7-3-13. H. Poincaré: Rapport sur la thèse de Pierre Cousin
[Avant le 08.06.1894]11endnote: 1 Le manuscrit porte l’annotation de main inconnue “8 juin 1894”.
Rapport sur la Thèse de M. Cousin22endnote: 2 Pierre Cousin (1867–1933) soutint sa thèse ès sciences mathématiques (Cousin, 1894) à la Sorbonne devant un jury composé de Paul Appell, Gaston Darboux, et Henri Poincaré. Cousin pensait remettre sa thèse à Poincaré en octobre 1893; voir Cousin à Poincaré, ca. août 1893 (§ 4-91-1). Il termina la rédaction de sa thèse le 28 octobre 1893, et elle a été imprimée à Stockholm le 23 avril 1894, avant d’être publiée dans les Acta Mathematica (Cousin, 1895).
Quand il y a quelques années, M. Weierstrass démontra que toute fonction méromorphe d’une seule variable est le quotient de deux fonctions holomorphes, tous les géomètres pensèrent que la généralisation de ce théorème pour les fonctions de plusieurs variables était un problème aussi important que difficile. Depuis, cette généralisation a été faite; mais la démonstration repose sur des principes assez différents de ceux dont on fait ordinairement usage dans la théorie des fonctions.
M. Cousin a découvert une démonstration entièrement nouvelle et ne se sert que des principes les plus élémentaires du calcul des intégrales prises entre des limites imaginaires.
Dans la première partie de sa thèse, il expose les propriétés de la fonction définie par l’équation
l’intégrale étant prise le long d’un chemin quelconque non fermé.
Il se sert ensuite de ces propriétés pour établir un théorème fondamental. Si est intérieur à une région et à une région ; si est subdivisée en un certain nombre de régions partielles ; si à chacune de ces régions correspond une fonction définie dans cette région et pour les points suffisamment voisins; si la différence des deux fonctions et est holomorphe pour les valeurs de et de pour lesquelles ces deux fonctions sont simultanément définies, il existera une fonction qui sera définie dans toute la région et qui sera telle que la différence sera holomorphe dans . Toutes ces fonctions et sont supposées monotropes et sans espace lacunaire.
Le théorème subsiste encore si ces fonctions au lieu d’être uniformes, sont définies à un multiple près de , comme le logarithme par exemple. Il est facile ensuite d’appliquer ce théorème fondamental au problème qui nous occupe. Si une fonction de deux variables est méromorphes quand et sont respectivement intérieurs à deux aires et ; elle sera le quotient de deux fonctions qui resteront holomorphes à l’intérieur de ces deux aires.
Le périmètre des deux aires est exclu.
Le théorème s’étend d’ailleurs sans peine aux cas où il y a plus de deux variables.
Enfin, on n’a qu’à appliquer un artifice bien connu imaginé par M. Weierstrass pour étendre la résultat au cas où les aires et comprennent le plan tout entier.
Dans la quatrième partie, l’auteur se propose de généraliser pour variables quelques théorèmes donnés par M. Mittag-Leffler dans le tome IV des Acta Mathematica.33endnote: 3 Mittag-Leffler (1884). On remarquera en particulier divers développements d’une fonction d’ et d’ suivant les puissances de
ou plutôt une manière de représenter cette fonction avec une approximation aussi grande que l’on veut par un polynôme entier par rapport à ces quantités.
En résumé, la question traitée par M. Cousin avait longtemps préoccupé les géomètres et plusieurs savants en avaient vainement cherché la solution. Mais la simplicité de la solution proposée par l’auteur nous ferait presque oublier la difficulté du problème si nous ne nous rappelions les efforts qu’il a coûtés autrefois.
Nous croyons donc qu’il y a lieu d’autoriser l’impression et la soutenance de cette remarquable thèse.
Poincaré Appell G. Darboux44endnote: 4 Gaston Darboux a rédigé le rapport après soutenance : “La soutenance a confirmé la bonne opinion que nous avait donnée le travail écrit. M. Cousin est un bon excellent esprit; il a exposé avec précision les résultats de ses recherches La question qui remplaçait la seconde thèse avait le titre suivant Exposition des principes généraux de la thermodynamique. M. Cousin avait soigneusement étudié le sujet; la Faculté a tenu à lui donner toutes boules blanches pour la première et pour la seconde thèse.”
ADS 2p. AJ/16/5535, Archives nationales françaises.
Time-stamp: "25.02.2024 14:14"
Notes
- 1 Le manuscrit porte l’annotation de main inconnue “8 juin 1894”.
- 2 Pierre Cousin (1867–1933) soutint sa thèse ès sciences mathématiques (Cousin, 1894) à la Sorbonne devant un jury composé de Paul Appell, Gaston Darboux, et Henri Poincaré. Cousin pensait remettre sa thèse à Poincaré en octobre 1893; voir Cousin à Poincaré, ca. août 1893 (§ 4-91-1). Il termina la rédaction de sa thèse le 28 octobre 1893, et elle a été imprimée à Stockholm le 23 avril 1894, avant d’être publiée dans les Acta Mathematica (Cousin, 1895).
- 3 Mittag-Leffler (1884).
- 4 Gaston Darboux a rédigé le rapport après soutenance : “La soutenance a confirmé la bonne opinion que nous avait donnée le travail écrit. M. Cousin est un bon excellent esprit; il a exposé avec précision les résultats de ses recherches La question qui remplaçait la seconde thèse avait le titre suivant Exposition des principes généraux de la thermodynamique. M. Cousin avait soigneusement étudié le sujet; la Faculté a tenu à lui donner toutes boules blanches pour la première et pour la seconde thèse.”
Références
- Sur les fonctions de variables complexes. Ph.D. Thesis, Faculté des sciences de Paris, Paris. Cited by: endnote 2.
- Sur les fonctions de variables complexes. Acta Mathematica 19, pp. 1–62. link1 Cited by: endnote 2.
- Sur la représentation analytique des fonctions monogènes uniformes d’une variable indépendante. Acta Mathematica 4, pp. 1–79. link1 Cited by: endnote 3.