7-4-1. H. Andoyer: Rapport sur la thèse de Louis Fabry

Paris, 1893 Juin 2611endnote: 1 Louis Fabry (1862–1939) soutint sa thèse de doctorat à la Faculté des sciences de Paris le 29 décembre 1893 (Louis Fabry 1893, rééd. 1895b). Le rapport avant soutenance fut rédigé par Henri Andoyer le 26 juin 1893; il est signé par Henri Andoyer, Henri Poincaré, et Joseph Boussinesq. Ce dernier rédigea trois lignes à propos de la soutenance, en bas du rapport d’Andoyer.

Rapport sur la Thèse de M. Fabry

Le travail de M. Fabry, aide astronome à l’Observatoire de Marseille, est une “Etude sur la probabilité des comètes hyperboliques et sur l’origine des comètes”.22endnote: 2 Louis Fabry fit un résumé de sa thèse pour le Bulletin astronomique (Fabry, 1895a); il reprit ce même sujet quatre ans plus tard (Fabry 1899).

En voici d’abord un court résumé.

Chapitre I. M. Fabry étudie la probabilité des comètes ss de grand axe compris entre des limites données, en considérant les comètes au moment où elles entrent dans la sphère d’activité du soleil.

On peut d’abord ne pas tenir compte du mouvement du soleil dans l’espace : la question, ainsi posée, a d’abord été traitée par Laplace, dont M. Fabry reprend le calcul en le corrigeant, ainsi que l’avaient indiqué Gauss & ensuite M. Schiaparelli.

M. Fabry cite aussi les résultats obtenus par M. Seeliger, & reprend la question par une méthode géométrique dont le principe est dû à M. Schiaparelli.

La formule qui donne la probabilité des comètes visibles de vitesse initiale comprise entre v1v_{1} et v2v_{2} est

v2v1ϕ(v)2𝑑v(11q2v2)(1A2v2)0Uϕ(v)𝑑v\frac{\int^{v_{1}}_{v_{2}}\frac{\phi(v)}{2}dv(1-\sqrt{1-\frac{q^{2}}{v^{2}}})(% 1-\frac{A^{2}}{v^{2}})}{\int^{U}_{0}\phi(v)dv}

le radical étant remplacé par zéro s’il devient imaginaire. M. Fabry étudie le cas ϕ(v)=Cte\phi(v)=\text{Cte} & ϕ(v)=lv2\phi(v)=lv^{2}; il fera de même dans la suite.

Si maintenant, on tient compte du mouvement du soleil, la question change complètement.

M. Fabry commence par donner un aperçu des données que l’on possède sur la vitesse du soleil & des étoiles ; puis il établit, en se servant de la méthode géométrique de M. Schiaparelli, la formule qui donne la probabilité des comètes visibles de vitesse initiale comprise entre v1v_{1} & v2v_{2}, tout autour du soleil, à la distance rr, c’est:

[formule non transcrite]

où l’on peut, à cause de la grandeur de VV, remplacer

[formule non transcrite]

par

[formule non transcrite]

& aussi faire

[formule non transcrite]

α\alpha étant l’angle de la vitesse HH du soleil avec le rayon-vecteur qui va du soleil au point considéré.

La légitimité de ces simplifications n’est peut-être pas complètement démontrée : il eût été bon d’y insister un peu plus.

L’auteur discute le champ de l’intégration pour la somme double de la formule précédente dans l’hypothèse où φ(h)\varphi(h) s’annule quand hh dépasse VV. Il transforme aussi géométriquement cette intégrale double en prenant pour variables vv & hh au lieu de vv & α\alpha ; peut être aurait-il convenu de montrer analytiquement comment on pouvait réaliser cette transformation – le calcul est de la plus grande simplicité. Enfin, M. Fabry développe les calculs nécessités par l’intégration & montre que toutes les courbes seront des hyperboles, & qu’en général les comètes fortement hyperboliques sont nombreuses.

En outre, il y a prépondérance, pour les comètes de vitesse initiale HH, mais cette prépondérance n’est pas suffisante pour affirmer comme l’avait fait M. Schiaparelli que ces comètes donneront la forme typique des orbites.

Chapitre II. Ici M. Fabry étudie la probabilité des comètes visibles de grand axe compris entre des limites données qui passent au périhélie dans un temps donné, & par suite, que nous devons réellement trouver en observant de la Terre.

Il analyse d’abord un mémoire de M. Davis, où, sans tenir compte du mouvement du soleil, l’auteur cherche la probabilité des comètes visibles de grand axe donné, qui pendant un temps donné, entrent dans la sphère d’activité du soleil.

M. Fabry reprenant ensuite la question telle qu’il l’a posée, développe des calculs analogues à ceux du premier chapitre, d’abord en en tenant pas compte du mouvement du soleil, puis en tenant compte de ce mouvement.

Les conclusions sont analogues à celles du premier chapitre. Toutefois la prépondérance des comètes de vitesse initiale HH est assez faible et peut même disparaître dans certains cas.

M. Fabry conclut donc les deux premiers chapitres en rejetant la théorie qui fait venir les comètes des espaces interstellaires.

Chapitre III. L’auteur étudie la disposition théorique des éléments de comètes, autres que le grand axe, dans le cas où ces astres viendraient des espaces interstellaires.

Chapitre IV. Ici, l’auteur étudie la disposition des mêmes éléments telle qu’elle résulte des observations. Il conclut en disant que cette disposition ne nous révèle aucunement le mouvement du soleil ; le seul fait qu’on avait cru pouvoir attribuer à cette cause, savoir l’accumulation des périhélies vers les longitudes 100c100^{c} & 300c300^{c} ne saurait être attribué à cette cause, & s’explique simplement par l’influence des saisons terrestres sur les découvertes.

On pourrait d’ailleurs ajouter que le ombre des cas sur lesquels porte le raisonnement n’est pas assez grand pour qu’on puisse en tirer des conclusions certaines.

Le travail de M. Fabry est considérable & et lui fait honneur ; l’auteur lui a consacré plusieurs années, & a fait de ses recherches un ensemble original de beaucoup de valeur. Nous regretterons toutefois que M. Fabry n’ait pas insisté davantage sur les objections auxquelles le travail peu donner prise : les principes qui lui servent de base prêtent à discussion, & il ne peut en être autrement dans une question aussi délicate, sur laquelle nous manquons presque complètement de données même probables.

Nous regretterons aussi que le style & la rédaction du travail de M. Fabry laissent tant à désirer ; que l’exposition soit lourde & sans précision ; que les calculs, enfin, soient conduits sans simplicité et sans élégance.

Nous considérons la thèse présentée par M. Fabry comme digne d’être soutenue devant la Faculté des Sciences

Andoyer — Poincaré — Boussinesq

29 décembre 1893

La soutenance de la thèse proprement dite a été satisfaisante et, quant aux questions posées par la Faculté, le candidat a prouvé qu’il en avait fait une étude approfondie et complète.

J. Boussinesq

ADS 3p. AJ/16/5535, Archives nationales françaises.

Time-stamp: " 9.08.2023 15:07"

Notes

  • 1 Louis Fabry (1862–1939) soutint sa thèse de doctorat à la Faculté des sciences de Paris le 29 décembre 1893 (Louis Fabry 1893, rééd. 1895b). Le rapport avant soutenance fut rédigé par Henri Andoyer le 26 juin 1893; il est signé par Henri Andoyer, Henri Poincaré, et Joseph Boussinesq. Ce dernier rédigea trois lignes à propos de la soutenance, en bas du rapport d’Andoyer.
  • 2 Louis Fabry fit un résumé de sa thèse pour le Bulletin astronomique (Fabry, 1895a); il reprit ce même sujet quatre ans plus tard (Fabry 1899).

Références

  • L. Fabry (1893) Étude sur la probabilité des comètes hyperboliques et l’origine des comètes. Ph.D. Thesis, Faculté des sciences de Paris, Paris. link1 Cited by: endnote 1.
  • L. Fabry (1895a) Étude sur la probabilité des comètes hyperboliques et l’origine des comètes. Bulletin astronomique 12 (1), pp. 43–48. link1 Cited by: endnote 2.
  • L. Fabry (1895b) Étude sur la probabilité des comètes hyperboliques et l’origine des comètes. Annales de la Faculté des sciences de Marseille 4, pp. 1–214. link1 Cited by: endnote 1.
  • L. Fabry (1899) Recherches sur l’origine des comètes et les hypothèses cosmogoniques. Annales de la Faculté des sciences de Marseille 9, pp. 155–186. link1 Cited by: endnote 2.