1-1-205. H. Poincaré à Gösta Mittag-Leffler

[12/9/1903]11endnote: 1 Date du cachet de la poste de Paris. Paris-12 septembre — Djursholm-15 septembre 1903.

Mon cher ami,

Je crois qu’il serait plus juste de partager le prix entre Becquerel et les Curie ; car si les Curie sont plus fins et ont été plus avant, Becquerel a été l’initiateur.22endnote: 2 Poincaré fut cosignataire avec Mascart, Lippmann, Darboux et d’autres d’une lettre proposant d’attribuer le prix Nobel de physique à Becquerel et Pierre Curie; voir Poincaré et al. au Comité Nobel, ca. 24.01.1903 (§ 2-62-9). Marie Curie fut exclue de la proposition et sa participation aux travaux qui ont conduit à la découverte de la radioactivité ne fut pas mentionnée. Pierre Curie écrit à Poincaré afin que Marie puisse partager le prix; voir Pierre Curie à Poincaré, 25.01.1903 (§ 2-19-1). Pierre écrit également à Mittag-Leffler, le 06.08.1903: Mon cher ami,
Vous avez été assez aimable pour m’informer qu’il avait été question de moi pour le prix Nobel. Je ne sais si ce bruit a beaucoup de consistance, mais dans le cas où il serait vrai que l’on songe sérieusement à moi, je désirerai beaucoup que l’on me considère comme solidaire avec Mme Curie dans nos recherches sur les corps radioactifs. C’est en effet, son premier travail qui a déterminé la découverte des nouveaux corps et sa part est très grande dans cette découverte (elle a aussi déterminé le poids atomique du radium). Je crois que si nous étions disjoints en cette circonstance, cela étonnerait beaucoup de gens. Puis ne trouvez-vous pas que ce serait plus joli au point de vue artistique de nous laisser ainsi associés.
Il serait extrêmement peu convenable de ma part de faire une démarche quelconque auprès des membres de la commission. Mais si cependant vous trouviez une occasion de leur faire savoir mon opinion sur ce point particulier, cela me ferait plaisir. J’ai envoyé en Suède la thèse de Mme Curie et je pense qu’ils verront eux-mêmes que sa part est aussi grande que la mienne dans ce travail.
Il va sans dire que je ne compte pas du tout sur ce prix et que s’il ne nous est pas donné, je n’en aurai aucune déception ; mais il faut prévoir tout ce qui peut arriver.
Avec mes remerciements pour vos sentiments bienveillants à mon égard, je vous envoie mes amitiés. (IML)
De fait, Marie Curie, Pierre Curie et Becquerel se partageront le prix Nobel de physique en 1903, ce dernier “en reconnaissance des extraordinaires services rendus par sa découverte de la radioactivité spontanée”, les Curie “en reconnaissance des extraordinaires services rendus par leurs recherches communes sur les phénomènes de radiation découverts par le professeur Henri Becquerel”. Marie Curie obtiendra en 1911, le prix Nobel de chimie “en reconnaissance des services rendus au progrès de la chimie par la découverte du radium et du polonium, par l’isolation du radium, et par l’étude de la nature et des composés de ce remarquable élément”.

Mais je tiens surtout à assurer le succès et il n’y aurait pas lieu d’insister sur le partage si cette insistance devrait / compromettre le succès de la combinaison.

J’ai beaucoup regretté de n’avoir pu aller vous voir cette année mais ce n’est que partie remise.

Votre ami dévoué,

Poincaré

ALS 2p. IML 121, Mittag-Leffler Archives, Djursholm.

Time-stamp: " 2.05.2019 23:11"

Notes

  • 1 Date du cachet de la poste de Paris. Paris-12 septembre — Djursholm-15 septembre 1903.
  • 2 Poincaré fut cosignataire avec Mascart, Lippmann, Darboux et d’autres d’une lettre proposant d’attribuer le prix Nobel de physique à Becquerel et Pierre Curie; voir Poincaré et al. au Comité Nobel, ca. 24.01.1903 (§ 2-62-9). Marie Curie fut exclue de la proposition et sa participation aux travaux qui ont conduit à la découverte de la radioactivité ne fut pas mentionnée. Pierre Curie écrit à Poincaré afin que Marie puisse partager le prix; voir Pierre Curie à Poincaré, 25.01.1903 (§ 2-19-1). Pierre écrit également à Mittag-Leffler, le 06.08.1903: Mon cher ami, Vous avez été assez aimable pour m’informer qu’il avait été question de moi pour le prix Nobel. Je ne sais si ce bruit a beaucoup de consistance, mais dans le cas où il serait vrai que l’on songe sérieusement à moi, je désirerai beaucoup que l’on me considère comme solidaire avec Mme Curie dans nos recherches sur les corps radioactifs. C’est en effet, son premier travail qui a déterminé la découverte des nouveaux corps et sa part est très grande dans cette découverte (elle a aussi déterminé le poids atomique du radium). Je crois que si nous étions disjoints en cette circonstance, cela étonnerait beaucoup de gens. Puis ne trouvez-vous pas que ce serait plus joli au point de vue artistique de nous laisser ainsi associés. Il serait extrêmement peu convenable de ma part de faire une démarche quelconque auprès des membres de la commission. Mais si cependant vous trouviez une occasion de leur faire savoir mon opinion sur ce point particulier, cela me ferait plaisir. J’ai envoyé en Suède la thèse de Mme Curie et je pense qu’ils verront eux-mêmes que sa part est aussi grande que la mienne dans ce travail. Il va sans dire que je ne compte pas du tout sur ce prix et que s’il ne nous est pas donné, je n’en aurai aucune déception ; mais il faut prévoir tout ce qui peut arriver. Avec mes remerciements pour vos sentiments bienveillants à mon égard, je vous envoie mes amitiés. (IML) De fait, Marie Curie, Pierre Curie et Becquerel se partageront le prix Nobel de physique en 1903, ce dernier “en reconnaissance des extraordinaires services rendus par sa découverte de la radioactivité spontanée”, les Curie “en reconnaissance des extraordinaires services rendus par leurs recherches communes sur les phénomènes de radiation découverts par le professeur Henri Becquerel”. Marie Curie obtiendra en 1911, le prix Nobel de chimie “en reconnaissance des services rendus au progrès de la chimie par la découverte du radium et du polonium, par l’isolation du radium, et par l’étude de la nature et des composés de ce remarquable élément”.