1-1-52. H. Poincaré à Gösta Mittag-Leffler

Paris, le 14 Avril 188611endnote: 1 Paris-15 avril — Stockholm-18 avril.

Mon cher ami, Je vous adresse aujourd’hui le mémoire22endnote: 2 (Poincaré 1886, 1928, 290–332). que vous m’aviez demandé au sujet des intégrales irrégulières des équations linéaires et de leur représentation approximative par des séries divergentes analogues à celles de Stirling.33endnote: 3 Le développement de Stirling décrit un développement asymptotique de la fonction logΓ(x)\log\;\Gamma\left(x\right). Poincaré décrit, dans la première partie de son article, les propriétés des développements asymptotiques. Tous les géomètres connaissent les curieuses propriétés de la série de Stirling. Cette série : logΓ(x+1)=12log(2π)+(x+12)logxx+B11.21xB23.41x2+B35.61x3\log\Gamma\left({x+1}\right)=\frac{1}{2}\log\left({2\pi}\right)+\left({x+\frac% {1}{2}}\right)\log x-x+\frac{{\text{B}_{1}}}{{1.2}}\frac{1}{x}-\frac{{\text{B}% _{2}}}{{3.4}}\frac{1}{{x^{2}}}+\frac{{\text{B}_{3}}}{{5.6}}\frac{1}{{x^{3}}}-\cdots est toujours divergente. Cependant, on peut en faire légitimement usage pour les valeurs très grandes de x. En effet, les termes après avoir décru avec une très grande rapidité, croissent ensuite au delà de toute limite. Mais si l’on s’arrête au plus petit terme, l’erreur commise sur la valeur de logΓ(x+1)\log\;\Gamma\left({x+1}\right) est très petite. En d’autres termes, la série de Stirling représente asymptotiquement la fonction logΓ(x+1)\log\;\Gamma\left({x+1}\right) ; c’est-à-dire que si SnS_{n} est la somme des premiers termes de cette série jusque et y compris le terme ±Bn2n(2n1)1xn,\pm\frac{{\text{B}_{n}}}{{\text{2}n\left({2n-1}\right)}}\frac{1}{{x^{n}}}, l’expression xn+1[logΓ(x+1)Sn]x^{n+1}\left[{\log\Gamma\left({x+1}\right)-\text{S}_{n}}\right] tendra vers zéro quand x croîtra indéfiniment. (Poincaré 1928, 290) Une fois définie la notion de développement asymptotique, Poincaré expose l’algèbre de tels développements. Dans cet exposé, Poincaré n’envisage comme ensemble de fonctions de comparaison que celui des fonctions {1xn,nN}.\left\{{\frac{1}{{x^{n}}},n\in N}\right\}. Dans la suite, Poincaré va appliquer cette notion de développement asymptotique à l’étude du comportement à l’infini des solutions de l’équation Pndnydxn+Pn1dn1ydxn1++P1dydx+P0y=0P_{n}\frac{d^{n}y}{dx^{n}}+P_{n-1}\frac{d^{n-1}y}{dx^{n-1}}+\cdots+P_{1}\frac{% dy}{dx}+P_{0}y=0 (1) où les PiP_{i} sont des polynomes en x. Si le point à l’infini est régulier, c’est-à-dire d’après le théorème de Fuchs (Valiron 1950, 203) si les degrés des polynomes PiP_{i} sont strictement décroissants, il y a n intégrales régulières qui admettent un développements du type xα(A0+A1x+A2x2++Anxn+).x^{\alpha}\left({A_{0}+\frac{{A_{1}}}{x}+\frac{{A_{2}}}{{x^{2}}}+\cdots+\frac{% {A_{n}}}{{x^{n}}}+\cdots}\right). Dans le cas où le point à l’infini est irrégulier, Thomé a prouvé l’existence de séries de la forme eQxα(A0+A1x+A2x2++Anxn+)e^{Q}x^{\alpha}\left({A_{0}+\frac{{A_{1}}}{x}+\frac{{A_{2}}}{{x^{2}}}+\cdots+% \frac{{A_{n}}}{{x^{n}}}+\cdots}\right) que Poincaré appelle séries normales et qui vérifient formellement l’équation (1). Q est un polynome en x. Lorsque ces séries convergent, on obtient ainsi une solution qu’il baptise “ solutions normales ”. Poincaré s’intéresse au statut de ces développements lorsque les séries normales ne sont pas convergentes. En utilisant la transformée de Laplace, Poincaré montre : Ainsi, une série normale du premier ordre, alors même qu’elle est divergente, représente asymptotiquement une des intégrales de l’équation à laquelle elle satisfait formellement. (Appell and Drach, 1928, 302) Puis, il montre qu’en général : L’intégrale la plus générale d’une équation de rang quelconque est représentée asymptotiquement par une des séries normales qui satisfont formellement à cette même équation. (Appell and Drach, 1928, 332) Cet article provoquera une polémique avec Thomé (voir § 1-1-62 et § 1-1-63).

Veuillez m’excuser de ne pas vous l’avoir envoyé plus tôt. J’ai été malade ces deux derniers mois et n’avais pu le relire.

Veuillez agréer, mon cher ami, l’assurance de ma profonde sympathie.

Poincaré

ALS 2p. IML 30, Mittag-Leffler Archives, Djursholm.

Time-stamp: "26.08.2024 22:30"

Notes

  • 1 Paris-15 avril — Stockholm-18 avril.
  • 2 (Poincaré 1886, 1928, 290–332).
  • 3 Le développement de Stirling décrit un développement asymptotique de la fonction logΓ(x)\log\;\Gamma\left(x\right). Poincaré décrit, dans la première partie de son article, les propriétés des développements asymptotiques. Tous les géomètres connaissent les curieuses propriétés de la série de Stirling. Cette série : logΓ(x+1)=12log(2π)+(x+12)logxx+B11.21xB23.41x2+B35.61x3\log\Gamma\left({x+1}\right)=\frac{1}{2}\log\left({2\pi}\right)+\left({x+\frac% {1}{2}}\right)\log x-x+\frac{{\text{B}_{1}}}{{1.2}}\frac{1}{x}-\frac{{\text{B}% _{2}}}{{3.4}}\frac{1}{{x^{2}}}+\frac{{\text{B}_{3}}}{{5.6}}\frac{1}{{x^{3}}}-\cdots est toujours divergente. Cependant, on peut en faire légitimement usage pour les valeurs très grandes de x. En effet, les termes après avoir décru avec une très grande rapidité, croissent ensuite au delà de toute limite. Mais si l’on s’arrête au plus petit terme, l’erreur commise sur la valeur de logΓ(x+1)\log\;\Gamma\left({x+1}\right) est très petite. En d’autres termes, la série de Stirling représente asymptotiquement la fonction logΓ(x+1)\log\;\Gamma\left({x+1}\right) ; c’est-à-dire que si SnS_{n} est la somme des premiers termes de cette série jusque et y compris le terme ±Bn2n(2n1)1xn,\pm\frac{{\text{B}_{n}}}{{\text{2}n\left({2n-1}\right)}}\frac{1}{{x^{n}}}, l’expression xn+1[logΓ(x+1)Sn]x^{n+1}\left[{\log\Gamma\left({x+1}\right)-\text{S}_{n}}\right] tendra vers zéro quand x croîtra indéfiniment. (Poincaré 1928, 290) Une fois définie la notion de développement asymptotique, Poincaré expose l’algèbre de tels développements. Dans cet exposé, Poincaré n’envisage comme ensemble de fonctions de comparaison que celui des fonctions {1xn,nN}.\left\{{\frac{1}{{x^{n}}},n\in N}\right\}. Dans la suite, Poincaré va appliquer cette notion de développement asymptotique à l’étude du comportement à l’infini des solutions de l’équation Pndnydxn+Pn1dn1ydxn1++P1dydx+P0y=0P_{n}\frac{d^{n}y}{dx^{n}}+P_{n-1}\frac{d^{n-1}y}{dx^{n-1}}+\cdots+P_{1}\frac{% dy}{dx}+P_{0}y=0 (1) où les PiP_{i} sont des polynomes en x. Si le point à l’infini est régulier, c’est-à-dire d’après le théorème de Fuchs (Valiron 1950, 203) si les degrés des polynomes PiP_{i} sont strictement décroissants, il y a n intégrales régulières qui admettent un développements du type xα(A0+A1x+A2x2++Anxn+).x^{\alpha}\left({A_{0}+\frac{{A_{1}}}{x}+\frac{{A_{2}}}{{x^{2}}}+\cdots+\frac{% {A_{n}}}{{x^{n}}}+\cdots}\right). Dans le cas où le point à l’infini est irrégulier, Thomé a prouvé l’existence de séries de la forme eQxα(A0+A1x+A2x2++Anxn+)e^{Q}x^{\alpha}\left({A_{0}+\frac{{A_{1}}}{x}+\frac{{A_{2}}}{{x^{2}}}+\cdots+% \frac{{A_{n}}}{{x^{n}}}+\cdots}\right) que Poincaré appelle séries normales et qui vérifient formellement l’équation (1). Q est un polynome en x. Lorsque ces séries convergent, on obtient ainsi une solution qu’il baptise “ solutions normales ”. Poincaré s’intéresse au statut de ces développements lorsque les séries normales ne sont pas convergentes. En utilisant la transformée de Laplace, Poincaré montre : Ainsi, une série normale du premier ordre, alors même qu’elle est divergente, représente asymptotiquement une des intégrales de l’équation à laquelle elle satisfait formellement. (Appell and Drach, 1928, 302) Puis, il montre qu’en général : L’intégrale la plus générale d’une équation de rang quelconque est représentée asymptotiquement par une des séries normales qui satisfont formellement à cette même équation. (Appell and Drach, 1928, 332) Cet article provoquera une polémique avec Thomé (voir § 1-1-62 et § 1-1-63).

Références

  • P. Appell and J. Drach (Eds.) (1928) Oeuvres d’Henri Poincaré, Volume 1. Gauthier-Villars, Paris. External Links: Link Cited by: endnote 2, endnote 3.
  • H. Poincaré (1886) Sur les intégrales irrégulières des équations linéaires. Acta mathematica 8 (1), pp. 295–344. External Links: Link Cited by: endnote 2.
  • G. Valiron (1950) Equations fonctionnelles, Applications. Masson, Paris. Cited by: endnote 3.