5-1-112. H. Poincaré à Eugénie Launois

[10 Juin 1874]

Ma chère maman,

Je viens enfin de sortir de l’infirmerie; je n’ai pas envoyé la lettre au médecin parce que cela ne valait plus la peine. Le temps de pioche commence après demain. Tu n’as pas compris ce que je disais quand je t’écrivais que nous ne ferions plus rien pendant 8 jours; c’était à partir de mon entrée et non de ma sortie. Je ne pouvais demander à partir aujourd’hui pour revenir après-demain. Je ne sais pas encore aujourd’hui la date de mon dernier exam; je ne saurai rien de positif d’ici à quelques jours; peut-être demain; je t’écrirai dans tous les cas immédiatement. J’ai toutefois pu reconnaître une fois de plus que le géné est un animal; il ne cherche qu’à retarder le moment de la sortie et d’une façon tout à fait inutile dans le seul but de poser au ministère pour le type qui force les X à chiader; tandis qu’en réalité il ne fait que nous laisser nous morfondre pendant 8 jours sans rien faire. Il adresse des rapports insensés où il exagère la faiblesse des conscrits et la force phénoménale des ânes; en même temps il nous représente : comme des agneaux prêts à subir toutes ses volontés. Aussi quel four ! Il commence par dire qu’il va mettre Colson au Cherche-Midi, à la porte de l’X, que sais-je; il s’en serait bien gardé le malheureux, il aurait fallu parler au ministère; mais un pitaine de ses amis effrayé écrit à sa mère qui s’adresse immédiatement au colo d’étamaj. de Cissey; entrée du colo; tableau; rogne du géné qui conspue Lambrecht et pique la lèche à Colson; lui fait des excuses de l’avoir pincé; etc.; du reste je crois qu’il regrettait réellement qu’on eût pincé un bottier.

Nous allons avoir très probablement deux ronds et un blâme pour nous distraire d’ici à quelques jours. Il y a encore en ce moment un autre sujet de distraction, c’est l’élection de la commission des cotes qui aura lieu samedi; nous aurons peut-être prolonge dimanche.

AL 2p. Collection particulière, 75017 Paris.

Time-stamp: " 7.09.2020 11:56"