3-10-5. Carl Vilhelm Ludwig Charlier à H. Poincaré
[Ca. juillet 1901]
Dans le numéro de juin de votre Journal vous avez donné hospitalité à
une lettre de M. Olsson, dans laquelle il a fait quelques remarques
concernant deux Mémoires, insérés dans les Meddelanden från Lunds
astronomiska observatorium. Permettez-moi, cher Monsieur, de faire
quelques observations sur les passages qui me regardent.11endnote:
1
La lettre d’Olsson
(1901)
critique deux articles de Schultz-Steinheil (1899a,
1899b)
dont Callandreau avait rendu compte au Bulletin astronomique
(1900, 127):
“L’auteur a repris la discussion des mesures spectroscopiques de Dunér
sur la rotation du Soleil, et il trouve que les mesures se concilient
au moins aussi bien avec une rotation uniforme. Il aurait été
désirable de reprendre la discussion, sous le même point de vue, des
mesures de Crew, en 1887 ; mais cela n’a pas encore été possible à
M. Schultz-Steinheil. Il s’agit là d’une question importante qui
demande à être éclaircie.
Sur la division du cercle dans la théorie des perturbations de Hansen
Combien de valeurs particulières faut-il prendre, en répartissant
également les valeurs de l’argument sur la circonférence, pour
calculer avec la précision convenable les coefficients des
développements en séries périodiques ? Telle est la question que
l’auteur traite après M. Charlier. Application est faite aux deux
planètes Alexandra et Thétis.”
Olsson affirme que les résultats obtenus dans
les deux articles de Schultz-Steinheil sont faux, le mode de calcul
numérique du premier mémoire étant erroné
(1901):
“En effet, les équations de condition (p. 20) sont formées par
sommation des équations directement obtenues (p. 9–20) sans
qu’on ait divisé par le nombre des équations sommées, et
néanmoins on a attribué à ces équations finales des poids égaux aux
nombres des équations sommées.”
Charlier ne répond qu’aux critiques du
second article qui concernent l’utilisation d’une méthode qu’il a
développée (Charlier 1898).
Dans le Mémoire Ueber die Theilung des Kreises, etc., M. Schultz-Steinheil a donné des Tableaux très utiles, par lesquels on peut rapidement calculer d’avance le nombre des parties en lesquelles on doit diviser le cercle en employant la méthode célèbre de Hansen pour calculer les perturbations des petites planètes.22endnote: 2 Schultz-Steinheil 1899b. M. Schultz-Steinheil s’est appuyé sur une formule, donnée par moi-même en 1887, qui permet de calculer le nombre en question.
Or, dans sa lettre, M. Olsson dit qu’il a découvert que cette formule serait illusoire.
Voici le problème à résoudre :
Considérons la fonction
qui peut être développée dans une série trigonométrique de la forme
Il s’agit de trouver le nombre des termes qu’on doit faire entrer en considération dans ce développement pour obtenir une approximation, déterminée d’avance.
À cet effet, on doit calculer la valeur approchée des coefficients pour des valeurs élevées de .
Dans le cas actuel, ce calcul peut être facilité à cause des valeurs des coefficients , en ce que, étant d’ordre nul par rapport aux excentricités (qu’on suppose ici être petites), le coefficient est du premier ordre, du second par rapport aux excentricités.
Pour obtenir la valeur approchée du coefficient , on doit
calculer dans le terme de l’ordre le plus bas par rapport aux
excentricités. Sur la valeur de ce terme, les termes provenant du
coefficient n’ont aucune influence essentielle. C’est là
ce que j’ai affirmé dans mon Mémoire sur le perturbations de la
planète Thétis.33endnote:
3
La critique d’Olsson
repose sur cette affirmation
(1901):
“Le dernier Mémoire de M. Schultz-Steinheil […] est fondé sur une formule, donnée par M. Charlier :
laquelle, à cause d’une approximation inadmissible, n’a aucune
application au développement de la fonction perturbatrice.
Pour le démontrer, il me faut vous renvoyer au Mémoire de M. Charlier:
‘Untersuchung über die allgemeinen Jupiterstörungen des Planeten
Thetis” […]. On y lit : “Da es nur von dem genäherten Werthe
dieser Koeff, die Rede, so bemerken wir zuerst, dass ,
welche Grösse von der Ordnung des Quadrates der Excentricität ist, in
(86) vernachlässigt werden kann, u.s.w.’
En conséquence, M. Charlier suppose que les termes du développement de
l’expression dans laquelle est négligé sont
approximativement égaux aux termes du développement de l’expression
radicale complète. Mais cette supposition est fausse, car l’égalité
approximative est restreinte au terme constant et aux termes qui sont
multipliés par et .”
Olsson continue en affirmant que pour les termes de degré supérieur,
l’approximation proposée par Charlier n’est plus valable.
Posons
il s’agit de comparer les valeurs des coefficients et .
D’après le théorème de Fourier, on a
Développons d’après les puissances croissantes de , ce qui est toujours permis selon les suppositions faites sur les coefficients.
On aura alors
(1) | ||||
où
Les intégrales et étant toutes les deux de l’ordre , par rapport aux excentricités, on peut interrompre la série (1) au terme où est élevé à une puissance plus grande que .44endnote: 4 Par rapport à l’excentricité, est d’ordre 1 et d’ordre 2. Le nombre des termes dans (1) est donc tout au plus égal à .
En substituant pour les puissances de l’expression
et en gardant dans seulement les termes de l’ordre le plus bas (c’est-à-dire les termes de l’ordre ), on obtiendra55endnote: 5 Nous corrigeons la coquille par .
où nous avons posé
Tous les termes de cette expression sont de l’ordre par rapport aux excentricités.
D’après une formule bien connue, on a66endnote: 6 Nous ajoutons .
, étant des nombres indépendants de .
En ne gardant que les termes les plus bas, on obtiendra
expression contenant tout au plus termes.
Quant au nombre , il est égal à ou à .
Si , cette série converge donc très rapidement. Dans le cas de la nature, est d’ordinaire plus petit que . Il serait donc bien fondé de remplacer le coefficient par dans le problème dont il est question, et ce serait couler le moucheron et avaler le chameau que de choisir ici une expression plus compliquée pour le coefficient .77endnote: 7 La convergence de la série assure que et sont du même ordre; pour qu’ils soient équivalents, doit converger vers .
Veuillez agréer, Monsieur, l’assurance de ma plus haute considération.
PrTL. Charlier 1901.
Time-stamp: " 8.06.2019 19:00"
Notes
- 1 La lettre d’Olsson (1901) critique deux articles de Schultz-Steinheil (1899a, 1899b) dont Callandreau avait rendu compte au Bulletin astronomique (1900, 127): “L’auteur a repris la discussion des mesures spectroscopiques de Dunér sur la rotation du Soleil, et il trouve que les mesures se concilient au moins aussi bien avec une rotation uniforme. Il aurait été désirable de reprendre la discussion, sous le même point de vue, des mesures de Crew, en 1887 ; mais cela n’a pas encore été possible à M. Schultz-Steinheil. Il s’agit là d’une question importante qui demande à être éclaircie. Sur la division du cercle dans la théorie des perturbations de Hansen Combien de valeurs particulières faut-il prendre, en répartissant également les valeurs de l’argument sur la circonférence, pour calculer avec la précision convenable les coefficients des développements en séries périodiques ? Telle est la question que l’auteur traite après M. Charlier. Application est faite aux deux planètes Alexandra et Thétis.” Olsson affirme que les résultats obtenus dans les deux articles de Schultz-Steinheil sont faux, le mode de calcul numérique du premier mémoire étant erroné (1901): “En effet, les équations de condition (p. 20) sont formées par sommation des équations directement obtenues (p. 9–20) sans qu’on ait divisé par le nombre des équations sommées, et néanmoins on a attribué à ces équations finales des poids égaux aux nombres des équations sommées.” Charlier ne répond qu’aux critiques du second article qui concernent l’utilisation d’une méthode qu’il a développée (Charlier 1898).
- 2 Schultz-Steinheil 1899b.
- 3 La critique d’Olsson repose sur cette affirmation (1901): “Le dernier Mémoire de M. Schultz-Steinheil […] est fondé sur une formule, donnée par M. Charlier : laquelle, à cause d’une approximation inadmissible, n’a aucune application au développement de la fonction perturbatrice. Pour le démontrer, il me faut vous renvoyer au Mémoire de M. Charlier: ‘Untersuchung über die allgemeinen Jupiterstörungen des Planeten Thetis” […]. On y lit : “Da es nur von dem genäherten Werthe dieser Koeff, die Rede, so bemerken wir zuerst, dass , welche Grösse von der Ordnung des Quadrates der Excentricität ist, in (86) vernachlässigt werden kann, u.s.w.’ En conséquence, M. Charlier suppose que les termes du développement de l’expression dans laquelle est négligé sont approximativement égaux aux termes du développement de l’expression radicale complète. Mais cette supposition est fausse, car l’égalité approximative est restreinte au terme constant et aux termes qui sont multipliés par et .” Olsson continue en affirmant que pour les termes de degré supérieur, l’approximation proposée par Charlier n’est plus valable.
- 4 Par rapport à l’excentricité, est d’ordre 1 et d’ordre 2.
- 5 Nous corrigeons la coquille par .
- 6 Nous ajoutons .
- 7 La convergence de la série assure que et sont du même ordre; pour qu’ils soient équivalents, doit converger vers .
Références
- Revue des publications astronomiques. Bulletin astronomique 17, pp. 127–128. link1 Cited by: endnote 1.
- Untersuchung über die allgemeinen Jupiterstörungen des Planeten Thetis. Öfversigt af Kongliga Vetenskaps-akademiens förhandlingar 22, pp. 42. link1 Cited by: endnote 1.
- Lettre de M. Charlier à M. Poincaré. Bulletin astronomique 18 (10), pp. 369–371. link1 Cited by: 3-10-5. Carl Vilhelm Ludwig Charlier à H. Poincaré.
- Correspondance. Bulletin astronomique 18 (6), pp. 247–248. link1 Cited by: endnote 1, endnote 3.
- On the elements of the Sun’s rotation. Öfversigt af Kongliga Vetenskaps-akademiens förhandlingar, pp. 73–94. link1 Cited by: endnote 1.
- Ueber die Teilung des Kreises in der Hansen’schen Störungsteorie. Öfversigt af Kongliga Vetenskaps-akademiens förhandlingar, pp. 273–298. link1 Cited by: endnote 1, endnote 2.