3-26-1. George William Hill to H. Poincaré
1892 Jan. 20
Nautical Almanac Office — Washington D.C.
M. H. Poincaré — Membre de l’Institut — Professeur à la Faculté des Sciences — Paris, France
Cher Monsieur :
J’ai reçu l’exemplaire de Tom. I de votre “Les Méthodes nouvelles de la Mécanique Céleste” que vous avez été aussi bon que d’envoyer.11endnote: 1 Poincaré 1892. Acceptez mes remerciements.
Relativement à votre critique de ma affirmation de la lune de lunaison
maximum (pp. 104–109), vous avez raison j’admets.22endnote:
2
Dans ses
Méthodes nouvelles de la mécanique céleste, Poincaré
s’intéresse aux “recherches de M. Hill sur la lune”
par rapport aux solutions périodiques. Il reprend
l’étude de Hill du problème des trois corps
lorsque la masse d’un des corps () est très grande par rapport à
celle des deux autres corps et que la distance entre le corps le
plus massique () et un des autres corps () est très grande
(Poincaré 1892, 104–105, avec correction d’une
coquille, ) :
“Si, en même temps, on rapporte la masse à deux axes mobiles, à
savoir un axe coïncidant avec et à un axe
perpendiculaire au premier, les équations du mouvement deviendront
comme M. Hill l’a démontré,
(1)
désigne la vitesse angulaire de .
Les solutions de la première sorte subsistent encore dans ce cas et ce
sont celles dont M. Hill a reconnu le premier l’existence, ainsi qe
l’ai dit plus haut. […]
Les équations (1) admettent une intégrale qui s’écrit
”
Hill étudie alors numériquement les variations de la trajectoire
périodique en fonction de (Hill 1878, 245) :
“The method of employing numerical values, from the outset, in the
equation of condition, determining the , is far less laborious
than the literal development of these coefficient in powers of a
parameter.”
La forme de la trajectoire, écrit Poincaré, “rappelle grossièrement celle d’une
ellipse dont le grand axe serait l’axe des ”
(1892, 105). Lorsque
augmente, l’excentricité augmente et Hill montre que pour une certaine
valeur de , la courbe présente deux points de rebroussement
situés sur l’axe des . Hill dénomme cette orbite “Moon of
maximum lunation”
(Hill 1878, 250) :
“Any information regarding the motion of satellites having long
periods of revolution about their primaries will doubtless be
welcome, as the series given by previous investigators are
inadequate for showing anything in this direction. Hence this
chapter will be terminated by a table of the more salient properties
of the class of satellites having the radius at a minimum in
syzygies and at a maximum in quadratures. For this end I have
selected, besides the earth’s moon, taken for the sake of comparison,
the moons of 10, 9, 8, …, 3 lunations in the periods of their
primaries, and also what may be called the moon of maximum lunation,
as, of the class of satellites under discussion, exhibiting the
complete round of phases, it has the longest lunation.”
Hill termine son article par une série de courbes construites point
par point représentant la trajectoire de la lune terrestre, des lunes
présentant quatre et trois lunaisons ainsi que celle de lune de
lunaison maximum
(Hill 1878, 260) :
“The moons in the first lines of the table have paths which approach
the ellipse quite closely, but the paths of the moons of the last
lines exhibit considerable deviation from this curve, while the
orbit of the moon of maximum lunation has sharp cusps at the points
of quadrature.”
Hill affirme sans démonstration ni même
justification qu’au-delà de la valeur critique , les solutions
périodiques n’existent plus, ou du moins se réduisent à des
oscillations qui n’intersectent pas l’axe des quadratures
(Hill 1878, 259) :
“Whether this class of satellites is properly to be prolonged beyond
this moon, can only be decided by further employment of mechanical
quadratures. But it is at least certain that the orbits, if they do
exist, do not intersect the line of quadratures, and that the moons
describing them would make oscillations to and fro, never departing
as much as 90° from the point of conjunction or of
opposition.”
Poincaré montre que “la classe de satellites découverte par M. Hill peut
être prolongée au-delà de la Lune de lunaison maximum” (Poincaré
1892, 108) et il étudie la forme de l’orbite de la lune
au-delà de la valeur critique (Poincaré 1892, 109) :
“La trajectoire relative pour présente donc la forme
représentée par la figure ci-contre.
Dans le cours d’une période, la masse se trouve six fois en
quadrature, car sa trajectoire relative coupe l’axe des en deux
points doubles et en deux points simples.
Ainsi M. Hill se trompe en supposant que cette sorte de satellites ne
seraient jamais en quadrature ; il y aurait, au contraire, trois
quadratures entre deux syzygies consécutives.”
Une figure analogue a été publiée par W. Thomson (1892).
Pour une étude de cette orbite voir Wintner (1928) et
Szebehely (1967, chap. 10).
Il m’échappa que la rotation des axes des coordonnées rendît le
mouvement de l’élongation rétrograde pendant que la lune maintînt un
mouvement direct en espace. En faisant la quadrature mécanique à
partir de l’axe de , je me trompe en s’attendant la
quadrature symétrique toujours à la première intersection de la courbe
avec l’axe de . Evidemment, il faut quelquefois de prolonger la
courbe à l’intersection deuxième.
Je note que votre équation de p. 105 il faut de lire à la place de pour que les remarques suivantes relatives à s’appliquent.
Les brillantes additions que vous avez contribué à la mécanique céleste causent en moi un vif regret d’avoir négligé pour aussi long un temps les recherches de cette sorte. Cependant j’ai été industrieux dans une autre direction.33endnote: 3 Hill n’a rien publié en mécanique céleste entre 1880 et 1895. Durant cette période, il suivait le programme de travail proposé par Simon Newcomb de reconsidérer l’ensemble des mouvements des planètes du système solaire; c’est ainsi que Hill a perfectionné les théories de Saturne et de Jupiter (Hill 1890). Hill a pris sa retraite en 1892, et s’est remis alors à ses études théoriques, qui ont abouti à plusieurs articles sur le problème des trois corps et sur la théorie de Delaunay (Hill 1895, 1900). En janvier 1902, Hill a publié la première partie d’une étude du problème restreint des trois corps (Hill 1902a), dont il a calculé plus tard les résultats pour la petite planète Hécube (Hill 1902b). Alors que Poincaré ne semble pas avoir échangé avec Hill à ce propos, il a publié lui-même deux articles dans le Bulletin astronomique à propos de l’orbite d’Hécube (Poincaré 1902a, 1902b), dans lequel il reprenait le travail de Simonin.
En terminant, permettez moi de vous remercier pour votre bienfaisant intérêt en mes contributions à la théorie lunaire et pour la flatteuse mention vous en avez faite dans vos écritures.
Agréez, Monsieur, etc. — Votre serviteur dévoué,
G.W. Hill
ALS 3p. Collection particulière, Paris 75017.
Time-stamp: " 9.08.2023 13:55"
Notes
- 1 Poincaré 1892.
-
2 Dans ses
Méthodes nouvelles de la mécanique céleste, Poincaré
s’intéresse aux “recherches de M. Hill sur la lune”
par rapport aux solutions périodiques. Il reprend
l’étude de Hill du problème des trois corps
lorsque la masse d’un des corps () est très grande par rapport à
celle des deux autres corps et que la distance entre le corps le
plus massique () et un des autres corps () est très grande
(Poincaré 1892, 104–105, avec correction d’une
coquille, ) :
“Si, en même temps, on rapporte la masse à deux axes mobiles, à
savoir un axe coïncidant avec et à un axe
perpendiculaire au premier, les équations du mouvement deviendront
comme M. Hill l’a démontré,
(1)
désigne la vitesse angulaire de .
Les solutions de la première sorte subsistent encore dans ce cas et ce
sont celles dont M. Hill a reconnu le premier l’existence, ainsi qe
l’ai dit plus haut. […]
Les équations (1) admettent une intégrale qui s’écrit
”
Hill étudie alors numériquement les variations de la trajectoire
périodique en fonction de (Hill 1878, 245) :
“The method of employing numerical values, from the outset, in the
equation of condition, determining the , is far less laborious
than the literal development of these coefficient in powers of a
parameter.”
La forme de la trajectoire, écrit Poincaré, “rappelle grossièrement celle d’une
ellipse dont le grand axe serait l’axe des ”
(1892, 105). Lorsque
augmente, l’excentricité augmente et Hill montre que pour une certaine
valeur de , la courbe présente deux points de rebroussement
situés sur l’axe des . Hill dénomme cette orbite “Moon of
maximum lunation”
(Hill 1878, 250) :
“Any information regarding the motion of satellites having long
periods of revolution about their primaries will doubtless be
welcome, as the series given by previous investigators are
inadequate for showing anything in this direction. Hence this
chapter will be terminated by a table of the more salient properties
of the class of satellites having the radius at a minimum in
syzygies and at a maximum in quadratures. For this end I have
selected, besides the earth’s moon, taken for the sake of comparison,
the moons of 10, 9, 8, …, 3 lunations in the periods of their
primaries, and also what may be called the moon of maximum lunation,
as, of the class of satellites under discussion, exhibiting the
complete round of phases, it has the longest lunation.”
Hill termine son article par une série de courbes construites point
par point représentant la trajectoire de la lune terrestre, des lunes
présentant quatre et trois lunaisons ainsi que celle de lune de
lunaison maximum
(Hill 1878, 260) :
“The moons in the first lines of the table have paths which approach
the ellipse quite closely, but the paths of the moons of the last
lines exhibit considerable deviation from this curve, while the
orbit of the moon of maximum lunation has sharp cusps at the points
of quadrature.”
Hill affirme sans démonstration ni même
justification qu’au-delà de la valeur critique , les solutions
périodiques n’existent plus, ou du moins se réduisent à des
oscillations qui n’intersectent pas l’axe des quadratures
(Hill 1878, 259) :
“Whether this class of satellites is properly to be prolonged beyond
this moon, can only be decided by further employment of mechanical
quadratures. But it is at least certain that the orbits, if they do
exist, do not intersect the line of quadratures, and that the moons
describing them would make oscillations to and fro, never departing
as much as 90° from the point of conjunction or of
opposition.”
Poincaré montre que “la classe de satellites découverte par M. Hill peut
être prolongée au-delà de la Lune de lunaison maximum” (Poincaré
1892, 108) et il étudie la forme de l’orbite de la lune
au-delà de la valeur critique (Poincaré 1892, 109) :
“La trajectoire relative pour présente donc la forme
représentée par la figure ci-contre.
Dans le cours d’une période, la masse se trouve six fois en
quadrature, car sa trajectoire relative coupe l’axe des en deux
points doubles et en deux points simples.
Ainsi M. Hill se trompe en supposant que cette sorte de satellites ne seraient jamais en quadrature ; il y aurait, au contraire, trois quadratures entre deux syzygies consécutives.” Une figure analogue a été publiée par W. Thomson (1892). Pour une étude de cette orbite voir Wintner (1928) et Szebehely (1967, chap. 10).
- 3 Hill n’a rien publié en mécanique céleste entre 1880 et 1895. Durant cette période, il suivait le programme de travail proposé par Simon Newcomb de reconsidérer l’ensemble des mouvements des planètes du système solaire; c’est ainsi que Hill a perfectionné les théories de Saturne et de Jupiter (Hill 1890). Hill a pris sa retraite en 1892, et s’est remis alors à ses études théoriques, qui ont abouti à plusieurs articles sur le problème des trois corps et sur la théorie de Delaunay (Hill 1895, 1900). En janvier 1902, Hill a publié la première partie d’une étude du problème restreint des trois corps (Hill 1902a), dont il a calculé plus tard les résultats pour la petite planète Hécube (Hill 1902b). Alors que Poincaré ne semble pas avoir échangé avec Hill à ce propos, il a publié lui-même deux articles dans le Bulletin astronomique à propos de l’orbite d’Hécube (Poincaré 1902a, 1902b), dans lequel il reprenait le travail de Simonin.
Références
- Researches in the lunar theory (III). American Journal of Mathematics 1 (3), pp. 245–260. Cited by: endnote 2.
- A New Theory of Jupiter and Saturn. United States Nautical Almanac Office, Washington. link1 Cited by: endnote 3.
- The periodic solution as a first approximation in the lunar theory. Astronomical Journal 15, pp. 137–143. link1 Cited by: endnote 3.
- Extension of Delaunay’s method in the lunar theory to the general problem of planetary motion. Transactions of the American Mathematical Society 1, pp. 205–242. Cited by: endnote 3.
- Illustrations of periodic solutions in the problem of three bodies (I). Astronomical Journal 22 (516), pp. 93–97. link1, link2 Cited by: endnote 3.
- Illustrations of periodic solutions in the problem of three bodies (II). Astronomical Journal 22 (519), pp. 117–121. link1 Cited by: endnote 3.
- Les méthodes nouvelles de la mécanique céleste, Volume 1. Gauthier-Villars, Paris. link1 Cited by: endnote 1, endnote 2.
- Les solutions périodiques et les planètes du type d’Hécube. Bulletin astronomique 19, pp. 177–198. link1 Cited by: endnote 3.
- Sur les planètes du type d’Hécube. Bulletin astronomique 19, pp. 289–310. link1 Cited by: endnote 3.
- Theory of Orbits: The Restricted Problem of Three Bodies. Academic Press, New York. Cited by: endnote 2.
- On graphic solution of dynamical problems. Philosophical Magazine 34 (210), pp. 443–448. link1 Cited by: endnote 2.
- Über die Existenz der Hillschen Mondbahn of maximum lunation und der Poincaréschen Schlingbahnen. Mathematische Zeitschrift 28, pp. 430–450. Cited by: endnote 2.