7-2-41. Felix Klein à H. Poincaré, traduction française
Leipzig, 14. Mai 1882
Monsieur,
En réponse à votre lettre, que je viens de recevoir, je voudrais, en deux mots, vous expliquer comment j’utilise la “continuité”. En principe seulement, naturellement; car l’exposé détaillé, dont la rédaction serai très ennuyeuse, peut de toute façon être modifié de bien des manières. Je veux me limiter au cas des fonctions de deuxième espèce sans ramifications, comme je les ai appelées dans ma note. Il s’agit ici, avant tout, de démontrer que les deux variétés que l’on compare : celle des systèmes de substitutions considérés, et d’autre part, celle des surfaces de Riemann effectivement existantes, possèdent non seulement le même nombre de dimensions ( dimensions réelles), mais qu’ils sont des variétés analytiques avec des frontières analytiques (au sens de la terminologie introduite par Weierstrass). Ces deux variétés sont couvertes successivement () fois, en raison du premier lemme énoncé dans ma précédente lettre, où ne peut prendre que les valeurs 0 ou 1 pour les différentes parties de la seconde variété, en vertu du second lemme. Mais maintenant cette relation s’avère être une relation analytique et même, comme il ressort des deux propositions, une relation analytique dont le déterminant fonctionnel ne s’annule nulle part. J’en déduis que doit avoir toujours la valeur 1. S’il existait, en effet, un passage d’un domaine avec () à un domaine avec (é), alors aux points du domaine de passage devraient correspondre, à cause du caractère analytique de la correspondance, des points déterminés (effectivement atteints) de l’autre ensemble et pour ceux-ci, contrairement à ce qui a été noté, le déterminant fonctionnel de la relation devrait s’annuler. Telle est ma démonstration. M. Schwarz m’a communiqué une autre toute différente, bien qu’également basée sur des considérations de continuité, lors de la visite que je lui ai rendue récemment (le 11 avril) à Göttingen. Sans avoir reçu de lui une autorisation explicite, je pense tout de même devoir vous écrire à ce sujet. Schwarz se représente une surface de Riemann découpée d’une manière appropriée, ensuite recouverte une infinité de fois et les différents recouvrements liés dans les sections de telle sorte qu’il en résulte une surface totale qui correspond à l’ensemble des polygones placées les uns à côté des autres dans le plan. Cette surface totale, pour autant que l’on puisse donner un tel nom à une surface infiniment étendue (ce qu’il faut justement éclaircir), est dans le cas d’une fonction de seconde espèce (cas auquel Schwarz s’est d’abord limité) simplement connexe et à contour simple, et il ne s’agit donc maintenant que de voir si on peut appliquer, de manière habituelle, aussi une telle surface simplement connexe et à contour simple sur l’intérieur d’un cercle. Ce cheminement de la pensée de Schwarz est en tout cas très beau.
Vous m’interrogez au sujet des tirés à part. Je ne voudrais pas, naturellement, vous déranger avec cela, et d’autant moins que je peux me procurer tous vos travaux, à l’exception de votre thèse. Mais, à dire vrai, je préférerais disposer d’une collection aussi complète que possible des tirés à part. Si donc vous pouvez m’envoyer quelque chose (je n’en possède aucun) cela me serait très agréable.
Avez-vous eu l’occasion de lire la théorie des groupes de transformations de Lie ? Lie se représente toujours le paramètre qui intervient dans ses groupes comme un nombre complexe ; il serait intéressant de voir comment ses résultats pourraient être complétés, si on considère également des groupes engendrés seulement par une itération réelle de certaines opérations petites.
Hermite m’a envoyé, il y a quelque temps, un fascicule de son Cours d’analyse lithographié. Serait-il possible (naturellement contre paiement) d’obtenir tous les fascicules ? Cela me ferait un plaisir particulier pour mon séminaire, en raison des buts que je poursuis actuellement.
Votre dévoué comme toujours,
F. Klein
PTrL. Translation by S.A. Walter of the German transcription (§ 4-47-23). Previously translated in Dugac (1989, 116).
Time-stamp: "28.04.2021 16:40"
Références
- Henri Poincaré, la correspondance avec des mathématiciens (de J à Z). Cahiers du séminaire d’histoire des mathématiques 10, pp. 83–229. link1 Cited by: 7-2-41. Felix Klein à H. Poincaré, traduction française.