7-1-11. Rapport de la Commission des finances
[Ca. 19.11.1902]11endnote: 1 Le manuscrit inséré au procès-verbaux du Bureau des longitudes est précédé d’une annotation de main inconnue : “Séance du 19 Novembre 1902”.
L’attention de la Commission des Finances a été particulièrement attirée sur deux points: 1° les dépenses occasionnées par les calculs préparatoires de la Connaissance des Temps, l’Annuaire et nos autres publications
2° le budget de l’Observatoire de Montsouris.
Quelles sont les ressources dont nous disposons normalement pour le Bureau des calculs? Nous avons:
1° Le traitement des calculateurs de 1ère classe | 12000fr |
---|---|
2° Le traitement des calculateurs de 2e et 3e classes | 24700fr |
3° Le traitement d’un attaché aux calculs | 300fr |
4° Les indemnités pour travaux de calcul | 16180fr |
en tout | 53180fr |
Si l’on compte à part le traitement des Calculateurs de 1ère classe, il reste 41180fr.
Or les dépenses nécessitées chaque année par les calculs sont beaucoup plus élevées. Rappelons comment sont organisées les calculs ; les calculateurs de 1ère classe sont chargés de la surveillance, de la révision des différences, et de certains calculs plus difficiles ; les Calculateurs de 2e classe ont un traitement fixe, mais ils se sont engagés à fournir un travail équivalent à ce traitement à raison de 2fr l’heure. Les Calculateurs de 3e classe ont également un traitement fixe, à charge de fournir un travail équivalent, mais les heures supplémentaires leur sont payées à part. Enfin les calculateurs auxiliaires sont payés à l’heure.
Nous avons dit que le tarif horaire admis pour les Calculateurs de 2e classe est de 2fr ; pour ceux de 3e classe et pour les auxiliaires, il varie de 1fr à 1fr50 suivant la nature des travaux.
Un relevé fait par M. le Directeur des Calculs a montré que les besoins annuels exigent 34901 heures de calcul, se répartissant ainsi:
Calcul de la Connaissance des Temps | 30141 | |
---|---|---|
Correction des Epreuves | 2900 | |
Annuaire | 500 | |
Extrait | 556 | |
Culminations lunaires | 804 | |
Total | 34901 | heures. |
Ce relevé ne comprend pas la révision générale et les calculs spéciaux confiés aux Calculateurs de 1ère classe.
A raison de 1f33 l’heure, cela représente une dépense de 46418 francs ou de 58418 francs en y comprenant le traitement des Calculateurs de 1ère classe.
Remarquons en passant que si le prix moyen de l’heure n’est que de 1fr33 c’est grâce au zèle des calculateurs de 2e classe qui ont dépassé de beaucoup la tâche qui leur était assignée. S’ils s’étaient strictement tenus dans les termes de l’engagement que j’ai rappelé plus haut, les dépenses se seraient trouvées augmentées de 1148 francs.
Quoi qu’il en soit nous avons une dépense de 46418 francs (Calculateurs de 1ère classe non compris) et nous n’avons pour y faire face qu’un crédit de 41180fr, soit un déficit de 5238fr.
Cela est confirmé par l’examen des dépenses des derniers exercices; la moyenne pour les années 1900 et 1901 a été 45873fr,85 chiffre très voisin de celui que nous donne le relevé (46418). Dans les années précédentes le chiffre était notablement plus élevé et la moyenne pour les années 1898 et 1899 a été 50094fr70; la différence (4220fr85) est due principalement à la suppression des distances lunaires.
Comment néanmoins avons-nous pu jusqu’ici faire face à cette cause permanente de déficit? Si cela a été possible, c’est grâce à trois circonstances.
1° Le crédit pour les calculs a été longtemps plus élevé, mais il a été diminué de 1200fr en même temps qu’une somme égale était portée à notre budget pour le traitement d’un astronome chargé de conférences à l’observatoire de Montsouris.
2° Un crédit de 2800f est porté annuellement au chapitre 33 pour l’achèvement des Tables de la Lune, mais jusqu’à ces derniers temps les calculs relatifs à ces tables étant arrêtés pour diverses raisons, cette somme avait été employée pour la Connaissance des Temps; cette année, les travaux pour la Lune ayant repris, M. le Ministre nous a fait savoir qu’il n’autoriserait plus cette ventilation.
3° En cas de vacance d’une place de membre titulaire par suite de décès, le traitement correspondant était également affecté à la Connaissance des Temps.
C’est uniquement par suite de ce concours de circonstances que le Bureau des calculs pouvait équilibrer ses recettes et ses dépenses ; les deux premières ont cessé, et on peut remarquer que par conséquent les ressources se trouvent diminuées de 4000fr somme égale à l’économie procurée par la suppression des distances lunaires. Il ne nous reste donc que le troisième des expédients que je viens d’énumérer; il est inutile d’en faire remarquer le caractère aléatoire qui est le moindre de ses inconvénients.
Si nous examinons au contraire le chapitre du matériel, nous verrons ressortir un excédent de recettes. En effet la suppression des distances lunaires n’a pas amené seulement une économie pour les calculs, mais aussi pour les impressions. La Connaissance des Temps se trouve diminuée de 2 feuilles ½ dont l’impression coûtait 850 francs environ. De plus nous avons obtenu de la Maison Gauthier-Villars un traité plus avantageux qui nous fait gagner 50 francs sur chaque feuille supplémentaire de la Connaissance des Temps et 100 francs sur chaque feuille de l’Annuaire, soit 1178 francs. L’économie totale due à ces deux causes monte donc à 2028 francs.
L’examen des derniers budgets nous montrera d’ailleurs la possibilité d’une réduction plus importante encore du chapitre du Matériel.
Procédons donc à l’examen détaillé de l’exercice 1902.
Parlons d’abord du chapitre du Personnel.
Sur le traitement des titulaires il restait à dépenser au 1er octobre 17278fr39 ; or par suite de la vacance de deux sièges, on n’aura à faire face qu’au traitement de 9 membres pendant 3 mois, soit 11250fr d’où un excédant de 6028f,39. Si le membre nouveau était nommé le 15 Décembre, l’excédant serait encore de 5820f.
Rien à signaler au sujet des traitements du membre artiste, du membre adjoint du Secrétaire, des Calculateurs de 1ère classe, de l’Astronome détaché à Montsouris et du Gardien de Bureau. Ces crédits ne laisseront évidemment ni déficit ni excédant.
Les 2800fr relatifs aux tables de la Lune seront aussi dépensés intégralement.
Restent les 41180fr qui, sous diverses formes, sont affectés aux calculs de la Connaissance des Temps et des autres publications ainsi que je l’expliquais plus haut. Sur cette somme 33672,fr95fr étaient dépensés au 1er octobre et il restait seulement 7507,fr05, soit 18% de la somme totale pour les 3 derniers mois de l’année. La disproportion est encore plus forte si laissant de côté la somme qui est employée en traitements fixes, on ne retient que la rubrique : Indemnité pour travaux de calcul ; on voit que plus de 15000fr ont été dépensés dans les 3 premiers trimestres et qu’il n’en reste que 1000fr pour le 4e.
Nous nous retrouvons donc en présence du déficit que nous signalions au début de ce rapport ; pour évaluer l’étendue, nous ne pouvons que nous reporter au calcul que nous avons fait plus haut et adopter le chiffre de 5238fr auquel nous avions été conduits.
Il semble impossible de faire descendre les dépenses des calculs au dessous du chiffre donné par le relevé de M. Loewy, mais il est nécessaire de s’y maintenir. A cette condition le déficit annuel sera couvert en 1902 par l’excédent accidentel dont nous avons signalé la cause (même en défalquant 500fr qui seront affectés aux calculs des Tables de la Lune indépendamment des 2800fr de crédit spécial) le chapitre 33 s’équilibrera donc de lui-même.
Examinons maintenant la situation du chapitre du Matériel.
Nous pouvons prévoir que les crédits de chauffage, d’éclairage et d’impressions administratives seront dépassées de 100 à 200 francs ; que les dépenses de la bibliothèque dépasseront les crédits de 200fr ; mais en revanche on économisera 200 à 300fr sur les frais de bureau et les 100frs pour l’imprévu restent disponibles. Ces différences s’équilibrent très sensiblement. Nous ne parlerons pas des 3000frs affectés à Montsouris ; puisque nous devons revenir plus loin en détail sur les questions qui concernent cet observatoire. D’ailleurs ces 3000frs seront entièrement dépensés.
Il reste donc les rubriques ; impressions chez Gauthier-Villars et Observations géodésiques. En ce qui concerne la première, elle comporte un crédit de 20000frs comprenant 10000 francs pour l’indemnité fixe due à Gauthier Villars et 10000 francs pour les feuilles supplémentaires et les achats. Sur cette somme l’indemnité fixe a été payée et on a dépensé 128,f25 pour les achats. On peut prévoir une dépense de 5458,f35 pour les feuilles supplémentaires et de 1850f pour les achats. A la fin de l’exercice on aura donc dépensé 17436f60 et il restera un excédent de 2563,f40.
Quant au crédit de 1000fr pour les observations géodésiques, il reste entièrement disponible de sorte qu’il ressort sur le chapitre du Matériel un excédent total de 3563f40 que le Bureau pourrait employer s’il le jugeait à propos, soit pour l’impression des Annales, soit pour l’achat d’instruments et de livres.
En ce qui concerne l’exercice 1902, il n’y a donc pas d’inquiétude à concevoir, mais il n’en est pas de même pour les exercices suivants. Il résulte en effet des calculs qui précèdent que l’insuffisance normal sur le chapitre du Personnel est de 5238f; en revanche le chapitre du Matériel présentera chaque année, en vertu du nouveau traité un excédent à peu près égal à celui que nous avons constaté en 1902.
Mais il n’est pas possible de virer d’un chapitre à l’autre et nous ne pouvons parer au déficit du Personnel que par l’expédient donc nous avons parlé plus haut et qui présente des inconvénients de toutes sortes.
Si l’on pouvait dans les prochains budgets faire reporter du Matériel au Personnel, un crédit de 3500fr le problème serait presque résolu, et on pourrait ne recourir qu’exceptionnellement à cet expédient.
Si l’on ne croit pas possible d’obtenir du Parlement le transfert en question, il reste une autre solution qui permettrait d’arriver au même résultat. Nous avons vu que 2900heures doivent être consacrées à la correction des épreuves ce qui à 1fr33 l’heure nous donne 3866fr. Le soin de cette correction devrait logiquement incomber à l’imprimeur; nos calculateurs quand ils se livrent à ce travail, sont en réalité les collaborateurs de M. Gauthier-Villars. A ce compte, les dépenses correspondantes devraient être portées sur les factures de M. Gauthier-Villars.
Le budget du personnel serait ainsi allégé de 3866fr et cette dépense se trouverait reportée au chapitre du Matériel qui est sa place naturelle.
Le déficit du personnel ne serait pas entièrement comblé ; mais si un jour les circonstances permettaient de supprimer l’allocation de 1200fr pour les conférences de Montsouris, on serait en mesure d’équilibrer complètement les recettes et les dépenses de ce chapitre.
Mais il faut remarquer que, même à cette condition, l’équilibre ne serait assuré que si on s’assujettissait de la façon la plus stricte à rester dans les limites du relevé de M. Loewy, et à ne pas donner à la Connaissance des Temps de nouveaux développements ; Quelque dure que soit cette nécessité, il faut nous y résigner. Les témoignages qui nous arrivent de l’Etranger nous permettent d’ailleurs de dire que cet éphéméride, grâce aux efforts constants de M. Loewy est devenue la première du Monde.
Arrivons maintenant au budget de Montsouris. Cet établissement est alimenté par un crédit de 3000 francs porté au budget du Bureau des Longitudes au chapitre du Matériel et auquel il faut ajouter 1200 francs portés au chapitre du Personnel pour l’astronome chargé des conférences.
Ce ne sont pas là les seules ressources de l’Observatoire. Il a reçu des subventions de la Ville de Paris, du ministère des Colonies et du ministère de la Marine. La Ville de Paris a donné autrefois 3000frs par an et donne aujourd’hui 2500f. Le Ministère des Colonies a donné d’abord 4000f puis 2000frs puis enfin 1000fr et tout ce qu’on peut espérer c’est que l’allocation annuelle sera maintenue à ce dernier chiffre.
Le Ministère de la Marine donnait 2000fr pour des conférences et fournissait un personnel d’officiers, d’officiers mariniers et timoniers. Ce concours a entièrement cessé. La subvention de 2000fr a été supprimée ; puis les officiers ont été rappelés et on a dû confier à M. Claude le service dont ils étaient chargés. Il ne restait plus qu’un timonier comme personnel militaire, préposé à la garde de l’établissement. Ce timonier va cesser d’être rétribué par la Marine.
L’Observatoire de Montsouris, privé du concours du Département de la Marine, doit donc faire face à tous ses besoins avec les 4200frs du Bureau des longitudes et les 3500frs de la Ville de Paris et des Colonies.
Quels sont ces besoins? Comme matériel, les 3000frs alloués seront cette année dépensés intégralement ; mais s’il en est ainsi, c’est que des travaux exceptionnels ont été nécessaires. Le Directeur estime qu’en année normale 1800frs suffiraient, mais à la condition de ne faire aucun achat d’instruments.
Comme personnel il va falloir payer:
1° L’astronome chargé des conférences |
1500fr |
2° M. Claude chargé de l’instruction des voyageurs 1500fr |
|
3° L’ancien timonier qui conserverait ses fonctions à titre civil, mais à qui il serait difficile de ne pas conserver ses émoluments actuels soit |
1692fr |
Total |
4692 |
En regard nous avons les ressources suivantes.
Crédit porté au Chapitre 33 | 1200 |
Subvention de la Ville de Paris | 2500 |
Subvention des Colonies | 1000 |
Total | 4700 |
Il semble d’abord qu’il y ait équilibre ; mais il faut considérer que la subvention des colonies ne peut être regardée comme une ressource permanente, qu’elle n’est accordée chaque année qu’à titre exceptionnel, que si elle a été maintenue jusqu’ici, ce n’est pas une raison pour qu’on ne puisse s’attendre à ce qu’elle fasse défaut un jour. D’ailleurs ces 1000 francs seront consacrés aux achats d’instruments neufs et à l’amélioration du matériel existant.
Dans ces conditions on ne peut fonder sur elle les prévisions d’un budget régulier et il faudrait pouvoir équilibrer les dépenses du personnel sans en tenir compte. C’est ce que l’on pourrait faire de la façon suivante.
On réduirait à 1800fr le crédit affecté au Matériel et qui est actuellement de 3000fr et on porterait au chapitre 33 un crédit de 1200fr sous la rubrique Gardien de l’Observatoire de Montsouris.
Alors la rétribution du personnel de Montsouris se répartirait comme il suit:
Sur le budget | Sur la subvention | Total | |
---|---|---|---|
du Bureau des L. | de la Ville de Paris | ||
M. Bigourdan | 1200 | 300 | 1500 |
M. Claude | 0 | 1500 | 1500 |
L’ancien timonier | 1200 | 492 | 1692 |
Total | 2400 | 2292 | 4692 |
Le chiffre total des dépenses de l’Observatoire imputées sur le budget du Bureau des Longitudes resterait le même ; la répartition seule différerait.
En conséquence nous avons l’honneur de vous proposer de demander à M. le Ministre les modifications suivantes à notre budget.
1° Reporter du chapitre du Matériel à celui du Personnel une somme de 3500fr prise sur le Crédit Impressions chez Gauthier-Villars et destinée à augmenter l’Indemnité pour travaux de calcul de la Connaissance des temps.
2° Reporter du Chapitre du Matériel à celui du Personnel une autre somme de 1200fr prise sur le crédit affecté à l’Observatoire de Montsouris et destinée à un Gardien de Bureau pour cet Observatoire.
3° Subsidiairement et dans le cas où la 1ère proposition ne pourrait être acceptée, demander à M. le Ministère l’autorisation de faire supporter au Chapitre du Matériel les dépenses provenant des corrections d’épreuves.
Poincaré
Les conclusions de ce rapport sont lues et adoptées dans la séance du 19 novembre 1902
ADS 8p. Bureau des longitudes, Procès-verbaux du Bureau des longitudes, séance du 19 novembre 1902.
Time-stamp: "25.05.2021 13:09"
Notes
- 1 Le manuscrit inséré au procès-verbaux du Bureau des longitudes est précédé d’une annotation de main inconnue : “Séance du 19 Novembre 1902”.