7-3-16. H. Poincaré: Rapport sur la thèse d’Adrien Féraud

[Before 21.10.1896]11endnote: 1 The manuscript is annotated in an unknown hand: “23 mars 1897”, which is the date of the thesis defense at the Paris Faculty of Science. It is signed by Poincaré, Tisserand and Appell; Tisserand died on 20 October, 1896.

Rapport sur la Thèse présentée par M. Féraud et ayant pour titre

Sur la valeur approchée des coefficients d’ordre élevé dans les Développements en Séries.22endnote: 2 La thèse d’Adrien Féraud fut soutenue à la Faculté des sciences de Paris le 23 mars 1897 devant un jury composé de Poincaré, Tisserand, et Appell (Féraud, 1897). Le rapport de soutenance fut rédigé par Appell (§ 7-4-2). Ancien élève de l’École normale supérieure (promotion de 1886), Adrien Féraud (1866–1905) fut délégué dans les fonctions d’aide-astronome à l’Observatoire de Bordeaux depuis 1892. Le 3 juin 1897, peu de temps après sa soutenance de thèse, Féraud fut nommé astronome adjoint. Par la suite, Féraud travailla sur la stabilité de l’équilibre des masses fluides en rotation, et sur la théorie des erreurs (Féraud, 1902, 1903). À l’Observatoire, Féraud était au service de l’équatorial; lors de l’hiver 1903–1904 il attrapa une grippe dont il ne s’est pas remit (Véron et al., 2016).

Les recherches déjà nombreuses qui se rapportent au sujet traité par M. Féraud ont leur point de départ dans le célèbre mémoire de M. Darboux sur l’approximation des fonctions de très grands nombres. M. Flamme a appliqué ce procédé à la fonction perturbatrice.33endnote: 3 Désiré Jean-Baptiste Flamme (1856–1914) soutint une thèse à ce sujet en 1887, dont les résultats servirent à Poincaré dans ses Méthodes nouvelles de la mécanique céleste (1892, 269). Flamme était professeur de mathématiques appliquées à la Faculté des sciences de Lyon depuis 1895 (Véron et al., 2016).

Depuis que M. Poincaré a étendu la méthode au cas de deux variables, la question a encore été l’objet des travaux de MM Coculesco et Hamy.44endnote: 4 Nicolae Coculesco (1866–1952) et Maurice Hamy (1861–1936).

Dans la première partie de son travail, M. Féraud, après avoir rappelé les principes fondamentaux de la méthode, montre comment on peut évaluer approximativement les coefficients d’une fonction f(z)f(z) ayant des singularités données; ce procédé est connu mais l’auteur y introduit un perfectionnement en introduisant une fonction auxiliaire ϕ(t)\phi(t), et en fait une étude approfondie en l’appliquant à quelques cas nouveaux. Dans la seconde partie, l’auteur aborde l’étude, plus importante au point de vue de l’astronomie, des fonctions de deux variables.

Pour trouver le coëfficient du terme xmynx^{m}y^{n} où :

m=ap+b,n=cp+dm=ap+b,\qquad n=cp+d

aa, bb, cc, dd sont des entiers fixes et pp un entier variable pouvant devenir très grand, M. Poincaré introduit une fonction auxiliaire Φ(z)\Phi(z) qu’il exprime par une intégrale simple.

M. Féraud introduit une fonction tout à fait analogue mais il lui conserve la forme d’une intégrale double. Cette intégrale double se ramène immédiatement à une somme d’intégrales simples, par l’application de la méthode des résidus de Cauchy, généralisée par M. Poincaré dans son mémoire sur les résidus des intégrales doubles.55endnote: 5 Poincaré 1886, 1887.

L’intégrale simple de M. Poincaré se trouve ainsi décomposée en une somme d’autres intégrales simples qui en sont comme les éléments, et on pourrait profiter de cette décomposition pour en alléger la discussion. C’est là le point le plus original de la thèse de M. Féraud. Pour bien faire saisir le caractère de sa méthode, il l’applique d’abord au cas simple d’une fonction rationnelle de deux variables. Ce cas est traité complètement.

Dans la troisième partie, M. Féraud applique sa méthode au développement de la fonction perturbatrice et il examine d’abord le cas où les deux orbites sont circulaires et l’inclinaison quelconque. Dans ce cas la fonction sous le signe d’intégrale double est encore algébrique en xx et yy mais elle n’est plus rationnelle; le problème est donc un peu plus compliqué; la discussion surtout présente des difficultés M. Féraud examine complètement par sa méthode les très nombreuses hypothèses qui peuvent se présenter, et retrouve par une voie nouvelle les résultats de M. Hamy.

Dans la quatrième partie, M. Féraud étudie le cas où l’inclinaison est nulle, une des orbites circulaire et l’autre elliptique. La fonction sous le signe est alors transcendante. L’auteur retrouve les résultats découverts par M. Hamy par une méthode différente et il traite d’ailleurs le cas où l’orbite elliptique enveloppe l’orbite circulaire, cas qui n’avait pas encore été étudié jusqu’ici.

Je signale également l’emploi que fait M. Féraud d’une fonction auxiliaire liée à sa fonction ϕ(t)\phi(t) par une relation simple et qui lui donne l’occasion de considérations ingénieuses.

En résumé, M. Féraud semble avoir perfectionné en plusieurs points importants une théorie difficile et avoir montré de remarquables qualités d’esprit. Nous estimons en conséquence qu’il y a lieu de l’autoriser à soutenir sa thèse.

Poincaré  F. Tisserand  Appell

ADS 4p. AJ16 5536, Archives nationales françaises.

Time-stamp: "13.10.2023 18:21"

Notes

  • 1 The manuscript is annotated in an unknown hand: “23 mars 1897”, which is the date of the thesis defense at the Paris Faculty of Science. It is signed by Poincaré, Tisserand and Appell; Tisserand died on 20 October, 1896.
  • 2 La thèse d’Adrien Féraud fut soutenue à la Faculté des sciences de Paris le 23 mars 1897 devant un jury composé de Poincaré, Tisserand, et Appell (Féraud, 1897). Le rapport de soutenance fut rédigé par Appell (§ 7-4-2). Ancien élève de l’École normale supérieure (promotion de 1886), Adrien Féraud (1866–1905) fut délégué dans les fonctions d’aide-astronome à l’Observatoire de Bordeaux depuis 1892. Le 3 juin 1897, peu de temps après sa soutenance de thèse, Féraud fut nommé astronome adjoint. Par la suite, Féraud travailla sur la stabilité de l’équilibre des masses fluides en rotation, et sur la théorie des erreurs (Féraud, 1902, 1903). À l’Observatoire, Féraud était au service de l’équatorial; lors de l’hiver 1903–1904 il attrapa une grippe dont il ne s’est pas remit (Véron et al., 2016).
  • 3 Désiré Jean-Baptiste Flamme (1856–1914) soutint une thèse à ce sujet en 1887, dont les résultats servirent à Poincaré dans ses Méthodes nouvelles de la mécanique céleste (1892, 269). Flamme était professeur de mathématiques appliquées à la Faculté des sciences de Lyon depuis 1895 (Véron et al., 2016).
  • 4 Nicolae Coculesco (1866–1952) et Maurice Hamy (1861–1936).
  • 5 Poincaré 1886, 1887.

Références

  • A. Féraud (1897) Sur la valeur approchée des coefficients d’ordre élevé dans les développements en séries. Ph.D. Thesis, Faculté des sciences de Paris, Paris. Cited by: endnote 2.
  • A. Féraud (1902) Sur la stabilité de l’équilibre relatif d’une masse fluide. Bulletin astronomique 19, pp. 143–152. link1 Cited by: endnote 2.
  • A. Féraud (1903) Sur un problème de probabilité des erreurs. Bulletin astronomique 20, pp. 291–311. link1 Cited by: endnote 2.
  • D. J. Flamme (1887) Recherche des expressions approchées des termes très éloignés dans les développements du mouvement elliptique des planètes. Ph.D. Thesis, Faculté des sciences, Paris. Cited by: endnote 3.
  • H. Poincaré (1886) Sur les résidus des intégrales doubles. Comptes rendus hebdomadaires des séances de l’Académie des sciences de Paris 102, pp. 202–204. link1 Cited by: endnote 5.
  • H. Poincaré (1887) Sur les résidus des intégrales doubles. Acta mathematica 9, pp. 321–380. link1 Cited by: endnote 5.
  • H. Poincaré (1892) Les méthodes nouvelles de la mécanique céleste, Volume 1. Gauthier-Villars, Paris. link1 Cited by: endnote 3.
  • P. Véron, M. Véron, and S. Ilovaisky (2016) Dictionnaire des astronomes français (1850–1950). Unpublished typescript, St. Michel l’Observatoire. link1 Cited by: endnote 2, endnote 3.