2-5-1. Kristian Birkeland à H. Poincaré

Paris 11 Janv 1893

Monsieur,

Je vous exprime tous mes remerciements pour votre bonté de présenter ma note à l’Académie.11endnote: 1 La note de Birkeland (1893), présentée par Poincaré à l’Académie des sciences de Paris le 16.01.1893, analyse des ondes stationnaires dans les fils à travers la mesure d’étincelles produites dans un dispositif analogue à celui de Hertz. Birkeland a trouvé que l’intensité maximum d’une suite d’ondes dans un fil diminue assez vite; il a comparé ses travaux à ceux d’Alfred Perot (1892). A propos des expériences de Birkeland, voir Poincaré (1894, 176–177).

Vous avez annoncé au cours l’autre jour, que vous allez traiter sur les expériences de MM. Hagenbach et Zehnder.22endnote: 2 Voir Poincaré (1894, 212–219). Eduard Hagenbach-Bischoff (1833–1910) fut professeur de physique à l’Université de Bâle. Ancien étudiant de Röntgen, Ludwig Zehnder (1854–1949) fut professeur de physique à l’Université de Fribourg.

Quand mes expériences différentes sur le circuit secondaire avec téléphone ont fait voir des phénomènes tout à fait analogues à ceux, révélés par les expériences de H et Z, il pourra peut-être vous intéresser un peu, de voir les conclusions que je crois, que l’on peut déduire d’une manière naturelle de mes expériences.

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(Pour le résonateur avec téléphone, voir mon mémoire pag. 584 et 611.)33endnote: 3 Le mémoire de Birkeland (1892) concerne une méthode de détection des étincelles par le téléphone. Il utilise un résonateur rectangulaire à étincelles, interrompu par un condensateur sur lequel vient se brancher le téléphone (voir la figure). Comme le remarque Jean Cazenobe (1986, 41–42), Birkeland a amélioré son dispositif en 1894 en regroupant hors du circuit résonant l’éclateur et le téléphone dans un pont de Wheatstone, ceci sans modifier sensiblement la période de vibration propre du résonateur.

Les recherches montrent, que toutes les oscillations électriques se passent dans ce nouveau résonateur, comme si ni le condensateur, ni le téléphone ne produit sur les phénomènes aucun effet essentiel.

Si maintenant la distance explosive entre les boules du micromètre est trop grande, pour que l’étincelle puisse éclater, la quantité totale d’électricité (pos et nég) à chacune des deux moitiés AA et BB du résonateur est toujours égale à zéro.

Or, si l’étincelle peut éclater, il y entre des complications.

Après diverses oscillations le mouvement est tellement affaibli, que la production d’étincelles cesse ; mais alors il y a ordinairement un excès d’électricité positive à l’une des moitiés AA et BB et un excès d’électricité négative à l’autre.

Ces deux quantités d’électricités contraires vont se réunir à travers le téléphone, après que tous les oscillations sont bien amorties, et c’est cette dernière reste, que produit le bruit dans la plaque téléphonique.

Cette hypothèse me semble bien affirmée par les résultats de H et Z ; seulement il faut en donner une autre explication que celle de ces physiciens.44endnote: 4 L’article de Hagenbach-Bischoff et Zehnder (1891) met en cause l’interprétation de Hertz en essayant de ramener l’explication au phénomène de l’induction; ils conteste le caractère périodique des étincelles à l’oscillateur. Birkeland observe ici au résonateur des phénomènes semblables à ceux que les savants bâlois décrivent, essentiellement une grande déviation de l’électromètre à la fin de l’apparition des étincelles au résonateur. Dans son cours, Poincaré critique les arguments de Hagenbach-Bischoff et Zehnder (Poincaré 1894, 212–219).

Toutes les expériences de H et Z peuvent être naturellement expliquées conformément à la théorie quand on admet que :

1° La production d’étincelles dans le conducteur secondaire cesse le plus souvent après le ppe demi-oscillation, où pp probablement est un nombre très petit pour le résonateur de H et Z.

pp dépend de la longueur d’étincelle, en sorte que si on va la diminuer comme dans les experiences en question, on pourra obtenir que la production d’étincelles cesse le plus souvent après la (p+1)(p+1)e demi-oscillation.

Veuillez agréer, Monsieur, l’expression de mes sentiments les plus respectueux.

Kr. Birkeland

ALS 3p. Collection particulière, Paris 75017.

Time-stamp: " 3.05.2019 01:30"

Notes

  • 1 La note de Birkeland (1893), présentée par Poincaré à l’Académie des sciences de Paris le 16.01.1893, analyse des ondes stationnaires dans les fils à travers la mesure d’étincelles produites dans un dispositif analogue à celui de Hertz. Birkeland a trouvé que l’intensité maximum d’une suite d’ondes dans un fil diminue assez vite; il a comparé ses travaux à ceux d’Alfred Perot (1892). A propos des expériences de Birkeland, voir Poincaré (1894, 176–177).
  • 2 Voir Poincaré (1894, 212–219). Eduard Hagenbach-Bischoff (1833–1910) fut professeur de physique à l’Université de Bâle. Ancien étudiant de Röntgen, Ludwig Zehnder (1854–1949) fut professeur de physique à l’Université de Fribourg.
  • 3 Le mémoire de Birkeland (1892) concerne une méthode de détection des étincelles par le téléphone. Il utilise un résonateur rectangulaire à étincelles, interrompu par un condensateur sur lequel vient se brancher le téléphone (voir la figure). Comme le remarque Jean Cazenobe (1986, 41–42), Birkeland a amélioré son dispositif en 1894 en regroupant hors du circuit résonant l’éclateur et le téléphone dans un pont de Wheatstone, ceci sans modifier sensiblement la période de vibration propre du résonateur.
  • 4 L’article de Hagenbach-Bischoff et Zehnder (1891) met en cause l’interprétation de Hertz en essayant de ramener l’explication au phénomène de l’induction; ils conteste le caractère périodique des étincelles à l’oscillateur. Birkeland observe ici au résonateur des phénomènes semblables à ceux que les savants bâlois décrivent, essentiellement une grande déviation de l’électromètre à la fin de l’apparition des étincelles au résonateur. Dans son cours, Poincaré critique les arguments de Hagenbach-Bischoff et Zehnder (Poincaré 1894, 212–219).

Références

  • K. Birkeland (1892) Electrische Schwingungen in Drähten, directe Messungen der fortschreitenden Welle. Annalen der Physik und Chemie 47, pp. 583–612. link1 Cited by: endnote 3.
  • K. Birkeland (1893) Ondes électriques dans les fils ; la dépression de l’onde qui se propage dans des conducteurs. Comptes rendus hebdomadaires des séances de l’Académie des sciences de Paris 116 (3), pp. 93–96. link1 Cited by: endnote 1.
  • J. Cazenobe (1986) Limailles, lampes et cristaux: essai sur les origines de l’électronique. CNRS, Paris. Cited by: endnote 3.
  • E. Hagenbach-Bischoff and L. Zehnder (1891) Die Natur der Funken bei den Hertz’schen electrischen Schwingungen. Annalen der Physik und Chemie 43, pp. 610–628. link1 Cited by: endnote 4.
  • A. Perot (1892) Sur les oscillations de Hertz. Comptes rendus hebdomadaires des séances de l’Académie des sciences de Paris 114, pp. 165–168. link1 Cited by: endnote 1.
  • H. Poincaré (1894) Les oscillations électriques. Carré et Naud, Paris. link1 Cited by: endnote 1, endnote 2, endnote 4.