7-3-32. H. Poincaré: Rapport sur la thèse de Véronnet
Paris, 14 janvier 1912
Ministère de l’Instruction Publique
Faculté des sciences de l’Université de Paris
Doctorat ès sciences Mathématiques – 12 Novembre 1912 –
M. Veronnet
Membres du Jury MM. P. Appell H. Andoyer Puiseux
Rapport sur la Thèse de M. Véronnet Alexandre
« Rotation de l’ellipsoïde héterogène et figure exacte de la Terre ».
M. Véronnet a repris l’étude de l’équation de Clairaut et de la figure des planètes. Il commence par étudier le cas où les couches homogènes consécutives ont la forme d’ellipsoïdes ; on sait que M. Hamy a démontré que ce cas ne peut pas se présenter si la vitesse de rotation est supposée uniforme, mais M. Véronnet cherche comment cette vitesse doit varier d’une couche à l’autre ou encore en latitude pour que ces couches affectent la forme ellipsoïdale ; il est ainsi conduit à une équation différentielle à laquelle cette vitesse doit satisfaire, et non seulement il retrouve les résultats de M. Hamy, mais il montre que l’aplatissement va toujours en croissant du centre à la surface.11endnote: 1 Maurice Hamy (1861–1936), astronomer at the Paris Observatory. Il applique ensuite ses résultats au cas des ellipsoïdes de révolution et trouve ainsi les limites de la vitesse et de l’aplatissement. Ces résultats ne sont pas directement applicables aux cas naturels, puisque les inégalités de la vitesse de rotation seraient promptement réduite par le frottement. Mais comme les couches s’écartent peu en réalité de la forme ellipsoïdale, on peut en tirer des indications sur le sens dans lequel elles s’écartent et sur l’ordre de grandeur des écarts.
L’auteur se restreint ensuite au cas où la vitesse est uniforme et l’aplatissement faible, c’est-à-dire au problème de Clairaut. Des résultats, pour la plupart déjà connus sont retrouvés par une autre voie.
On sait que M. Radau et à sa suite d’autres savants ont établi que la constante observée de la précession n’est pas compatible avec tous les aplatissements, et que les seuls aplatissements possibles sont compris de ce fait entre des limites assez étroites. M. Véronnet reprend cette question et l’approfondit. Il commence par établir certaines relations entre les données astronomiques de la vitesse de rotation superficielle, des moments d’inertie et de l’aplatissement superficiel. Ces relations resteraient vraies si la vitesse de rotation variait en profondeur, mais quand on y introduit, par le moyen de l’équation de Clairaut, la condition de l’uniformité de cette vitesse, elle nous fournit des données importantes sur l’aplatissement ; on trouve en effet
On trouve ainsi par le calcul des limites plus précises que celles que pourrait donner l’observation directe. Le résultat est d’ailleurs confirmé par l’étude des diverses lois de densité proposées jusqu’ici.
Cette précision cependant pourrait n’être qu’illusoire ; les calculs sont faits en effet en négligeant le carré de l’aplatissement et la différence entre les deux limites trouvées
est de l’ordre de ce carré.
M. Véronnet a donc cru devoir, et c’est là qu’il a été le plus original, poursuivre ses calculs en tenant compte du carré de l’aplatissement. M. Callandreau avait déjà trouvé à ce sujet des résultats intéressants ; il avait montré que si l’on tient compte de ces termes, l’ellipsoïde est légèrement creusé dans ses parallèles moyens. M. Véronnet poursuit cette recherche par la méthode qui lui est propre ; il suppose d’abord que les surfaces sont réellement ellipsoïdales, mais que la vitesse est variable, il trouve qu’il faut que cette vitesse aille en croissant de l’équateur au pôle suivant une certaine loi, et il trouve en tenant compte de cette loi, une équation analogue à l’équation de Clairaut. Mais ce n’est pas le cas de la nature, les vitesses sont uniformes, les surfaces de niveau ne sont pas ellipsoïdales ; on voit que la dépression en un point d’une de ces couches est donnée par la formule.
et la variation de potentiel dûe à cette dépression peut être avec une approximation suffisante représentée par le potentiel d’une couche sphérique de densité variable. Il est aisé de calculer le coefficient qui satisfait à une équation intégrale analogue à l’équation de Clairaut sous sa forme primitive ; l’ensemble des termes qui contiennent pourrait s’obtenir en effet en remplaçant par dans le premier membre de l’équation de Clairaut. Ce qui doit nous intéresser dans la discussion qui suit, c’est que l’auteur a pu donner pour cette dépression des limites plus étroites que celle qu’avait donnée M. Callandreau. La même analyse conduit pour les limites de l’aplatissement aux inégalités
peu différentes de celles que donnaient la première approximation.
Le Chapitre VI est consacré à l’étude des diverses hypothèses particulières, celle où la Terre se serait solidifiée d’un seul coup en tournant avec une vitesse uniforme, mais différente de la vitesse actuelle ; celle où elle se serait solidifiée progressivement, sa vitesse étant variable en profondeur. (En admettant l’aplatissement de Clarke l’auteur qu’on ne pourrait rendre compte des faits qu’en supposant que la solidification a commencé par le centre et que la vitesse superficielle a été en s’accélérant avec le temps) ; celle où la Terre serait encore fluide à l’intérieur et où la vitesse de rotation des couches internes serait encore variable en profondeur, ce qui amènerait une modification de la constante de la précession ; celle où l’écorce aurait une rotation plus lente que le noyau fluide par suite du frottement des marées ; enfin diverses hypothèses supposant l’existence d’un anneau fluide et où on a voulu chercher l’explication de la périodicité des tremblements de Terre. De cette discussion assez curieuse se dégage l’impression que l’hypothèse simple de Clairaut reste encore la plus vraisemblable.
Dans les deux derniers chapitres, M. Véronnet donne des calculs numériques complets, soit en négligeant le carré de l’aplatissement, soit en tenant compte, pour diverses lois de densité et en particulier pour celle qui a été proposée par Lipschitz.
Le travail de M. Véronnet est fait avec le plus grand soin, il contient des résultats fort intéressants, il est une œuvre bien personnelle, et nous sommes d’avis qu’il y a lieu d’autoriser l’impression et la soutenance de cette thèse.22endnote: 2 Véronnet’s thesis (1912a) was reedited in the Journal de mathématiques pures et appliquée (Véronnet, 1912b). He defended it at the Paris Faculty of Science on 12 November 1912, several months after Poincaré’s death. On the jury were Paul Appell, Henri Andoyer, and Pierre Puiseux. Appell’s defense report was positive and succinct: “M. Véronnet a fait preuve, à la soutenance, de connaissances étendues et solides, et de grandes qualités de professeur. Le Jury lui a conféré le grade de Docteur avec mention très honorable. Le Président – P. Appell”.
Poincaré
ADS 4p. AJ16 5541, Archives nationales françaises.
Time-stamp: " 8.06.2024 19:45"
Notes
- 1 Maurice Hamy (1861–1936), astronomer at the Paris Observatory.
- 2 Véronnet’s thesis (1912a) was reedited in the Journal de mathématiques pures et appliquée (Véronnet, 1912b). He defended it at the Paris Faculty of Science on 12 November 1912, several months after Poincaré’s death. On the jury were Paul Appell, Henri Andoyer, and Pierre Puiseux. Appell’s defense report was positive and succinct: “M. Véronnet a fait preuve, à la soutenance, de connaissances étendues et solides, et de grandes qualités de professeur. Le Jury lui a conféré le grade de Docteur avec mention très honorable. Le Président – P. Appell”.
Références
- Rotation de l’ellipsoïde hétérogène et figure exacte de la Terre. Ph.D. Thesis, Faculté des sciences de Paris, Paris. link1 Cited by: endnote 2.
- Rotation de l’ellipsoïde hétérogène et figure exacte de la Terre. Journal de mathématiques pures et appliquées 8 (4), pp. 331–463. link1 Cited by: endnote 2.