2-46-2. Alfred Perot à H. Poincaré

Marseille 25 Déc. 9211endnote: 1 Le manuscrit porte une annotation à la première page, de la main de Perot : “L’affaiblissement avec la propagation étant très petit, insensible ainsi que je le dis page 4.” Perot renvoie Poincaré ainsi à la quatrième page du manuscrit de la note (Perot 1892a) présentée par Poincaré à l’Académie des sciences le 26.12.1892 (voir § 46.1).

Faculté des Sciences de Marseille – Laboratoire de Physique

49 Bard Longchamp

Cher Monsieur,

Je vous remercie beaucoup des nouvelles que vous me donnez dans votre lettre, et je m’empresse de répondre aussi entièrement que je le puis à ce que vous m’y demander.22endnote: 2 La lettre de Poincaré, vraisemblablement sa réponse à la lettre de Perot du 16.12.1892 (§ 46.1), n’a pas été retrouvée.

Je crois et suis à peu près convaincu que la cause de la discordance tient au micromètre qui est dissymétrique.33endnote: 3 Voir la discussion de ce point par Poincaré (1894, 170). J’ai été conduit à le prendre de cette forme (pointe et plan) pour fixer les étincelles et les obliger à se produire toujours au même point. Je suis un maladroit de n’avoir pas réfléchi que cela entraînait une déformation de la courbe d’interférence, mais un maladroit heureux, car si cette dissymétrie n’avait pas existé, je n’aurais pas pu calculer α\alpha.44endnote: 4 La vitesse de l’amortissement est caractérisée par la constante α\alpha; voir Perot (1892b).

Au reçu de votre lettre j’ai pris mon micromètre et ai vérifié directement qu’il ne se conduisait pas de même suivant que la pointe était positive ou négative. Pour une différence donnée de potentiel la distance explosive est plus grande quand la pointe est négative, que lorsqu’elle est positive, l’écart étant considérable.

Supposons d’abord si vous le voulez bien que la courbe représentant le mouvement soit celle qui est figurée à la partie supérieure de la feuille ci-jointe; construisons pour différentes valeurs de hh la différence de potentiel entre la pointe et le plan en fonction du temps; nous obtiendrons les courbes figurées en noir en dessous.55endnote: 5 La feuille n’a pas été retrouvée. Elles représenteront le potentiel de la borne du micromètre la plus rapprochée de l’excitateur, si nous supposons que l’autre est toujours au potentiel zéro.

Cette différence change de signe avec le temps, c’est-à-dire que cette borne est alternativement positive puis négative.

Supposons que cette borne soit reliée au plan. Il faudra alors pour passer de ces courbes à celles de la distance explosive pour une valeur donnée de hh, en fonction du temps, réduire les ordonnées négatives dans un certain rapport et faire leur carré, ou par exemple remplacer les parties noires au dessous de l’axe des temps par les parties violettes, déterminer l’ordonnée maxima pour chaque courbe, construire une courbe en prenant ces ordonnées maxima pour ordonnées et h/vh/v pour abscisse, ce qui donnera la courbe 1 de la 2e feuille, et élever ces ordonnées au carré. Je reviendrai plus loin sur cette forme.

Si au contraire c’est la pointe qui est reliée au joint le plus voisin de l’excitateur, il faudra remplacer les parties situées au dessus de l’axe des temps par les parties violettes et la courbe obtenue sera la courbe 2. C’est celle que j’ai décrite, et elle n’a été trouvée que parce que le micromètre était dissymétrique.

Quant à l’autre je l’ai rencontrée aussi, en recherchant dans mes notes j’en trouve plusieurs exemples; j’attribuais cette forme aplatie à un amortissement énorme, ou à un mauvais contact du pont, ou à un mauvais fonctionnement de l’excitateur. Je me souviens même que Mr Potier faisant une expérience m’a dit : « Mais c’est singulier la courbe n’a pas l’air de se relever après le 2e minimum ». Je changeai l’oscillateur probablement en inversant les communications et il trouva la forme décrite.66endnote: 6 Poincaré (1894, 175–176) évoque les “expériences inédites” de Perot.

Je vous envoie une de ces formes retrouvées dans mes notes.77endnote: 7 Nous n’avons pas retrouvé le document de Perot.

Remarquez que la valeur de α\alpha déduite de la 2e forme est légitime. Or j’opérai dans la mesure de α\alpha en faisant plusieurs expériences de suite et excitant avec la machine de Holtz.

De plus certains jours il m’était absolument impossible d’obtenir le 2e maximum, j’étais sans doute dans le cas de la 1re courbe.

Les calculs de α\alpha nécessitant la connaissance du 2e maximum ont été certainement tous faits avec des courbes de la seconde nature.

Voilà, je crois, ce que je puis vous dire sur ce sujet; sans doute vous avez construit vous-même les courbes que je vous envoie; je regrette beaucoup de vous avoir par ma faute fait perdre du temps sur cette question, et je vous remercie beaucoup de m’avoir écrit vos observations sur ce sujet.88endnote: 8 La lettre de Poincaré n’a pas été retrouvée.

Maintenant faut-il laisser les choses en l’état ? ou réparer ? Dans ce cas où faudrait-il publier quelque chose ? Je serais bien content d’avoir votre avis là-dessus. Dites le si vous voulez à votre cousin que je reverrai certainement ici après les congés.99endnote: 9 Lucien Poincaré fut nommé professeur de physique au lycée de Marseille le 01.04.1891 (Gidel et al. 1921).

Permettez-moi une dernière observation, le calcul fait dans mon mémoire reste, il me semble, intact, car dans la forme trouvée analytiquement, la portion rectiligne précédant la sinusoïde amortie n’existe pas.

Excusez, je vous prie, cette lettre que je voudrais refaire mais que je vais cependant vous envoyer puisque vous me demandez de vous répondre le plus vite possible et recevez l’expression de mes sentiments les plus dévoués et respectueux,

A. Perot

Dans les dernières expériences que je vous ai envoyées et que je vous remercie de bien vouloir présenter à l’Académie, la dissymétrie du micromètre n’a évidemment aucune influence.1010endnote: 10 La note de Perot n’a pas été publiée aux Comptes rendus.

ALS 8p. Collection particulière, Paris 75017.

Time-stamp: " 3.05.2019 01:30"

Notes

  • 1 Le manuscrit porte une annotation à la première page, de la main de Perot : “L’affaiblissement avec la propagation étant très petit, insensible ainsi que je le dis page 4.” Perot renvoie Poincaré ainsi à la quatrième page du manuscrit de la note (Perot 1892a) présentée par Poincaré à l’Académie des sciences le 26.12.1892 (voir § 46.1).
  • 2 La lettre de Poincaré, vraisemblablement sa réponse à la lettre de Perot du 16.12.1892 (§ 46.1), n’a pas été retrouvée.
  • 3 Voir la discussion de ce point par Poincaré (1894, 170).
  • 4 La vitesse de l’amortissement est caractérisée par la constante α\alpha; voir Perot (1892b).
  • 5 La feuille n’a pas été retrouvée.
  • 6 Poincaré (1894, 175–176) évoque les “expériences inédites” de Perot.
  • 7 Nous n’avons pas retrouvé le document de Perot.
  • 8 La lettre de Poincaré n’a pas été retrouvée.
  • 9 Lucien Poincaré fut nommé professeur de physique au lycée de Marseille le 01.04.1891 (Gidel et al. 1921).
  • 10 La note de Perot n’a pas été publiée aux Comptes rendus.

Références

  • P. Gidel, É. Hovelaque, P. Janet, and P. Painlevé (1921) Lucien Poincaré (22 juillet 1862–9 mars 1920) par ses amis. Imprimerie H. Lanthier, Arras. Cited by: endnote 9.
  • A. Perot (1892a) Sur l’affaiblissement des oscillations électro-magnétiques avec leur propagation et leur amortissement. Comptes rendus hebdomadaires des séances de l’Académie des sciences de Paris 115, pp. 1284–1286. link1 Cited by: endnote 1.
  • A. Perot (1892b) Sur les oscillations de Hertz. Comptes rendus hebdomadaires des séances de l’Académie des sciences de Paris 114, pp. 165–168. link1 Cited by: endnote 4.
  • H. Poincaré (1894) Les oscillations électriques. Carré et Naud, Paris. link1 Cited by: endnote 3, endnote 6.