1-1-238. Gösta Mittag-Leffler à H. Poincaré

Djursholm le 24 Novembre 190811endnote: 1 On ne dispose que d’une copie carbone de cette lettre dactylographiée et du brouillon (Brefkoncept 4469).

Mon cher ami,

J’accepte avec plaisir votre aimable proposition de faire partie du comité d’honneur pour l’érection d’un monument à Laplace.22endnote: 2 Voir Mittag-Leffler à Poincaré, 22 décembre, 1908 (§ 1-1-239).

J’espère que votre santé s’est rétablie maintenant.33endnote: 3 Poincaré était tombé malade au congrès de Rome. Darboux signale cet incident à la fin de son éloge historique de Poincaré : “Au Congrès international des Mathématiciens, qui se tint à Rome en 1908, un premier accident inquiéta ses amis et l’empêcha de lire lui-même la belle Conférence qu’il avait préparée sur l’Avenir des Mathématiques. Cet accident, qui décelait une hypertrophie de la prostate, fut heureusement conjuré grâce à l’habileté et aux soins des chirurgiens italiens. Mme Poincaré accourut nous retrouver à Rome et ramena son cher malade en France, à petites journées. De retour ici, notre Confrère reprit ses habitudes et ses travaux ; l’activité qu’il ne cessait de montrer nous permit d’espérer que tout danger était, pour longtemps, écarté.” (Nörlund and Lebon, 1916, LXVI) Poincaré écrit à Guccia et Volterra plusieurs fois pour leur donner des nouvelles et les remercier (§§ 2-58-11, 4-36-42 4-36-45). Cependant, une année plus tard, Poincaré subissait encore les conséquences de cette maladie. Dans une lettre adressée à Hilbert au mois de mars 1909, dans laquelle il prépare son voyage à Göttingen du 22 au 28 avril, 1909, Poincaré précise très nettement son état de santé : “Maintenant il y a un point sur lequel je désire attirer votre attention. Je suis encore sous le coup de l’accident qui m’a frappé l’année dernière à Rome et je suis impérieusement obligé à certaines précautions. Je ne puis boire ni vin, ni bière, mais seulement de l’eau. Je ne puis assister à un banquet, ni à un repas prolongé.” (§4-40-8)

J’aurais été vous voir à Rome à l’hôtel Minerva, mais je suis tombé malade moi-même et il ne m’était pas possible de rester jusqu’à la fin du congrès. J’ai eu pourtant de vos nouvelles par Guccia et d’autres. Il y a pourtant longtemps depuis que j’ai eu de ces nouvelles. J’espère que cela est un bon signe. Vous savez que Lippmann a eu le prix Nobel.44endnote: 4 Lippmann a obtenu le prix Nobel de Physique en 1908 pour sa méthode de reproduction photographique des couleurs fondée sur le phénomène d’interférence. Le 11 décembre 1907, Darboux propose, pour le prix Nobel de physique 1908, Lippmann “pour sa belle découverte de la photographie des couleurs” et “pour sa création d’une branche nouvelle de la physique, l’électrocapillarité”. Poincaré fait partie des personnalités scientifiques qui ont proposé et soutenu la candidature de Lippmann. La lettre du 13 janvier 1908, le proposant à la commission Nobel est signée collectivement par (dans l’ordre) Poincaré, Mascart, Becquerel, Darboux, Lapparent, Amagat, Cailletet, Bornet, Deslandres et Levy. Seules les signatures de Poincaré, Mascart, Becquerel, Darboux et Bornet ont été retenues par la commission Nobel. Lippmann et Poincaré avient été présentés en 1904, 1906 et 1907 par Darboux et Becquerel. Dans sa lettre adressée à Painlevé le 9 décembre 1908, Mittag-Leffler décrit le rôle primordial qu’il a eu dans la nomination de Lippmann. “C’est moi qui ensemble avec Phragmén a fait donner le prix à Lippmann. Arrhenius voulait le donner à Planck à Berlin, mais son rapport qu’il était pourtant arrivé à faire accepter d’une manière unanime par la commission était tellement bête que je pouvais l’écraser. Il n’a obtenu à la fin que 13 voix (Retzius inclus évidemment) quand j’avais pour moi 46 voix. Deux membres de la commission ont même déclaré qu’après m’avoir entendu ils changeaient d’opinion et votaient pour Lippmann. Je n’aurai rien eu contre à partager le prix entre Wien et Planck mais le donner à Planck seul aurait été récompenser des idées encore très obscures et qui demandent d’être contrôlées par les mathématiques et par l’expérience.” (IML) Three years later, Poincaré, following his participation in the First Solvay Conference along with Einstein, Langevin, Jeans, Planck and others, proved energy quanta to be a necessary and sufficient condition for Planck’s law of radiation; see Prentis (1995), and Poincaré to Ehrenfest (§ 2-23-1). Il viendra ici et il me parlera alors de vous.

Votre vieil et fidèle ami

TLX 1p. Mittag-Leffler Archives, Djursholm.

Time-stamp: "22.08.2023 17:59"

Notes

  • 1 On ne dispose que d’une copie carbone de cette lettre dactylographiée et du brouillon (Brefkoncept 4469).
  • 2 Voir Mittag-Leffler à Poincaré, 22 décembre, 1908 (§ 1-1-239).
  • 3 Poincaré était tombé malade au congrès de Rome. Darboux signale cet incident à la fin de son éloge historique de Poincaré : “Au Congrès international des Mathématiciens, qui se tint à Rome en 1908, un premier accident inquiéta ses amis et l’empêcha de lire lui-même la belle Conférence qu’il avait préparée sur l’Avenir des Mathématiques. Cet accident, qui décelait une hypertrophie de la prostate, fut heureusement conjuré grâce à l’habileté et aux soins des chirurgiens italiens. Mme Poincaré accourut nous retrouver à Rome et ramena son cher malade en France, à petites journées. De retour ici, notre Confrère reprit ses habitudes et ses travaux ; l’activité qu’il ne cessait de montrer nous permit d’espérer que tout danger était, pour longtemps, écarté.” (Nörlund and Lebon, 1916, LXVI) Poincaré écrit à Guccia et Volterra plusieurs fois pour leur donner des nouvelles et les remercier (§§ 2-58-11, 4-36-42 4-36-45). Cependant, une année plus tard, Poincaré subissait encore les conséquences de cette maladie. Dans une lettre adressée à Hilbert au mois de mars 1909, dans laquelle il prépare son voyage à Göttingen du 22 au 28 avril, 1909, Poincaré précise très nettement son état de santé : “Maintenant il y a un point sur lequel je désire attirer votre attention. Je suis encore sous le coup de l’accident qui m’a frappé l’année dernière à Rome et je suis impérieusement obligé à certaines précautions. Je ne puis boire ni vin, ni bière, mais seulement de l’eau. Je ne puis assister à un banquet, ni à un repas prolongé.” (§4-40-8)
  • 4 Lippmann a obtenu le prix Nobel de Physique en 1908 pour sa méthode de reproduction photographique des couleurs fondée sur le phénomène d’interférence. Le 11 décembre 1907, Darboux propose, pour le prix Nobel de physique 1908, Lippmann “pour sa belle découverte de la photographie des couleurs” et “pour sa création d’une branche nouvelle de la physique, l’électrocapillarité”. Poincaré fait partie des personnalités scientifiques qui ont proposé et soutenu la candidature de Lippmann. La lettre du 13 janvier 1908, le proposant à la commission Nobel est signée collectivement par (dans l’ordre) Poincaré, Mascart, Becquerel, Darboux, Lapparent, Amagat, Cailletet, Bornet, Deslandres et Levy. Seules les signatures de Poincaré, Mascart, Becquerel, Darboux et Bornet ont été retenues par la commission Nobel. Lippmann et Poincaré avient été présentés en 1904, 1906 et 1907 par Darboux et Becquerel. Dans sa lettre adressée à Painlevé le 9 décembre 1908, Mittag-Leffler décrit le rôle primordial qu’il a eu dans la nomination de Lippmann. “C’est moi qui ensemble avec Phragmén a fait donner le prix à Lippmann. Arrhenius voulait le donner à Planck à Berlin, mais son rapport qu’il était pourtant arrivé à faire accepter d’une manière unanime par la commission était tellement bête que je pouvais l’écraser. Il n’a obtenu à la fin que 13 voix (Retzius inclus évidemment) quand j’avais pour moi 46 voix. Deux membres de la commission ont même déclaré qu’après m’avoir entendu ils changeaient d’opinion et votaient pour Lippmann. Je n’aurai rien eu contre à partager le prix entre Wien et Planck mais le donner à Planck seul aurait été récompenser des idées encore très obscures et qui demandent d’être contrôlées par les mathématiques et par l’expérience.” (IML) Three years later, Poincaré, following his participation in the First Solvay Conference along with Einstein, Langevin, Jeans, Planck and others, proved energy quanta to be a necessary and sufficient condition for Planck’s law of radiation; see Prentis (1995), and Poincaré to Ehrenfest (§ 2-23-1).

Références

  • N. E. Nörlund and E. Lebon (Eds.) (1916) Œuvres d’Henri Poincaré, Volume 2. Gauthier-Villars, Paris. link1 Cited by: endnote 3.
  • J. J. Prentis (1995) Poincaré’s proof of the quantum discontinuity of nature. American Journal of Physics 63 (4), pp. 339–350. link1, link2 Cited by: endnote 4.