2-36-1. Henry Le Chatelier à H. Poincaré

Paris 24 Avril 1907

Mon cher Président,

Lorsque je suis venu à notre première réunion de la commission des poudres j’arrivais de la campagne et n’avait pu prendre aucun renseignement sur le but de nos travaux. L’allure de la discussion m’avait tout a fait ahuri et incité à formuler quelques réserves sur le programme de nos travaux. Depuis j’ai eu l’occasion d’entendre causer de toutes sortes de points de vue, histoires de syndicats, de Schneiderite etc., qui me semblent absolument confirmer l’opportunité de mes réflexions et j’attacherai une certaine importance à les voir figurer au procès-verbal.11endnote: 1 La schneiderite est un explosif. Je vous en envoie ci inclus le texte.22endnote: 2 La pièce jointe à cette lettre (TDX 1p, Archives de l’Académie des sciences), annexée au procès-verbal de la séance, contient les propos suivants : Mr. H. Le Chatelier croit devoir, à l’occasion des réflexions de Mr Clémenceau sur les responsabilités des membres de la commission, formuler au sujet du programme des travaux de la commission un sentiment qu’il avait jusque là hésité à exprimer. Cette commission a été nommée, cela est bien certain, en vue de donner une satisfaction à l’opinion publique ; elle semblait avoir pour mission d’étudier les mesures propres à éviter le retour d’aussi graves accidents. Or le programme de nos travaux laisse de côté la plus grande partie des questions réellement importantes pour la sécurité ; le problème de la conservation des poudres n’est qu’un tout petit côté de la question.
Par une collaboration de 25 années à tous les efforts faits pour réduire le nombre et l’importance des accidents de grisou dans les Mines, il a pu reconnaître l’efficacité de certaines méthodes de travail. La sécurité complète des mines grisouteuses depuis vingt ans a été obtenue par la superposition de toute une série de précautions de détail, d’ordres aussi différents que possible. Mais la recherche d’une panacée, souvent recommandée pour rendre le grisou inexplosible, problème ressemblant à celui qui nous est aujourd’hui posé, n’a pas même été examiné. La meilleure preuve de l’efficacité de ces mesures est encore le grave accident survenu dans une mine censée non grisouteuse et dans laquelle pour ce motif aucune des précautions indispensables n’étaient prises.
Son opinion formelle est donc que de toute façon les résultats des travaux de la commission ne pourront avoir qu’une action tout à fait secondaire sur la diminution du nombre et de la gravité des accidents occasionnés par les poudres de guerre.
(Cette note a été effectivement annexée au procès-verbal de la séance de la Commission. H. L. C.)
Paul Clemenceau (1857–?) fut un des deux frères cadets de Georges Clemenceau (1841–1929), président du Conseil entre octobre 1906 et juillet 1909. Selon P. Bret, Paul Clemenceau représentait l’industrie chimique à la Commission scientifique d’étude des poudres de guerre.

Veuillez agréer, Mon cher Président, l’expression de mes sentiments très dévoués.

TLX 1p. Dossier Le Chatelier, Archives de l’Académie des sciences de Paris.

Time-stamp: " 3.05.2019 01:30"

Notes

  • 1 La schneiderite est un explosif.
  • 2 La pièce jointe à cette lettre (TDX 1p, Archives de l’Académie des sciences), annexée au procès-verbal de la séance, contient les propos suivants : Mr. H. Le Chatelier croit devoir, à l’occasion des réflexions de Mr Clémenceau sur les responsabilités des membres de la commission, formuler au sujet du programme des travaux de la commission un sentiment qu’il avait jusque là hésité à exprimer. Cette commission a été nommée, cela est bien certain, en vue de donner une satisfaction à l’opinion publique ; elle semblait avoir pour mission d’étudier les mesures propres à éviter le retour d’aussi graves accidents. Or le programme de nos travaux laisse de côté la plus grande partie des questions réellement importantes pour la sécurité ; le problème de la conservation des poudres n’est qu’un tout petit côté de la question. Par une collaboration de 25 années à tous les efforts faits pour réduire le nombre et l’importance des accidents de grisou dans les Mines, il a pu reconnaître l’efficacité de certaines méthodes de travail. La sécurité complète des mines grisouteuses depuis vingt ans a été obtenue par la superposition de toute une série de précautions de détail, d’ordres aussi différents que possible. Mais la recherche d’une panacée, souvent recommandée pour rendre le grisou inexplosible, problème ressemblant à celui qui nous est aujourd’hui posé, n’a pas même été examiné. La meilleure preuve de l’efficacité de ces mesures est encore le grave accident survenu dans une mine censée non grisouteuse et dans laquelle pour ce motif aucune des précautions indispensables n’étaient prises. Son opinion formelle est donc que de toute façon les résultats des travaux de la commission ne pourront avoir qu’une action tout à fait secondaire sur la diminution du nombre et de la gravité des accidents occasionnés par les poudres de guerre. (Cette note a été effectivement annexée au procès-verbal de la séance de la Commission. H. L. C.) Paul Clemenceau (1857–?) fut un des deux frères cadets de Georges Clemenceau (1841–1929), président du Conseil entre octobre 1906 et juillet 1909. Selon P. Bret, Paul Clemenceau représentait l’industrie chimique à la Commission scientifique d’étude des poudres de guerre.