2-16. Alfred Cornu

Alfred Cornu (1841–1902) entre à l’École polytechnique en 1860, et à la sortie il continue ses études à l’École des mines. En 1864 il devient répétiteur à l’École polytechnique, avant de soutenir sa thèse en 1867 sur la réflexion cristalline. La même année, Cornu succède à Émile Verdet comme professeur de physique à l’École polytechnique, où Poincaré sera son élève. Il devient membre de la section de physique générale à l’Académie des sciences de Paris en 1878, et entre au Bureau des longitudes en 1886. Cornu est réputé pour ses mesures de la vitesse de la lumière; ses travaux sont couronnés par la médaille Rumford de la Société royale de Londres.11endnote: 1 Sur la vie de Cornu voir le DSB, les notices de Poincaré (1902b; 1902a, 81–82), et la lettre de Poincaré à C.-M. Gariel (§ 2-24-1).

La lettre de Cornu à Poincaré transcrite ici (§ 2-16-1) concerne un différend à propos de l’interprétation de l’expérience d’Otto Wiener (1890). Cornu trouve d’abord qu’elle “renverse définitivement” la classe de théories optiques dans laquelle les oscillations lumineuses ont lieu dans le plan de polarisation, et qu’elle confirme en même temps celle dans laquelle ces oscillations ont lieu dans le plan orthogonal au plan de polarisation (Cornu 1891b). Autrement dit, aux yeux de Cornu, l’expérience de Wiener est ce que Poincaré appellera plus tard une expérience cruciale, qui permet de décider entre des options théoriques.22endnote: 2 L’avis de Cornu est partagé par Alfred Potier; voir Potier (1891a, 1891b), ainsi que l’introduction à la correspondance entre Poincaré et Potier. Selon Poincaré, l’analyse de Cornu admet que l’amplitude des vibrations des molécules matérielles est la même que celle des molécules de l’éther, ce qui n’est “rien moins que certain” (Poincaré 1891a, 327).

Cornu ne se laisse pas convaincre. Lors de la séance de l’Académie des sciences de Paris du 16 février, 1891, il fait appel à Alfred Potier afin de donner une expression mathématique du problème (Potier, 1891b), et il tente lui-même de faire valoir un point de vue plus “physique” de la question :

…il paraît utile de bien préciser le caractère général des objections qu’on peut opposer à l’interprétation de l’expérience principale de M. Wiener, en la dégageant de la forme purement analytique sous laquelle notre savant Confrère les a présentées. Je demande donc à l’Académie la permission de développer brièvement dans le langage des physiciens les arguments implicitement contenus dans l’Analyse de M. Poincaré; j’espère que la présente Note et celle de M. Potier feront évanouir dans l’esprit de notre Confrère les doutes qui pourraient encore subsister sur la direction des vibrations dans la lumière polarisée. (Cornu, 1891a)

Deux jours plus tard, Cornu donne raison à Poincaré: l’expérience de Wiener ne peut décider la question. Il promet de reviser sa note du 16 février aux Comptes rendus dans ce sens (§ 2-16-1). Poincaré, dans un esprit d’apaisement, admet dans sa note communiquée le 2 mars qu’en principe, une décision est possible entre les théories de Fresnel, MacCullagh, et F. Neumann (Poincaré, 1891b). Il attend peut-être qu’Emmanuel Carvallo améliore la précision des expériences sur la dispersion des cristaux réalisées dans le cadre de sa thèse; voir la transcription de son rapport (§ 2-62-1).

Time-stamp: "27.11.2023 19:49"

Notes

  • 1 Sur la vie de Cornu voir le DSB, les notices de Poincaré (1902b; 1902a, 81–82), et la lettre de Poincaré à C.-M. Gariel (§ 2-24-1).
  • 2 L’avis de Cornu est partagé par Alfred Potier; voir Potier (1891a, 1891b), ainsi que l’introduction à la correspondance entre Poincaré et Potier.

Références

  • A. Cornu (1891a) Sur les objections faites à l’interprétation des expériences de M. Wiener. Comptes rendus hebdomadaires des séances de l’Académie des sciences de Paris 112, pp. 365–370. link1 Cited by: 2-16. Alfred Cornu.
  • A. Cornu (1891b) Sur une expérience récente, déterminant la direction de la vibration dans la lumière polarisée. Comptes rendus hebdomadaires des séances de l’Académie des sciences de Paris 112, pp. 186–189. link1 Cited by: 2-16. Alfred Cornu.
  • H. Poincaré (1891a) Sur l’expérience de M. Wiener. Comptes rendus hebdomadaires des séances de l’Académie des sciences de Paris 112, pp. 325–329. link1 Cited by: 2-16. Alfred Cornu.
  • H. Poincaré (1891b) Sur la réflexion métallique. Comptes rendus hebdomadaires des séances de l’Académie des sciences de Paris 112 (9), pp. 456–459. link1 Cited by: 2-16. Alfred Cornu.
  • H. Poincaré (1902a) A. Cornu. Éclairage électrique 31, pp. 81–82. link1 Cited by: endnote 1.
  • H. Poincaré (1902b) Discours prononcé aux obsèques de M. A. Cornu au nom de la Société française de physique. Bulletin des séances de la Société française de physique, pp. 186–188. link1 Cited by: endnote 1.
  • A. Potier (1891a) Observations sur les expériences de M. O. Wiener. Journal de physique théorique et appliquée 10, pp. 101–112. link1 Cited by: endnote 2.
  • A. Potier (1891b) Remarques à l’occasion de la Note de M. Poincaré sur l’expérience de M. O. Wiener. Comptes rendus hebdomadaires des séances de l’Académie des sciences de Paris 112, pp. 383–386. link1 Cited by: 2-16. Alfred Cornu, endnote 2.
  • O. Wiener (1890) Stehende Lichtwellen und die Schwingungsrichtung polarisierten Lichtes. Annalen der Physik und Chemie 40, pp. 203–243. link1 Cited by: 2-16. Alfred Cornu.