3-32. Aleksandr Mikhailovich Liapunov

Aleksandr Mikhailovich Liapunov (1857–1918), né à Yaroslavl, a fait des études à la Faculté de physique et de mathématique de Saint-Pétersbourg. Il fut nommé chargé de cours à l’Université de Kharkov en 1884, et professeur en 1893. En 1901, Liapunov fut élu à l’Académie des sciences russe à Saint-Pétersbourg, et il quitta Kharkov en 1902. L’épouse de Liapunov attrapa la tuberculose, suite à laquelle Liapunov accepta un poste à Odessa en 1917. Sa femme mourut un an plus tard, et le jour même, Liapunov mit fin à sa vie.

Autour de 1882, Pafnouti Tchebychev a dirigé Liapunov vers la recherche de « nouvelles formes d’équilibre qui différent légèrement de la forme ellipsoïdale » (Liapunov 1904, 13). Liapunov s’est inspiré également des travaux de Liouville et de Riemann sur les figures d’équilibre (Lützen 1984, 125). Il a trouvé des figures infiniment voisines de l’ellipsoïde de Jacobi critique, dont les figures piriformes de Poincaré. La thèse de maîtrise de Liapunov (1884) devait être consacrée à l’exposition de ces résultats, mais Liapunov n’a pas réussi à démontrer l’existence des nouvelles figures en toute rigueur. Il décida, par conséquent, de consacrer son travail plutôt à une étude approfondie de la stabilité des figures connues.

Les propositions à ce sujet de Thomson & Tait, énoncées sans démonstration dans leur Treatise, ont pu motiver les travaux de Poincaré et Darwin (Thomson & Tait 1883, § 778”(i)). Quant à Liapunov, il affirma avoir rédigé son mémoire avant d’avoir lu ce livre (Liapunov 1904, 6). Le travail de Liapunov s’est organisé autour du projet de démonstration du principe de stabilité de Thomson avec des méthodes inspirées de celles de Dirichlet (1846). Liapunov précisa son objectif ainsi:

Dans ce travail, j’étudie la stabilité des figures ellipsoïdales d’équilibre d’un liquide animé d’un mouvement de rotation, dont les molécules s’attirent mutuellement suivant la loi de Newton, en partant d’un principe représentant une généralisation du principe connu de Lagrange, d’après lequel l’étude de la stabilité se ramène à la recherche du minimum du potentiel. (Liapunov 1904, 5)

Dans ce cadre, Liapunov donna une définition nouvelle du concept de stabilité qu’il crut, au moins au départ, appropriée pour éviter certaines difficultés dans la démonstration.

En ce qui concerne les figures non-ellipsoïdales d’équilibre, Liapunov annonça une conjecture concernant l’existence de telles figures infiniment voisines de figures d’équilibre ellipsoïdales qui vérifient la condition d’équilibre au moins en première approximation.

La correspondance entre Liapunov et Poincaré a eu lieu suite à la lecture par Liapunov de deux notes de Poincaré sur l’équilibre d’une masse fluide en rotation (Poincaré 1885b, 1885c). Poincaré a répondu à Liapunov (§ 3-32-2) en lui promettant de lui faire parvenir un exemplaire de son mémoire sur ce même sujet, qui devait paraître dans les Acta mathematica (Poincaré 1885a). Leur correspondance s’est arrêtée alors pendant douze mois, avant de reprendre fin 1886, avec un échange de points de vue à propos de leurs résultats et méthodes respectifs.

À l’issu de cet échange, Poincaré (1887) publia une démonstration simplifiée d’un des théorèmes de Liapunov, en suivant une analogie en électrostatique. Quant à Liapunov, il est revenu à la question de l’existence des figures piriformes. Dans une note ajoutée à la traduction française de son mémoire, il observa que le problème des figures d’équilibre infiniment voisines des figures ellipsoïdales

…fut proposé à l’auteur en 1882 par Tchebychef, et l’auteur a énoncé les résultats auxquels il est arrivé en cherchant à le résoudre, en une thèse, à la fin du présent travail. Dans le Mémoire connu, qui parut en 1885 dans les Acta mathematica, M. Poincaré est arrivé aux mêmes résultats, sans connaître les recherches de l’auteur. Toutefois la question des nouvelles figures d’équilibre, peu différentes des figures ellipsoïdales, ne peut encore être considérée comme résolue; car le calcul n’a donné qu’une première approximation, et cela seulement au point de vue formel. Donc, rien ne prouve que les nouvelles figures d’équilibre existent réellement. Après 20 années écoulées depuis l’époque où le présent travail fut publié, l’auteur a repris la question, dont il s’occupe en ce moment. Il a réussi à trouver une méthode qui permet de pousser l’approximation, dans cette question difficile, aussi loin qu’on veut, et bientôt il se propose de publier les résultats de ses recherches. (Liapunov 1904, 13)

Dans sa thèse de doctorat, en revanche, Liapunov (1892) a tourné son attention vers une autre partie de la mécanique céleste : l’étude de la stabilité du mouvement. Malgré de nombreux comptes-rendus et analyses à leur sujet, les travaux de Liapunov n’ont pas trouvé de lecteurs en dehors de la Russie avant d’être traduits au début du vingtième siècle (Liapunov 1904, 1907).

Time-stamp: "16.04.2023 15:50"

Références