5-1-141. H. Poincaré à Eugénie Launois

[Ca. 1874–1875]

Ma chère maman,

J’ai passé chez Alphen une colle l’autre jour;11endnote: 1 Georges-Henri Halphen. j’ai eu 19; maintenant j’ai reçu avant hier une carte pour la Chambre et j’ai eu la chance de tomber sur une séance très chique. Je suis arrivé à 4 h et elle a duré jusqu’à 6 h. C’était l’interpellation sur la presse. J’ai entendu trois discours très chics; deux de Ricard et un de Gambetta. Quant à Baragnon il n’a pas été trop nul dans son second premier laïus et dans le second il a fait un four carabiné. En général ce sont tous de sacrés poseurs. Ricard se tape sur le ventre et se ballade dans la tribune comme un ours dans sa cage; Baragnon parle de l’influenfe [sic] dangereuse de la preffe en étendant ses bras en l’air et leur faisant décrire une sorte d’oscillation dans un plan horizontal; puis il ferme les yeux avec componction et parle de son zèle pour les libertés publiques. Ricard et Gambetta parlent d’une voix posée, insinuante, qui donne à leur laïus quelque chose de précis et de tranchant. Enfin comme chambard, cela ne laissait rien à désirer; d’abord il y avait des personnalités échangées entre Ricard et Baragnon et plus entre Gambetta et Hantjens. On dit que ces deux derniers se sont envoyés leurs témoins. Il y avait à droite des types très chics principalement un banc où il y avait cinq espèces de paysans richards et bigots; j’étais en train de me demander lequel était Martin d’Aurey. M. Billy m’a dit depuis que c’étaient Gavardie, du Temple et d’autres. Buffet a agité 2K+12K+1 fois sa sonnette; il arrêtait toujours les orateurs de gauche et laissait aller ceux de droite. Il voulait empêcher Gambetta de monter à la tribune. Maintenant voici les principaux incidents de la séance. Je suis arrivé au milieu du premier discours de Ricard qui, après avoir montré que les actes du gouvernement n’étaient que la répétition de ceux de l’Empire, autrefois attaqué par de Broglie, dit qu’il ne veut pas remonter si haut pour montrer ses palinodies et il lit deux discours de de Broglie et Baragnon; entremêlés de tl à dr. Formant un effet splendide. Baragnon remonte et dit que s’il y a un moment cruel dans la vie c’est celui où il faut renoncer à ses illusions; que ce sont les rép. Qui l’y ont forcé; puis il attaque Ricard qui avait arrêté un type des commissions mixtes. Retour de Ricard qui fait resurgir22endnote: 2 Variante: “…qui demande fait resurgir …”. la différence des deux attaques, se défend et en même temps rappelle à B sa circ. répub. qu[and] Buffet l’arrête. Retour de B qui cherche à défendre sa circ.; il dit : je ne suis pas le seul; M. untel l’a signée; je ne l’ai pas signée, répond une voix glapissante; four; il bafouille et s’arrête. Puis Gambetta monte à la tribune et veut défendre un officier qui avait écrit dans le Journal de Lyon; la droite fait un chahut infernal; néanmoins il se fait entendre; Haentjens l’interrompt, puis monte à la tribune; le chambard continue et il retourne à sa place grosjean comme devant.

J’embrasse t[out] le monde

H

ALS 2p. Collection particulière, 75017 Paris.

Time-stamp: "22.09.2020 17:32"

Notes

  • 1 Georges-Henri Halphen.
  • 2 Variante: “…qui demande fait resurgir …”.