5-2-17. H. Poincaré à Aline Poincaré

27 janvier 1877

Demain Raymond, après avoir boustifaillé,
Quand animés par le champagne
Les convives joyeux auront bien criaillé,
Comme la gauche ou la Montagne,
Sortira du Lycée où l’on tient enfermé
L’espoir de notre chère France.
Quant à lui, j’en suis sûr, de son pendule armé
Qui règle avec tant de prudence
Les gestes, la pensée et le ton de Barrois,
Bien calme au sein de cette fête,
La modération lui dictera ses lois
Et lui fera garder sa tête.
Au moment où ma lettre à Nancy parviendra,
Sans doute de la grande affaire,
Du costume fameux sans cesse on parlera
Et la cervelle de ma mère
Encore travaillera pour perfectionner
L’oeuvre incomplète de ses ouailles
Et demain soir Madame (?) va s’étonner
A l’aspect de tant de merveilles.
N’as tu pas deviné ma phrase et mon rébus
Il est vrai qu’ils sont difficiles
Je n’ai pas pris pour toi des phrases omnibus
Où les efforts sont inutiles.
Mon premier, inventé par quelque diplomate,
Ne se rencontre pas, je le crois, seulement
Sur le grand Arlequin qui jongle avec sa batte,
Sur son torse Bismarck le place à chaque instant.
Mon second est plus rare et pour qu’on le découvre
Il faut aller au moins jusque s’en Kamtchatka.
Au navire en détresse enfin mon dernier ouvre
L’abri contre le vent qui de lui se joua.
Mon entier, demain soir, dans les salons dorés
Qu’à Nancy doit ouvrir une aimable créole,
Va faire le bonheur de cent gomineux parés
D’habits chez un tailleur empruntés sur parole.

AL, 2 p. Collection particulière, Paris 75017.

Time-stamp: " 4.05.2019 01:19"