2-34. Joseph Larmor

Joseph Larmor (1857–1942) a fait ses études à la Royal Belfast Academical Institution et à Queen’s College, Galway, avant d’entrer à St. John’s College, Cambridge, d’où il est sorti Senior Wrangler en 1880. Il a enseigné cinq ans à Queen’s College Galway, en tant que Professor of Natural Philosophy, puis il est rentré à St. John’s comme Lecturer. Il a été membre du conseil de la Société mathématique de Londres entre 1887 et 1912, et en 1892 il a été élu Fellow de la Société royale de Londres. En 1903, suite à la mort de G. G. Stokes, Larmor a été nommé Lucasian Professor à Cambridge en 1903.11endnote: 1 À propos de la carrière de Larmor, voir Eddington (1942), Woodruff (1973), et Warwick (2003, chap. 7). Larmor a réédité et annoté ses articles en deux volumes (Larmor, 1928, 1929).

Larmor est surtout connu pour sa théorie électronique de la matière, dont les prémisses sont publiées avant la découverte de l’électron en 1897 par le Second Wrangler de 1880, J. J. Thomson. Dès 1897 il conçoit qu’une électron en orbite éprouve un dilatation du temps, et il applique des transformations équivalentes à ce que Poincaré appellera en 1905 les “transformations de Lorentz”, dans son livre Æther and Matter, couronné par le prix Adams (Larmor 1900). Ses travaux ont convaincu les théoriciens britanniques de la pertinence physique de la contraction de Lorentz-FitzGerald (Warwick 2003, 370). L’exposition de Larmor reste difficile à suivre, même pour ses compatriotes, et sa théorie est rarement abordée en dehors du Royaume-Uni.22endnote: 2 Selon Warwick, les physiciens britanniques, sous l’emprise intellectuelle de la théorie électronique de la matière de Larmor, auraient “rejeté complètement” (flatly rejected) la théorie de la relativité d’Einstein, et cela, jusqu’à la fin des années 1910 (Warwick, 1993, 58). Pourtant, certains ont pu se détacher de la théorie de Larmor, à l’exemple d’Ebenezer Cunningham et Harry Bateman, tous les deux Senior Wrangler à l’université de Cambridge (1902, 1903). Cunningham, après avoir contribué aux fondements de la théorie d’Einstein en 1907, a promu les théories d’Einstein et de Minkowski (Walter, 2018).

Lorsque les expériences de Victor Crémieu mettaient en doute l’existence de l’effet Rowland, la théorie des électrons de Larmor a été menacée autant que celle de H. A. Lorentz – au même titre que la théorie électrodynamique de J. C. Maxwell. Dans ce contexte lourd de conséquences pour les théoriciens, Poincaré soutenait publiquement Crémieu dès 1900, et on peut supposer que c’est à ce titre que Larmor lui a écrit, dans une lettre qui nous manque, mais qui devait informer Poincaré des efforts entrepris par ses collègues britanniques afin de mettre en évidence l’effet Rowland. C’est en réponse à cette lettre de Larmor que Poincaré lui a demandé des renseignements (Poincaré à Larmor, § 2-34-1).33endnote: 3 A propos des expériences de Crémieu, voir (§ 2-17); sur les contributions de Larmor à la théorie de l’électron, voir Buchwald (1981, 1985), Darrigol (1994) et Warwick (2003).

Au-delà de cet échange, Poincaré a présenté la théorie de Larmor dans son cours de la Faculté des sciences de Paris en 1899 (Poincaré 1901). Quant à Larmor, il a rédigé la préface à la traduction anglaise de La Science et l’hypothèse (1905). Poincaré, a-t-il opiné, était plus qualifié que d’autres hommes de science à faire oeuvre d’épistémologue. Il lui semblait, pourtant, que la critique portée par ce livre pouvait nuire à la compréhension du projet scientifique:

Only, while deriving enjoyment and insight from M. Poincaré’s Socratic exposition of the limitations of the human outlook on the universe, let us beware of counting limitation as imperfection, and drifting into an inadequate conception of the wonderful fabric of human knowledge. (Larmor, 1905, xx)

Time-stamp: "17.05.2025 20:50"

Notes

  • 1 À propos de la carrière de Larmor, voir Eddington (1942), Woodruff (1973), et Warwick (2003, chap. 7). Larmor a réédité et annoté ses articles en deux volumes (Larmor, 1928, 1929).
  • 2 Selon Warwick, les physiciens britanniques, sous l’emprise intellectuelle de la théorie électronique de la matière de Larmor, auraient “rejeté complètement” (flatly rejected) la théorie de la relativité d’Einstein, et cela, jusqu’à la fin des années 1910 (Warwick, 1993, 58). Pourtant, certains ont pu se détacher de la théorie de Larmor, à l’exemple d’Ebenezer Cunningham et Harry Bateman, tous les deux Senior Wrangler à l’université de Cambridge (1902, 1903). Cunningham, après avoir contribué aux fondements de la théorie d’Einstein en 1907, a promu les théories d’Einstein et de Minkowski (Walter, 2018).
  • 3 A propos des expériences de Crémieu, voir (§ 2-17); sur les contributions de Larmor à la théorie de l’électron, voir Buchwald (1981, 1985), Darrigol (1994) et Warwick (2003).

Références

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  • J. Z. Buchwald (1985) From Maxwell to Microphysics. University of Chicago Press, Chicago. External Links: Link Cited by: endnote 3.
  • O. Darrigol (1994) The electron theories of Larmor and Lorentz: a comparative study. Historical Studies in the Physical and Biological Sciences 24 (2), pp. 265–336. External Links: Link Cited by: endnote 3.
  • A. S. Eddington (1942) Joseph Larmor 1957–1942. Obituary Notices of Fellows of the Royal Society 4, pp. 197–207. External Links: Link, Document Cited by: endnote 1.
  • C. C. Gillispie (Ed.) (1973) Dictionary of Scientific Biography, Volume 8: Jonathon Homer Lane–Pierre Joseph Macquer. Charles Scribner’s Sons, New York. Cited by: A. E. Woodruff (1973).
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  • J. Larmor (1928) Mathematical and Physical Papers, Volume 1. Cambridge University Press, Cambridge. External Links: Link Cited by: endnote 1.
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  • J. Navarro (Ed.) (2018) Ether and Modernity: The Recalcitrance of an Epistemic Object in the Early Twentieth Century. Oxford University Press, Oxford. External Links: Document Cited by: S. A. Walter (2018).
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  • A. C. Warwick (1993) Frequency, theorem and formula: remembering Joseph Larmor in electromagnetic theory. Notes and Records of the Royal Society of London 47, pp. 49–60. External Links: Link Cited by: endnote 2.
  • A. C. Warwick (2003) Masters of Theory: Cambridge and the Rise of Mathematical Physics. University of Chicago, Chicago. Cited by: 2-34. Joseph Larmor, endnote 1, endnote 3.
  • A. E. Woodruff (1973) Larmor, Joseph. See Dictionary of Scientific Biography, Volume 8: Jonathon Homer Lane–Pierre Joseph Macquer, Gillispie, pp. 39–41. Cited by: endnote 1.