démarche ainsi :

Dans quelles conditions ces séries divergentes peuvent-elles être utilisées avec succès ? C’est ce que j’ai cherché à éclaircir. J’ai montré dans quelles limites, cet emploi est légitime, comme l’est, pour citer un exemple célèbre, celui de la série de Stirling et j’ai fait voir que les règles du calcul de ces séries sont les mêmes que celles de séries ordinaires.
J’ai justifié ainsi l’emploi que font les astronomes de ce genre de développements ; et en particulier des développements trigonométriques. (Poincaré 1921, 107)

La correspondance avec Lindstedt s’oriente très vite vers deux thèmes : les conditions d’application de la méthode de Lindstedt et la convergence des développements obtenus. Poincaré (1886b) démontrera assez rapidement qu’il n’y a aucune restriction à l’application de la méthode de Lindstedt, comme il l’explique dans sa notice:

Dans cette dernière méthode, un artifice ingénieux permet à chaque approximation de faire disparaître les termes séculaires qui peuvent s’être introduits. Il est aisé de voir que cet artifice réussira toujours s’il n’y a qu’un terme à faire disparaître ; mais il n’en serait plus de même s’il s’était introduit à la fois deux termes séculaires. Il est facile de vérifier d’ailleurs que, dans les premières approximations, on n’a à se débarrasser que d’un seul terme ; mais on peut se demander s’il doit en être toujours ainsi. Un examen superficiel pourrait faire croire le contraire, et même M. Lindstedt était disposé à penser que sa méthode ne réussirait que s’il n’y avait entre les arguments aucune relation linéaire.
Je suis parvenu à démontrer que le terme séculaire qui peut apparaître à chaque approximation est toujours unique et que, par conséquent, la méthode de M. Lindstedt est toujours applicable. (Poincaré 1921, 108)

Une des conclusions de l’article de Poincaré (1890), Sur le problème des trois corps et les équations de la dynamique est que les séries de Lindstedt ne peuvent être uniformément convergentes pour toutes les valeurs initiales du problème. L’argument de Poincaré est d’ordre qualitatif. Après avoir exhibé un nouveau type de solutions asymptotiques, c’est-à-dire des solutions qui convergent, lorsque tt tend vers ±\pm\infty, vers des solutions périodiques, Poincaré montre que la convergence uniforme des développements de Lindstedt pour toutes les valeurs initiales entraîne l’absence de solutions asymptotiques.22endnote: 2 La méthode de Lindstedt et la convergence de ses développements sont étudiées dans les chapitres 9 et 13 des Méthodes nouvelles de la mécanique céleste (Poincaré 1893).

Time-stamp: " 9.08.2023 13:55"

Notes

  • 1 Sur la vie de Lindstedt, voir le Journal of the Institute of Actuaries 70 (1939), 269.
  • 2 La méthode de Lindstedt et la convergence de ses développements sont étudiées dans les chapitres 9 et 13 des Méthodes nouvelles de la mécanique céleste (Poincaré 1893).

Références

  • A. Lindstedt (1877) Undersökning af Meridiancirkeln på Lunds Observatorium jemte bestämning af densammas polhöjd. Ph.D. Thesis, Université de Lund, Lund. Cited by: 3-33. Anders Lindstedt.
  • H. Poincaré (1882a) Sur l’intégration des équations différentielles par les séries. Comptes rendus hebdomadaires des séances de l’Académie des sciences de Paris 94, pp. 577–578. link1 Cited by: 3-33. Anders Lindstedt.
  • H. Poincaré (1882b) Sur les séries trigonométriques. Comptes rendus hebdomadaires des séances de l’Académie des sciences de Paris 95, pp. 766–768. link1 Cited by: 3-33. Anders Lindstedt.
  • H. Poincaré (1886a) Sur les intégrales irrégulières des équations linéaires. Acta mathematica 8 (1), pp. 295–344. link1 Cited by: 3-33. Anders Lindstedt.
  • H. Poincaré (1886b) Sur une méthode de M. Lindstedt. Bulletin astronomique 3, pp. 57–61. link1 Cited by: 3-33. Anders Lindstedt.
  • H. Poincaré (1890) Sur le problème des trois corps et les équations de la dynamique. Acta mathematica 13, pp. 1–270. link1 Cited by: 3-33. Anders Lindstedt.
  • H. Poincaré (1892) Les méthodes nouvelles de la mécanique céleste, Volume 1. Gauthier-Villars, Paris. link1 Cited by: 3-33. Anders Lindstedt.
  • H. Poincaré (1893) Les méthodes nouvelles de la mécanique céleste, Volume 2. Gauthier-Villars, Paris. link1 Cited by: endnote 2.
  • H. Poincaré (1921) Analyse des travaux scientifiques de Henri Poincaré faite par lui-même. Acta mathematica 38, pp. 1–135. link1 Cited by: 3-33. Anders Lindstedt, 3-33. Anders Lindstedt.