7-3-14. H. Poincaré: Rapport sur la thèse d’Emile Borel

[Before 14.06.1894]11endnote: 1 The manuscript features a date in an unknown hand: “14 Juin 1894”, which is the date on which Émile Borel defended his thesis at the Paris Faculty of Science, before a jury composed of Gaston Darboux (president), Poincaré, and Paul Appell. The pre-defense report is signed by both Poincaré and Darboux. A one-page summary by Darboux of the defense accompanies the latter report in the National Archives. Borel’s thesis was published separately and in the Annales scientifiques of the École normale (Borel, 1894, 1895). An earlier transcription by Gispert (1991, 360–361) has been corrected slightly from the original manuscript. Poincaré was well-acquainted with Borel, who co-edited his lectures on the theory of elasticity with another student of the École normale supérieure, Jules Drach (Poincaré, 1892).

Rapport sur la Thèse de M. Borel

La Thèse présentée par M. Borel a pour objet l’étude des fonctions développables en séries de la forme

ϕ(x)=A(xa)α.\phi(x)=\sum\frac{A}{(x-a)^{\alpha}}.

Déjà les analystes avaient eu l’occasion de s’occuper de beaucoup de séries de cette forme et, pour quelques-unes d’entre elles, on avait remarqué qu’elles représentent deux fonctions différentes dans deux régions différentes du plan. Cependant, l’étude systématique de ces développements reste à faire et le travail de M. Borel contribuera à combler cette lacune.

L’auteur établit d’abord que si les points aa sont sur une ligne fermée LL et la série

|A|\sum|A|

converge, la série ϕ(x)\phi(x) ne peut être identiquement nulle à l’intérieur de LL sans l’être également à l’extérieur de LL et il déduit de ce théorème une définition non équivoque du prolongement analytique d’une fonction de la forme de ϕ(x)\phi(x) au delà d’une ligne singulière telle que LL.

Les mêmes conclusions ne s’appliqueraient plus s’il y avait en dehors de la ligne LL une infinité de points aa se rapprochant indéfiniment de cette ligne.22endnote: 2 Variant: “une infinité de points aa ayant pour points limites les divers points de celle se rapprochant indéfiniment de cette ligne.”

M. Borel obtient cependant même dans ce cas un autre résultat intéressant. Si les points aa remplissent une certaine région RR, et si par exemple α=1\alpha=1; si la série

|A|\sum|\sqrt{A}|

est convergente, on pourra joindre deux points extérieurs à RR, par une infinité de lignes qui traversent cette région et le long desquelles la série ϕ(x)\phi(x) converge uniformément, le long desquelles par conséquent la fonction ϕ(x)\phi(x) est continue. Si la série

|Ak+1|\sum|\sqrt[k+1]{A}|

converge, non seulement la fonction ϕ(x)\phi(x) est continue le long de ces lignes, mais il en est de même de ses kk premières dérivées. Enfin toutes les dérivées sont continues si la série

1log|A|\sum\frac{1}{\log|A|}

converge.

Enfin si l’on suppose que α\alpha est égal à 1, que les points ana_{n} remplissent une région annulaire RR; et qu’il n’y en ait par conséquent ni à l’intérieur de l’anneau RR, ni à l’extérieur de cet anneau, si enfin la série

Anzn\sum A_{n}z^{n}

converge pour toutes les valeurs de zz; la fonction

ϕ(x)=Anxan\phi(x)=\sum\frac{A_{n}}{x-a_{n}}

ne pourra être identiquement nulle à l’intérieur de l’anneau sans l’être également à l’extérieur de cet anneau.

Toutes ces propriétés sont fort curieuses et de nature à éclaircir nos idées sur un des points les plus délicats de la théorie des fonctions.

Dans la deuxième partie de sa thèse, M. Borel étudie une fonction qui dans un intervalle donné est continue ainsi que toutes ses dérivées, mais qui en aucun point de cet intervalle n’est susceptible d’être développée par la formule de Taylor. Il montre qu’elle peut être égalée à la somme d’une série de Taylor et d’une série de Fourier et de telle façon qu’une dérivée d’ordre quelconque s’obtienne en différentiant ces deux séries terme à terme.

Il est ainsi amené à résoudre une infinité d’équations linéaires à une infinité d’inconnues; le procédé qu’il emploie et qui, comme l’auteur le montre, est susceptible de généralisation, met en pleine lumière ce fait déjà signalé que la résolution de semblables équations peut se ramener à celle d’un système d’inégalités.

Enfin dans une note, M. Borel revenant sur un point de détail, nous donne un théorème intéressant relatif à la théorie des ensembles de M. Cantor.

La thèse de M. Borel est donc un travail remarquable, où quelques-unes des questions les plus difficiles de l’analyse sont abordées avec succès et qui contient plusieurs résultats importants. Nous estimons donc qu’il y a lieu de l’autoriser à imprimer et à soutenir cette thèse.

Poincaré

G. Darboux

ADS 3p. AJ/16/5535, Archives nationales françaises.

Time-stamp: "10.06.2023 12:30"

Notes

  • 1 The manuscript features a date in an unknown hand: “14 Juin 1894”, which is the date on which Émile Borel defended his thesis at the Paris Faculty of Science, before a jury composed of Gaston Darboux (president), Poincaré, and Paul Appell. The pre-defense report is signed by both Poincaré and Darboux. A one-page summary by Darboux of the defense accompanies the latter report in the National Archives. Borel’s thesis was published separately and in the Annales scientifiques of the École normale (Borel, 1894, 1895). An earlier transcription by Gispert (1991, 360–361) has been corrected slightly from the original manuscript. Poincaré was well-acquainted with Borel, who co-edited his lectures on the theory of elasticity with another student of the École normale supérieure, Jules Drach (Poincaré, 1892).
  • 2 Variant: “une infinité de points aa ayant pour points limites les divers points de celle se rapprochant indéfiniment de cette ligne.”

Références

  • É. Borel (1894) Sur quelques points de la théorie des fonctions. Ph.D. Thesis, Faculté des sciences, Paris. Cited by: endnote 1.
  • É. Borel (1895) Sur quelques points de la théorie des fonctions. Annales scientifiques de l’École normale supérieure 12, pp. 9–55. link1, link2 Cited by: endnote 1.
  • H. Gispert (1991) La France mathématique : la Société mathématique de France (1870–1914). SFHST, Paris. link1 Cited by: endnote 1.
  • H. Poincaré (1892) Leçons sur la théorie de l’élasticité. Georges Carré, Paris. link1 Cited by: endnote 1.