2-32-1. Lucien de La Rive à H. Poincaré

10 Avril 1892

Menton villa Navoni

Mon cher collègue,

Puis-je vous demander si dans votre Électricité et Optique, au paragraphe Distribution électrique T. I, p. 33, ce résumé des équations différentielles du potentiel Ψ\Psi exprime votre manière de voir.11endnote: 1 Poincaré 1890, 33.

En particulier l’Éq.

ddxKdΨdx+cte=0\frac{d}{dx}K\cdot\frac{d\Psi}{dx}+\text{cte}=0

qui devient ΔΨ=0\Delta\Psi=0, si KK est constante, peut-elle être conservée dans la théorie de la polarisation du diélectrique isotrope ?22endnote: 2 Le symbole ψ\psi représente le potentiel électrostatique, et KK le pouvoir inducteur spécifique du diélectrique. L’équation de Poincaré exprime la continuité de la fonction potentiel ainsi que celle de ses dérivées dans toute l’étendue du diélectrique. Il est difficile de trouver dans le traité de Maxwell un passage sur lequel s’appuyer pour établir à cet égard sa théorie électrostatique. D’autre part si cette équation n’est pas satisfaite et si la polarisation du diélectrique donne lieu à une densité de volume, il me semble (peut-être fais-je erreur) que la répartition de la densité superficielle sur les conducteurs doit dépendre de KK autrement que ne l’implique la théorie de Maxwell.

La théorie de la polarisation d’Helmholtz semble donner lieu à une difficulté relative à la valeur de la pression électrostatique qui est proportionnelle à K2K^{2} et non à KK, puisque dans cette théorie la densité superficielle est bien

σ=14πKdφdn\sigma=-\frac{1}{4\pi}K\frac{d\varphi}{dn}

sur le conducteur, et que la tension est 2πσ22\pi\sigma^{2}, sans qu’on doive diviser par KK, comme l’admet Maxwell.33endnote: 3 Poincaré 1891, 83–113.

J’ai montré, dans le travail que je me permets de vous adresser, comment on peut substituer, dans le cas du condensateur plan, le flux et la quantité de mouvement de la force électromotrice.

En appliquant les formules de Maxwell à ce cas particulier, il est difficile de ne pas constater ce que sa théorie laisse à désirer au point de vue mécanique. Le fait est qu’il n’est nulle part fait mention d’une action ou réaction mécanique de l’agent impondérable sur la matière pondérable, et que cependant c’est sur cette dernière que les effets mécaniques sont produits.

Pour en revenir au point sur lequel je serais très désireux de connaître votre manière de voir. (l’Éq. ΔΨ=0\Delta\Psi=0 est-elle compatible avec la théorie de la polarisation du diélectrique ?) Il me semble que le chapitre V, T. II Électricité et Optique, est contraire à cette hypothèse, mais φ\varphi y est défini par des équations dont la forme est relative à un aimant, et non à des surfaces de conducteurs électrostatiques.

Dans le cas où en effet l’hypothèse de la polarisation donne lieu à une distribution différente de celle dans l’air (le vide), ne pourrait-on pas vérifier expérimentalement qu’il en est bien ainsi.

Je serais heureux de savoir si la note que j’ai un peu modifiée dans le sens indiqué par M. Bertrand lui a paru satisfaisante.44endnote: 4 Joseph Bertrand (1822–1900) est professeur de physique générale et mathématique au Collège de France, et depuis 1874, secrétaire perpétuel de l’Académie des sciences. De la Rive (1892) offre une nouvelle démonstration d’un théorème de Joseph Bertrand (1890, 42–44). Sa note est présentée à l’Académie des sciences le 28.03.1892.

Veuillez, mon cher collègue, recevoir l’expression de mes sentiments très empressés.

L. de la Rive

ALS 4p. Collection particulière, Paris 75017.

Time-stamp: "19.06.2023 16:23"

Notes

  • 1 Poincaré 1890, 33.
  • 2 Le symbole ψ\psi représente le potentiel électrostatique, et KK le pouvoir inducteur spécifique du diélectrique. L’équation de Poincaré exprime la continuité de la fonction potentiel ainsi que celle de ses dérivées dans toute l’étendue du diélectrique.
  • 3 Poincaré 1891, 83–113.
  • 4 Joseph Bertrand (1822–1900) est professeur de physique générale et mathématique au Collège de France, et depuis 1874, secrétaire perpétuel de l’Académie des sciences. De la Rive (1892) offre une nouvelle démonstration d’un théorème de Joseph Bertrand (1890, 42–44). Sa note est présentée à l’Académie des sciences le 28.03.1892.

Références

  • J. Bertrand (1890) Leçons sur la théorie mathématique de l’électricité. Gauthier-Villars, Paris. link1 Cited by: endnote 4.
  • L. d. La Rive (1892) Application de la théorie des lignes de force à la démonstration d’un théorème d’électrostatique. Comptes rendus hebdomadaires des séances de l’Académie des sciences de Paris 114, pp. 740–742. link1 Cited by: endnote 4.
  • H. Poincaré (1890) Électricité et optique, Volume 1. Georges Carré, Paris. link1 Cited by: endnote 1.
  • H. Poincaré (1891) Électricité et optique II: les théories de Helmholtz et les expériences de Hertz. Georges Carré, Paris. link1 Cited by: endnote 3.