2-52-6. Édouard Sarasin à H. Poincaré

Genève le 17 décembre 1892

Société de Physique et d’Histoire Naturelles de Genève

Monsieur et très honoré Collègue,

Nous avons encore une fois recours à votre obligeance M. de la Rive et moi et venons vous demander si vous voudriez bien vous charger de communiquer à l’Académie des Sciences dans sa prochaine séance la petite note que je vous adresse ci-inclus.11endnote: 1 Sarasin et De La Rive (1892), note présentée par Poincaré le 19.12.1892, dans laquelle les auteurs affirme que la vitesse de propagation de l’ondulation électrique est la même dans l’air et le long de fils conducteurs.

Nos premières recherches sur la vitesse de propagation des ondes électriques dans l’air nous ayant conduit à un résultat très différent de celui que M. Hertz avait cru devoir tirer de ses premières recherches sur la valeur relative de cette vitesse comparée à celle le long des fils, et cette divergence entre des résultats obtenus dans des conditions assez analogues ne s’expliquant pas, nous avons désiré reprendre cette expérience dans des conditions plus favorables pour les grandes longueurs d’ondes, accédant en cela au désir que M. Hertz avait exprimé lui-même dans une note insérée dans la Lumière électrique ou dans l’introduction à son ouvrage d’ensemble sur ce sujet.22endnote: 2 Hertz (1891) et Lenard (1894), respectivement.

Après avoir eu assez longtemps le désir de réaliser nous mêmes cette expérience décisive à grand échelle nous avons fini par pouvoir y parvenir. Le résultat a été ce que nous attendions, conforme d’ailleurs à l’ensemble des idées de M. Hertz que nous confirmons en ceci bien plus que nous ne l’infirmons. C’est pourquoi nous avons tenu à ne pas insister dans notre note sur cette divergence entre ses résultats sur ce point spécial et les nôtres, tout le mérite en revenant à lui, donc nous n’avons fait que répéter l’expérience.

Il nous semble maintenant que l’égalité des deux vitesses est établie d’une manière irréfutable par les dernières expériences dont la netteté ne laisse rien à désirer pour les longueurs d’onde de 4m cercle de 0,50 d. et pour celles de 6m, cercle de 0,75 d. Quant au cercle de 1d dont nous ne parlons pas dans cette note il nous a encore donné avec le grand miroir de 16m des résultats anormaux. Il lui faudrait évidemment un miroir encore plus grand, mais nous ne jugeons pas utile de le suivre dans cette course au clocher.33endnote: 3 Dans une telle course on cherche à gagner à cheval le premier un clocher vu de loin, en franchissant haies et fossés, et en coupant à travers champs.

C’est d’ailleurs sur le cercle de 0,75 que portaient nos divergences avec M. Hertz. La preuve est suffisamment faite de la sorte qu’avec un miroir plus grand, ce cercle de 1m se soumettrait lui aussi à la loi commune et donnerait une courbe d’interférences régulières avec internœuds voisins de 4m.

La note que je vous envoie doit être à peu près de la longueur admise. Si le règlement exigeait qu’elle fût raccourcie, vous seriez bien aimable d’y faire les coupures que vous jugeriez convenables pour l’impression.

Je fais faire deux clichés des deux figures pour vous éviter la peine de les faire faire. Je les adresserai directement à vos imprimeurs, je pense dès lundi prochain, à temps par conséquent pour l’impression.

Je vous adresse en même temps que ces lignes trois photographies de notre installation. Nous vous prions de bien vouloir accepter pour vous même les deux petites et vous prions de bien vouloir faire hommage de la grande de notre part à l’Académie pour illustrer notre communication et faire comprendre ce qu’il y a peut-être d’incomplet ou d’obscur dans notre description.

Je vous prie Monsieur de bien vouloir excuser notre demande indiscrète. Nous avons pris cette liberté, sachant combien vous vous intéressez à ce sujet et vous prions M. de la Rive et moi d’agréer avec nos remerciements anticipés, l’expression de notre considération la plus distinguée.

Ed. Sarasin

Je vous serais bien obligé de vérifier à l’épreuve que nos noms ne soient pas estropiés par l’imprimeur.

ALS 5p. Collection particulière, Paris 75017.

Time-stamp: "13.05.2021 13:48"

Notes

  • 1 Sarasin et De La Rive (1892), note présentée par Poincaré le 19.12.1892, dans laquelle les auteurs affirme que la vitesse de propagation de l’ondulation électrique est la même dans l’air et le long de fils conducteurs.
  • 2 Hertz (1891) et Lenard (1894), respectivement.
  • 3 Dans une telle course on cherche à gagner à cheval le premier un clocher vu de loin, en franchissant haies et fossés, et en coupant à travers champs.

Références

  • H. Hertz (1891) Sur la propagation des perturbations électriques dans les fils conducteurs. Lumière électrique 41 (32), pp. 251–252. link1 Cited by: endnote 2.
  • P. Lenard (Ed.) (1894) Gesammelte Werke von Heinrich Hertz, Volume 2: Untersuchungen über die Ausbreitung der Elektrischen Kraft. J. A. Barth, Leipzig. link1 Cited by: endnote 2.
  • É. Sarasin and L. d. La Rive (1892) Sur l’égalité des vitesses de propagation de l’ondulation électrique dans l’air et le long de fils conducteurs, vérifiée par l’emploi d’une grande surface métallique. Comptes rendus hebdomadaires des séances de l’Académie des sciences de Paris 115, pp. 1277–1280. link1 Cited by: endnote 1.