4-58-27. Maurice d’Ocagne à H. Poincaré

Paris le 18 mai 1907

Mon cher camarade,

Je suis bien au regret de ne pouvoir vous atteindre que dans le brouhaha qui environne les séances de l’Académie (où, par dessus le marché, vous serez évidemment retenu par la présence des délégués anglais) car l’entretien que je sollicite de votre part est assez délicat et j’aurais bien préféré qu’il n’eût pas lieu à bâtons rompus.

Je voudrais vous parler de la dévolution future de votre succession à l’École Polytechnique à notre ami Bourgeois, que je serais très heureux de faciliter pour ma petite part en dépit du désir que m’avait manifesté Bourgeois de faire, si possible, un stage dans le répétitorat avant de devenir titulaire de la chaire. Je pense qu’il serait conforme à l’intérêt de l’École de lui forcer la main et je serais bien aise de causer de cela avec vous sachant par ailleurs que vous avez le désir de voir cesser, dès que faire se pourra, la corvée que vous aviez acceptée par pur dévouement à l’École.11endnote: 1 La corvée en question est la charge d’enseigner le cours d’astronomie générale à l’École polytechnique. Poincaré a accepté cette charge en 1904, en faisant appel à des suppléants, dont d’Ocagne, pour réaliser le plupart des cours. La Bibliothèque de l’École polytechnique conserve les notes lithographiées de ce cours entre 1904–1905 et 1907–1908. Le géodésien militaire Robert Bourgeois remplaça Poincaré, suite à sa démission du 24 mars 1908 (Poincaré à d’Ocagne, 27.03.1908, § 4-61-31).

Je voudrais vous parler aussi de votre candidature à l’Académie française à laquelle, dans la faible mesure de mes modestes moyens, j’ai eu, je crois, l’extrême satisfaction de travailler utilement.22endnote: 2 Poincaré a été élu au fauteuil de Sully Prudhomme le 5 mars 1908. J’ai, en effet, de ce côté là d’excellentes relations dont il m’est trop agréable d’user au mieux de vos intérêts. Ceux-ci, il est vrai, ne sont point en souffrance et vous sourirez peut-être de me voir faire la mouche du coche. Vous voudrez bien, en tout cas, excuser ma présomption si l’efficacité de mon humble rôle n’est pas à la hauteur de mon désir très vif, très sincère, très profondément senti, de vous servir.

J’aurais enfin l’intention de vous dire quelques mots de ce qui vient de se passer pour moi à l’Institut. J’ai, croyez le bien, très exactement conscience du niveau modeste où se tient, dans la hiérarchie de la Science, ce qui fait l’objet de mes travaux, mais, cela dit, je n’ai pas moins conscience de ce qu’à ce niveau je puis revendiquer comme m’étant strictement personnel, et je ne puis pas ne pas m’élever contre l’insinuation, renouvelée l’autre jour, qui tend à ravaler mon rôle à celui d’un simple compilateur. J’ai trop confiance en votre esprit de justice pour craindre que vous ne me permettiez pas de vous donner sur ce point toutes les précisions de nature à fixer votre opinion.

Ne pourrions nous, par exemple, causer de tout cela mardi, à l’issue de la séance de l’Institut, soit chez vous, soit à mon cabinet de l’École des Ponts ?33endnote: 3 Suite à cette invitation, Poincaré a donné rendez-vous à d’Ocagne à l’Académie des sciences de Paris, d’où ils devaient partir ensemble vers l’École des Ponts (§ 4-61-28).

Votre bien cordialement dévoué

M. d’Ocagne

ALS 4p. Collection particulière, Paris 75017.

Time-stamp: "13.03.2021 12:42"

Notes

  • 1 La corvée en question est la charge d’enseigner le cours d’astronomie générale à l’École polytechnique. Poincaré a accepté cette charge en 1904, en faisant appel à des suppléants, dont d’Ocagne, pour réaliser le plupart des cours. La Bibliothèque de l’École polytechnique conserve les notes lithographiées de ce cours entre 1904–1905 et 1907–1908. Le géodésien militaire Robert Bourgeois remplaça Poincaré, suite à sa démission du 24 mars 1908 (Poincaré à d’Ocagne, 27.03.1908, § 4-61-31).
  • 2 Poincaré a été élu au fauteuil de Sully Prudhomme le 5 mars 1908.
  • 3 Suite à cette invitation, Poincaré a donné rendez-vous à d’Ocagne à l’Académie des sciences de Paris, d’où ils devaient partir ensemble vers l’École des Ponts (§ 4-61-28).