3-33-6. H. Poincaré à Anders Lindstedt
Paris 29 Mars 1884
Monsieur,
J’ai beaucoup réflechi depuis quelque temps à votre mémoire beitrag zur integration der Differentialgleichungen der Störungstheorie et j’aurais une explication à vous demander.11endnote: 1 Lindstedt 1883.
Prenons l’équation :
À la p[remièr]e approximation vous arrivez à une formule
Vous déterminez ensuite par l’équation :
le second membre est une série trigonométrique
et vous disposez de pour en faire disparaître les termes en
.22endnote:
2
L’objectif de Lindstedt est d’étudier l’équation
(1)
qu’il présente comme le problème principal de la théorie des
perturbations
(Lindstedt 1882). Les fonctions
sont essentiellement des séries trigonométriques.
La méthode d’approximation successive habituelle consiste à considérer
pour la première approximation la solution de l’équation sans second
membre et à calculer avec celle-ci le second membre de l’équation
(1). Il peut apparaître avec cette méthode des termes
séculaires. L’idée de Lindstedt est d’écrire l’équation (1) sous la
forme :
(2)
et de commencer le processus d’approximations successives en considérant la solution
de l’équation :
En posant
on obtient l’équation :
L’intégration de cette équation implique l’absence de
termes séculaires, et Lindstedt propose de négliger le terme en
. Ainsi, il obtient (Lindstedt 1883, 8):
Voici donc une première approximation sous forme de série
trigonométrique. La méthode de Lindstedt consiste alors à itérer le
procédé. Callandreau, dans sa recension des travaux de Lindstedt,
a souligné qu’il restait des questions en suspens (Callandreau
1884, 305–306) :
“En général, ayant obtenu la valeur approchée de jusqu’aux
termes d’ordre , soit , et pareillement la valeur
sous forme de série trigonométrique […], on substituera dans
l’approximation suivante cette valeur de dans le second membre
de l’équation (2) en remplaçant par , et l’on
déterminera de manière qu’il n’y ait plus à droite de terme en
; cette condition conduira à la nouvelle valeur
, et sera donnée comme ci-dessus […].
Tel est l’algorithme fort simple que M. A. Lindstedt, de Dorpat, a
imaginé pour obtenir l’intégrale de l’équation (1) sous forme de
série purement trigonométrique, en réservant la question de la
possibilité d’un tel développement.”
Mais cela ne suffit pas, il faut faire disparaître aussi les termes en , ce que vous ne pouvez pas faire par le même procédé.
Il faudrait donc démontrer que ces termes disparaissent d’eux-mêmes. Je vois bien, par l’observation, qu’il en est effectivement ainsi mais je ne puis parvenir à le démontrer et cela ne me paraît pas du tout évident a priori.
Je vous serais fort obligé si vous vouliez bien me faire savoir
comment vous le démontrez.33endnote:
3
Lindstedt ne démontre pas ce
point; il pensait en fait qu’il fallait se placer dans des cas où
les termes en disparaissaient en même temps que ceux en
(Poincaré 1886, 59) :
“En effet, pour que l’équation
où le second membre est une série trigonométrique en et puisse
être satisfaite par une série trigonométrique , il faut et il
suffit que ne contienne ni terme en , ni de terme en . Or nous pouvons disposer de , de façon à détruire les
termes en ; mais nous ne pourrions pas de même détruire les
termes en , s’il y en avait […].
On voit immédiatement qu’on ne peut en rencontrer dans les premières
approximations ; mais il n’est pas évident qu’il en serait de même
dans les approximations suivantes. Aussi M. Lindstedt croyait-il que
sa méthode n’était applicable jusqu’au bout que s’il n’existait aucune
relation linéaire à coefficients entiers entre les coefficients du
temps dans les divers termes de , , …,
.”
Veuillez agréer, Monsieur, l’assurance de ma considération la plus distinguée,
Poincaré
ALSX 2p. Observatoire de Paris.
Time-stamp: " 8.06.2019 19:00"
Notes
- 1 Lindstedt 1883.
- 2 L’objectif de Lindstedt est d’étudier l’équation (1) qu’il présente comme le problème principal de la théorie des perturbations (Lindstedt 1882). Les fonctions sont essentiellement des séries trigonométriques. La méthode d’approximation successive habituelle consiste à considérer pour la première approximation la solution de l’équation sans second membre et à calculer avec celle-ci le second membre de l’équation (1). Il peut apparaître avec cette méthode des termes séculaires. L’idée de Lindstedt est d’écrire l’équation (1) sous la forme : (2) et de commencer le processus d’approximations successives en considérant la solution de l’équation : En posant on obtient l’équation : L’intégration de cette équation implique l’absence de termes séculaires, et Lindstedt propose de négliger le terme en . Ainsi, il obtient (Lindstedt 1883, 8): Voici donc une première approximation sous forme de série trigonométrique. La méthode de Lindstedt consiste alors à itérer le procédé. Callandreau, dans sa recension des travaux de Lindstedt, a souligné qu’il restait des questions en suspens (Callandreau 1884, 305–306) : “En général, ayant obtenu la valeur approchée de jusqu’aux termes d’ordre , soit , et pareillement la valeur sous forme de série trigonométrique […], on substituera dans l’approximation suivante cette valeur de dans le second membre de l’équation (2) en remplaçant par , et l’on déterminera de manière qu’il n’y ait plus à droite de terme en ; cette condition conduira à la nouvelle valeur , et sera donnée comme ci-dessus […]. Tel est l’algorithme fort simple que M. A. Lindstedt, de Dorpat, a imaginé pour obtenir l’intégrale de l’équation (1) sous forme de série purement trigonométrique, en réservant la question de la possibilité d’un tel développement.”
- 3 Lindstedt ne démontre pas ce point; il pensait en fait qu’il fallait se placer dans des cas où les termes en disparaissaient en même temps que ceux en (Poincaré 1886, 59) : “En effet, pour que l’équation où le second membre est une série trigonométrique en et puisse être satisfaite par une série trigonométrique , il faut et il suffit que ne contienne ni terme en , ni de terme en . Or nous pouvons disposer de , de façon à détruire les termes en ; mais nous ne pourrions pas de même détruire les termes en , s’il y en avait […]. On voit immédiatement qu’on ne peut en rencontrer dans les premières approximations ; mais il n’est pas évident qu’il en serait de même dans les approximations suivantes. Aussi M. Lindstedt croyait-il que sa méthode n’était applicable jusqu’au bout que s’il n’existait aucune relation linéaire à coefficients entiers entre les coefficients du temps dans les divers termes de , , …, .”
Références
- Revue des publications astronomiques. Bulletin astronomique 1, pp. 302–307. link1 Cited by: endnote 2.
- Über die Integration einer für die Störungstheorie wichtigen Differentialgleichung. Astronomische Nachrichten 103, pp. 211–219. link1 Cited by: endnote 2.
- Beitrag zur Integration der Differentialgleichungen der Störungstheorie. Mémoires de l’Académie impériale des sciences de St-Pétersbourg 31 (4), pp. 1–20. Cited by: endnote 1, endnote 2.
- Sur une méthode de M. Lindstedt. Bulletin astronomique 3, pp. 57–61. link1 Cited by: endnote 3.