2-12-1. Marcel Brillouin à H. Poincaré

Paris le Lundi 4 mai 1891

23 Rue de Sèvres – Laboratoire de Physique – École Normale Supérieure

Monsieur,

J’ai repris une idée ancienne, en sortant de chez vous, et puis vous fournir un exemple dans lequel les vibrations de condensation et de rotation se présentent ensemble pour satisfaire à la condition de pression nulle à la surface d’une sphère :

Soient λ,μ\lambda,\mu, les coefficients de Lamé pour les corps isotropes, et soient Ω1\Omega_{1}, Ω2\Omega_{2} les vitesses de propagation des ondes de condensation et de rotation.

Posons11endnote: 1 La variable aa représente le rayon de la sphère, rr la distance au centre de la sphère, n=1/Tn=1/TTT est la période des ondes de condensation et de rotation, uu, vv, ww sont les déplacements.

P=Aϵin(t+rΩ1)rAϵin(trΩ1)rQ=Bϵin(t+rΩ2)rBϵin(trΩ2)r.P=A\frac{\epsilon^{in(t+\frac{r}{\Omega_{1}})}}{r}-A\frac{\epsilon^{in(t-\frac% {r}{\Omega_{1}})}}{r}\qquad Q=B\frac{\epsilon^{in(t+\frac{r}{\Omega_{2}})}}{r}% -B\frac{\epsilon^{in(t-\frac{r}{\Omega_{2}})}}{r}.

PP et QQ satisfont respectivement aux équations

Ω12Δ2P=2Pt2,Ω22Δ2Q=2Qt2.\Omega_{1}^{2}\Delta_{2}P=\frac{\partial^{2}P}{\partial t^{2}},\qquad\Omega_{2% }^{2}\Delta_{2}Q=\frac{\partial^{2}Q}{\partial t^{2}}.

Prenons maintenant pour les déplacements

u=2Px2+2Qx2+n2Ω22Qv=2Pxy+2Qxyw=2Pxz+2Qxz.\begin{gathered}u=\frac{{\partial^{2}P}}{{\partial x^{2}}}+\frac{{\partial^{2}% Q}}{{\partial x^{2}}}+\frac{{n^{2}}}{{\Omega_{2}^{2}}}Q\\ v=\frac{{\partial^{2}P}}{{\partial x\partial y}}+\frac{{\partial^{2}Q}}{{% \partial x\partial y}}\\ w=\frac{{\partial^{2}P}}{{\partial x\partial z}}+\frac{{\partial^{2}Q}}{{% \partial x\partial z}}.\\ \end{gathered}

On vérifie facilement qu’on a

ux+vy+wz\displaystyle\frac{\partial u}{\partial x}+\frac{\partial v}{\partial y}+\frac% {\partial w}{\partial z} =xΔ2P\displaystyle=\frac{\partial}{\partial x}\Delta_{2}P
wyvz\displaystyle\frac{\partial w}{\partial y}-\frac{\partial v}{\partial z} =0,\displaystyle=0,
uzwx\displaystyle\frac{\partial u}{\partial z}-\frac{\partial w}{\partial x} =n2Ω22Qx,\displaystyle=-\frac{n^{2}}{\Omega_{2}^{2}}\frac{\partial Q}{\partial x},\ \dots

et que uu, vv, ww satisfont aux équations aux dérivées partielles internes.

En prenant les AA, BB indiqués, les parties réelles de PP, QQ ne comprennent au numérateur que les sinus de rr, et restent finies à l’origine. Il en est alors de même des uu, vv, ww.

Écrivons maintenant que les pressions normale et tangentielle à la surface d’une sphère de rayon aa sont nulles, il vient pr. r=ar=a qqsoit tt (sauf erreur de calcul ?)

an2[λPΩ12+μQΩ22]+2μa(P′′′+Q′′′)2μ(P′′+Q′′)=0an2QΩ22+2(P′′+Q′′)=0\begin{gathered}an^{2}\left[-\frac{\lambda P^{\prime}}{\Omega_{1}^{2}}+\mu% \frac{Q^{\prime}}{\Omega_{2}^{2}}\right]+2\mu a(P^{\prime\prime\prime}+Q^{% \prime\prime\prime})-2\mu(P^{\prime\prime}+Q^{\prime\prime})=0\\ \frac{an^{2}Q^{\prime}}{\Omega_{2}^{2}}+2(P^{\prime\prime}+Q^{\prime\prime})=0% \end{gathered}

en désignant par un, deux, trois accents les dérivées des divers ordres des fonctions PP, QQ par rapport à rr.

Ces deux équations devant avoir lieu quel que soit tt, se dédoublent chacune en (sinnt)(\sin nt) et en (cosnt)(\cos nt); elles fournissent quatre équations homogènes en A1A2A_{1}A_{2}, B1B2B_{1}B_{2}, qui déterminent les trois rapports et par la condition de compatibilité la valeur de nn en fonction de aa et de λ\lambda, μ\mu (ou Ω1Ω2\Omega_{1}\Omega_{2}).

Il ne me semble pas qu’ici l’on puisse séparer les conditions à la surface relatives à PP et à QQ; les deux vibrations de condensation et de rotation sont liées l’une à l’autre par la condition à la surface.

Ceci n’est qu’un exemple, évidemment susceptible de généralisation; mais pour le moment je suis trop occupé des théories électriques; j’ai oublié de vous parler d’un point qui m’a beaucoup préoccupé depuis que j’étudie votre second volume; c’est la question de la force électrique normale au conducteur quand les variations périodiques sont rapides.22endnote: 2 Poincaré 1891, 228–234. J’en ai dit un mot dans le dernier numéro de la Revue générale des Sciences, mais qui est trop bref pour être tout à fait clair; et je tiens à me faire une opinion nette, pour l’analyse que je compte donner au Bulletin de Mr Darboux, sur le degré de généralité et d’approximation de cette condition.33endnote: 3 Le 30 avril, Brillouin (1891a) met en cause l’idée que la force électrique dans l’isolant doit aboutir normalement à la surface du conducteur, mais après réflexion, et des remarques de Poincaré (§ 2-12-2), il retire son objection; voir (1891b, 141n1), publié en juin. Il me semble qu’on peut la comparer à la condition de Bernouilli à l’ouverture d’un tuyau, (pression constante) et que, de même, l’approximation peut être médiocre ou excellente, suivant certains rapports de dimensions des longueurs d’onde et des conducteurs.44endnote: 4 A ce propos, voir (§ 2-30-3).

Veuillez agréer, l’expression de mes sentiments respectueux.

Marcel Brillouin

ALS 4p. Collection particulière, Paris 75017.

Time-stamp: "30.08.2020 00:57"

Notes

  • 1 La variable aa représente le rayon de la sphère, rr la distance au centre de la sphère, n=1/Tn=1/TTT est la période des ondes de condensation et de rotation, uu, vv, ww sont les déplacements.
  • 2 Poincaré 1891, 228–234.
  • 3 Le 30 avril, Brillouin (1891a) met en cause l’idée que la force électrique dans l’isolant doit aboutir normalement à la surface du conducteur, mais après réflexion, et des remarques de Poincaré (§ 2-12-2), il retire son objection; voir (1891b, 141n1), publié en juin.
  • 4 A ce propos, voir (§ 2-30-3).

Références

  • M. L. Brillouin (1891a) Compte rendu : H. Poincaré, Électricité et optique II. Revue générale des sciences pures et appliquées 2, pp. 268. link1 Cited by: endnote 3.
  • M. L. Brillouin (1891b) Compte rendu et analyse : Henri Poincaré, Électricité et optique. Bulletin des sciences mathématiques 15, pp. 129–146. link1 Cited by: endnote 3.
  • H. Poincaré (1891) Électricité et optique II: les théories de Helmholtz et les expériences de Hertz. Georges Carré, Paris. link1 Cited by: endnote 2.