1-1-58. Gösta Mittag-Leffler à H. Poincaré
Bad Lenk. Canton Bern 13/7 188711endnote: 1 Cette lettre est recopiée par un copiste. Outre l’original, on dispose du brouillon (Brefkoncept 925).
Mon cher ami,
Je viens de recevoir la nouvelle de la naissance de votre fille Jeanne et je m’empresse à vous féliciter bien sincèrement, vous et Madame Poincaré à ce bon et heureux changement de votre vie.22endnote: 2 La première fille du couple Poincaré, Jeanne, est née le 3 juin 1887. Un faire-part annonçant cette naissance, posté le 5 juillet, est conservé à l’institut Mittag-Leffler sous la cote (IML Poincaré 34).
J’ai été malade assez longtemps et j’ai dû subir plusieurs opérations assez pénibles ? Je me trouve maintenant aux bains de Lenk pour une cure de quelques semaines sur le conseil du fameux Docteur Mackenzie que j’ai consulté à Londres en étant forcé d’y aller dans un autre but à cause d’un frère malade.33endnote: 3 Mittag-Leffler était malade depuis le mois de mars : “J’apprends avec le plus vif regret par votre lettre l’affection douloureuse dont vous souffrez, et je vous envoie bien affectueusement tous mes vœux pour que l’opération qui va être faite soit suivie d’une guérison complète et définitive.” (Hermite à Mittag-Leffler, le 21 mars 1887, d’après Dugac 1985, 132) Au mois de juillet, Mittag-Leffler rétabli, poursuivait sa convalescence : “J’avais eu par M. Gyldén, lorsqu’il est venu à Paris pour le congrès astrophotographique, des nouvelles favorables des opérations douloureuses que vous avez été obligé de subir, et je suis extrêmement heureux d’apprendre par votre lettre que M. Morell Mackensie vous donne l’assurance d’une guérison complète et définitive.” (Hermite à Mittag-Leffler, le 7 juillet 1887, d’après Dugac 1985, 132)
J’ai prié Madame Kowalevski de vous écrire que le mémoire intéressant de M. Humbert que vous avez bien voulu m’envoyer est en train d’être publié. J’ai fait seulement une petite note où j’indique les moyens que M. Weierstrass emploie pour arriver au même résultat.44endnote: 4 Dans sa lettre du 1er mai 1887, adressée à Poincaré, Kovalevskaya écrit : Ayant parcouru le mémoire de M. Humbert, que vous avez eu la complaisance d’envoyer à M. Leffler, je me permets de vous demander si vous connaissez la manière dont M. Weierstrass traite cette même question. Je ne crois malheureusement pas que la démonstration de Weierstrass soit publiée quelque part, mais elle fait partie de son cours sur les fonctions abéliennnes et elle est bien connue de tous ses élèves. Au cas que vous n’ayez pas eu l’occasion de voir cette démonstration, je me permets de vous la communiquer. (Dugac 1989, 143) Dans sa réponse datée du 5 mai (IML Poincaré 33), Poincaré avoue son ignorance de la démonstration de Weierstrass et laisse les éditeurs des Acta seuls juges pour la publication de l’article de Humbert. Le 12 mai, Kovalevskaya lui répond : M. Mittag-Leffler va publier prochainement le mémoire de M. Humbert dans les Acta mathematica, en y joignant seulement une petite note. (Dugac 1989, 144) L’article de Humbert paraîtra accompagné d’une note de Mittag-Leffler signalant que “les résultats obtenus par M. Humbert ont déjà été trouvés par M. Weierstrass bien des années auparavant et communiqués par lui dans son cours sur les fonctions abéliennes mais [que] la méthode suivie par les deux savants est tout à fait différente”. (Acta mathematica, 10, p. 281)
En parcourant la nouvelle notice sur vos travaux scientifiques55endnote: 5 Voir les notes de la lettre § 1-1-56. que vous avez publiée, il m’a frappé que vos recherches si importantes sur les déterminants infinis66endnote: 6 Poincaré 1885, rééd. Châtelet 1950, 85–94, et Poincaré 1886, rééd. Châtelet 1950, 95–107. Dans le premier de ces articles, Poincaré commente une méthode, introduite par Appell “pour obtenir le développement en série trigonométrique des fonctions elliptiques” (Appell 1885), qui consiste à résoudre un système infini d’équations linéaires d’une infinité de variables par passage à la limite. Appell ne se préoccupe pas dans son article des questions de convergence posées par sa méthode, ni “de savoir à quelles conditions les règles ordinaires du calcul pouvaient être appliquées à de semblables équations” (Poincaré 1921, 93). Poincaré se propose donc de démontrer rigoureusement le bien fondé de la méthode de Appell. Comme des équations de même forme peuvent se rencontrer dans d’autres problèmes, il importe de rechercher dans quel cas on peut légitimement employer la méthode qui a réussi à M. Appell, c’est-à-dire prendre m des équations proposées, n’y conserver que les m premières inconnues en y supprimant tous les termes qui dépendent des autres inconnues ; calculer les valeurs des inconnues conservées, et enfin faire croître le nombre m indéfiniment. (Châtelet 1950, 85–86) Poincaré considère le système où () est une suite vérifiant Il définit la fonction, qui admet les nombres comme zéros. Il suppose alors que les intégrales prises le long d’une infinité de cercle , , , , dont le rayon tend vers l’infini et qui ne rencontrent pas les , “tendent vers zéro, quel que soit p, toutes les fois que n croît indéfiniment”. En désignant par , le résidu de pour , il est clair, en utilisant le théorème des résidus, “que l’hypothèse précédente peut s’écrire .” (Châtelet 1950, 86). Poincaré retrouve ainsi de manière rigoureuse, le résultat de Appell. Il reviendra sur cette question en 1886, en s’intéressant à un article de Hill (1886) dans lequel celui-ci étudie le mouvement du périgée de la lune. Hill pose l’équation (appelée souvent depuis équation de Hill), où . En écrivant que la série est solution de l’équation et en identifiant les coefficients, on obtient : Les quantités et sont déterminées par deux conditions : 1° Que la série soit convergente ; 2° Que les équations linéaires en nombre infini soient satisfaites (Châtelet 1950, 105). Hill résoud ce système infini de la même manière qu’Appell en résolvant le système constitué des p premières équations tronquées, puis en faisant tendre ensuite p vers l’infini. Poincaré poursuit son explication ainsi: “M. Hill a traité ces équations d’après les règles ordinaires du calcul. Bien que cette hardiesse ait été justifiée par le succès, puisqu’il est arrivé ainsi au nombre même donné par l’observation (mutatis mutandis), il ne sera peut-être pas hors de propos de démontrer analytiquement la légitimité de sa méthode.” (Châtelet 1950, 105) Poincaré considère “un tableau à double entrée” de terme général vérifiant , pour tout i. Il définit par le déterminant formé en prenant les n premières lignes et les n premières colonnes de ce tableau: “Je dirai que le tableau est un déterminant infini et que ce déterminant converge si tend vers une limite finie et déterminée quand n croît indéfiniment.” (Châtelet 1950, 100) Il montre alors qu’une condition suffisante pour que le déterminant d’ordre infini converge est que le produit soit convergent, ce qui est équivalent à la convergence de la série Poincaré applique alors ce résultat au déterminant associé au système infini de Hill et montre que, “dans le cas envisagé par Hill”, le déterminant infini converge et que la méthode de Hill est ainsi justifiée. ne sont guère encore assez connu[e]s. Je me permets donc de vous prier de vouloir bien écrire un mémoire là-dessus pour les Acta Mathematica. Je crois que ces recherches serai[en]t d’un très grand intérêt pour nos lecteurs.77endnote: 7 Poincaré ne donnera pas de suite à cette proposition. Par contre, plusieurs élèves de Mittag-Leffler reprendront l’idée des déterminants infinis. Koch généralisera les résultats de Poincaré (Koch 1899) et appliquera en particulier, la théorie des déterminants infinis à celle des équations différentielles (Koch 1891, 1892) et à celle des fractions continues (Koch 1895) (voir § 1-1-104). Fredholm fondera son étude des équations intégrales sur la notion de déterminants infinis (voir Mittag-Leffler à Poincaré, ca. 14.12.1899 (§ 1-1-181), et Fredholm à Poincaré, 21.12.1899, (§ 4-31-1). Koch reprendra la question des systèmes d’une infinité d’équations linéaires à une infinité d’inconnues dans un travail exposé lors du Congrès de mathématiciens scandinaves en 1909 (Koch 1910).
En allant ici, j’ai passé Berlin où j’ai vu M. Weierstrass qui est un de ceux qui connait le mieux vos travaux et qui m’en a parlé avec une véritable admiration et en se plaignant beaucoup qu’il y a encore si peu d’allemands qui ont su vous comprendre.
Je me permets de vous rappeler que les mémoires destinés
pour le prix du roi Oscar doivent être envoyés chez moi avant
le 1 Juin 1888.88endnote:
8
Sur la proposition de Mittag-Leffler,
le roi Oscar II de Suède avait décidé de créer un prix
de Mathématiques. Mittag-Leffler joint à sa lettre adressée
à Hermite le 30 novembre 1884 une première annonce signée
du roi Oscar et mandatant les membres du jury :
Sa Majesté Oscar II, désireuse de donner une nouvelle preuve
de l’intérêt qu’Elle porte à l’avancement des sciences
mathématiques, intérêt qu’elle a déjà témoigné
en encourageant la publication du journal Acta mathematica,
qui se trouve sous son auguste protection, a résolu de décerner
le 21 Janvier 1889, soixantième anniversaire de Sa naissance,
un prix à une découverte importante dans le domaine de l’analyse
mathématique supérieure.
Ce prix consistera en une médaille, du dix-huitième module,
portant l’effigie de Sa Majesté et ayant une valeur en or de
mille francs, ainsi qu’en une somme de deux mille cinq cents
kronor en or (1 kronor : 1 fr. 40 environ). Sa Majesté charge
une Commission de trois personnes de proposer une question mathématique
d’une importance telle que la réponse puisse mériter la récompense
susdite. Quand sa Majesté aura décidé quelle question devra
être mise au concours et que les réponses seront provenues
à la Commission, celle-ci devra Lui présenter un rapport
sur le point de savoir s’il y a lieu de décerner le prix et,
en ce cas, quel mémoire en est jugé le plus digne.
Les mémoires présentés au concours devront être munis
d’une épigraphe, ainsi que du nom et l’adresse de l’auteur
sous pli cacheté, et adressés au Rédacteur en chef des Acta
mathematica avant le 1er Octobre 1888.
Le mémoire auquel Sa Majesté daignera décerner le prix,
ainsi que d’ailleurs le ou les mémoires que la Commisssion
estimera dignes d’une mention honorable, seront insérés dans
les Acta mathematica, et aucun d’entre eux ne devra être
publié auparavant. Les mémoires peuvent être rédigés
en allemand, en anglais, en français ou en latin, ou bien dans
une des langues scandinaves. Sa Majesté a daigné choisir
comme membre de la susdite Commission, Monsieur le Docteur Karl
Weierstrass, membre de l’Académie de Berlin, Professeur à
l’Université de la même ville, commandeur de l’Etoile polaire
(1e classe), Monsieur le Docteur Charles Hermite, membre de
l’Institut de France, Professeur à la Sorbonne, commandeur
de l’Etoile polaire (1e classe), et Monsieur le Docteur G.
Mittag-Leffler, membre de l’Académie des Sciences de Suède,
Professeur à l’Université de Stockholm, chevalier de l’Etoile
polaire, lequel a de plus à remplir les fonctions de secrétaire
de la Commission.
Sa Majesté a nommé comme leurs suppléants : Madame Sophie
Kowalevski, née Corvin-Krukovski, Docteur en philosophie, Professeur
à l’Université de Stockholm, Monsieur le Docteur Ernst Schering,
membre de la Société des Sciences de Göttingen et Professeur
à l’Université de la même ville, chevalier de l’Etoile
polaire, et Monsieur le Docteur Gaston Darboux, membre de l’Institut
de France, Professeur à la Sorbonne.
Stockholm, le 25 Novembre 1884
Approuvé
Oscar
La commission rencontre alors des
difficultés à choisir la question mise au concours. Hermite et
Weierstrass en proposent chacun deux et Mittag-Leffler suggère le 18
février 1885 de régler ce problème en laissant libres les
concurrents de leur sujet tout en les incitant à travailler les 4
problèmes soumis par les membres de la commission :
“Il [Weierstrass] a pourtant rédigé pour le prix les deux
questions que je vous envoie ici en traduction française faite
par Madame Kowalevski. J’ai compris qu’il lui faisait un grand
plaisir de penser que la solution de ces questions feraient l’objet
des efforts des géomètres les plus distingués. Il paraissait
de même content de votre problème sur les équations différentielles
quoiqu’il croyait impossible avec les ressources mathématiques
desquelles nous disposons de parvenir à des résultats d’une
valeur considérable en définissant des fonctions par une
équation différentielle si générale. Quant au problème
de généraliser les équations modulaires il trouve cela
très bien. Mais comment faire maintenant pour arriver à un
résultat définitif. Il est très difficile ou presqu’impossible
de traiter par lettre avec Weierstrass. Et le roi attend que
l’affaire soit terminée au commencement du mois prochain. Weierstrass
parait attacher une telle importance à ses problèmes qu’il
serait pénible dans l’état où il est maintenant de lui
prier de les faire toucher. Je ne vois pas d’autre chemin possible
que le suivant que j’ose vous proposer avec toute réserve.
Nous mettons comme question de prix.
‘Quelque découverte d’importance essentielle pour la
théorie des fonctions analytiques.
On propose surtout les questions suivantes qui paraissent être
très dignes de l’attention spéciale des géomètres
2 questions de vous
2 questions de Weierstrass.’
L’inconvénient d’une question de prix si générale est évident.
Nous risquerons de recevoir des mémoires sur des sujets très
différents et alors il sera difficile de faire une comparaison.
Je ne crois pourtant pas que cette difficulté pratiquement
sera très grande. Le nombre de bons mémoires sera sans doute
très restreint et je ne crois pas qu’il deviendra très difficile
de faire un choix. Et si par hasard il sera impossible de choisir
entre deux ou trois il faut se rappeler que c’est le roi qui
donne le prix et qu’il ne regrettera pas de venir dans la position
de devoir donner plus qu’un prix.” (Mittag-Leffler à
Hermite, le 18 février 1885, Archives de l’Académie des sciences de Paris)
99endnote:
9
Joint avec cette lettre, on trouve la traduction des 2 questions
proposées par Weierstrass :
Propositions de problèmes à résoudre pour le prix des
A[cta] M[athematica].
1. Etant donné un système d’un nombre quelconque de points
matériels, qui s’attirent mutuellement suivant la loi de Newton,
il faut sous la supposition qu’un choc de deux points n’a jamais
lieu, représenter les coordonnées de chaque point sous forme
de séries qui procèdent d’après quelques fonctions connues
du temps et qui convergent uniformément pour un laps de temps
illimité.
Ce problème, dont la solution élargira d’une manière très
considérable nos connaissances par rapport au système du
monde paraît pouvoir être résolu à l’aide des moyens
analytiques que nous avons actuellement à notre disposition ;
on peut le supposer du moins car Lejeune-Dirichlet a communiqué
peu de temps avant sa mort à un mathématicien de ses amis
qu’il avait découvert une méthode pour la résolution des
équations différentielles de la mécanique, et qu’en appliquant
cette méthode il était parvenu à démontrer d’une manière
absolument rigoureuse la stabilité de notre système planétaire.
Malheureusement nous ne connaissons rien sur cette méthode,
si ce n’est que la théorie des oscillations infiniment petites
paraît avoir servi de point de départ pour sa découverte.
On peut pourtant supposer presque avec certitude que cette méthode
était basée non point sur des calculs longs et compliqués,
mais sur le développement d’une idée fondamentale et simple,
qu’on peut avec raison espérer de pouvoir reconstruire à
l’aide de spéculations tenaces et approfondies.
2. M. Fuchs a démontré dans plusieurs de ses mémoires qu’il
existe des fonctions uniformes de deux variables qui se rattachent
par le mode de leur génération aux fonctions ultraelliptiques,
mais sont plus générales que ces dernières, et qui pourraient
probablement acquérir une grande importance pour l’analyse
si leur théorie était développée davantage. Les fonctions
dont l’existence a été prouvée par M. Fuchs devraient être
vraiment construites dans un cas suffisamment général, de
manière à ce qu’on puisse discuter leurs propriétés les
plus essentielles. (AS)
Le 6 mars 1885, Mittag-Leffler revient sur cette question
en soumettant à Hermite une première mouture de l’annonce
définitive :
“Aussi je trouve que c’est la meilleure solution de la difficulté
dans laquelle nous sommes quant au prix de laisser le choix libre,
mais de recommander quelques questions qui paraissent être
d’un intérêt particulier, ou dont la solution serait au moins
utile pour la science. Je me permets d’inclure la lettre que
je pense envoyer au géomètres. J’y fais part d’une communication
qui paraîtra dans les Acta mathematica. J’ai laissé place
sous le n° 4 pour votre question sur une généralisation des
équations modulaires. Je vous prie de vouloir bien rédiger
les questions et de l’inscrire. Mais je vous prie aussi d’être
assez bon pour corriger tout l’épitre ou plutot pour le rédiger
encore une fois en bon français.
J’envoie la copie des questions originales de M. Weierstrass
dans l’espoir que M. Picard voudra bien corriger la traduction
qui laisse beaucoup à désirer. Si tôt que j’aurai reçu
votre réponse, j’enverrai une copie de l’acte à M. Weierstrass
en lui demandant de l’approuver par une dépêche. En ayant
reçu son approbation j’irai porter la lettre au roi pour avoir
sa décision définitive.
Sitôt que je recevrai des mémoires pour la concurrence, je
ferai faire deux copies une pour vous et une pour M. Weierstrass.
Je ne pense pas pourtant que nous aurons à choisir entre beaucoup
de bons mémoires. Les mauvais sont en général assez faciles
d’éliminer à un coup d’œil.” (AS)
Mittag-Leffler malade, c’est Kovalevskaya qui soumet à l’approbation
du roi le texte de l’annonce du concours :
“Je ne pouvais pas aller moi-même chez le roi mais Madame Kowalevski
est allée à ma place. Le roi a naturellement accepté nos propositions
et tout est en ordre maintenant. Dans peu de jours vous devez recevoir
de Stockholm la communication que je veux envoyer au géomètres.”
(Mittag-Leffler à Hermite, le 19 mai 1885, AS)
L’annonce officielle (en allemand
et en français) fut faite au printemps 1885 et insérée dans le tome
7 des Acta mathematica. De nombreux journaux scientifiques
annoncèrent aussi la création du prix du roi Oscar : Nature
(32, 1885, p. 302-303), Comptes rendus (101, 1885,
p. 531-533), Revue scientifique (36, 1885, p. 318-319),
Giornali di matematiche (23, 1885, p. 244-246),
Quaterly Journal of Mathematics (21, 1886, p. 209-212),
Deutsche Litteraturz. (6, 1885, p. 1254-1255),
Astronomische Gesellschaft (20, 1885, p. 210-213),
Cronica Cientifica (9, 1886, p. 34-36), ….
4 questions étaient finalement posées :
“[…] Prenant en considération les questions qui à divers
titres préoccupent également les analystes et dont la solution
serait du plus grand intérêt pour les progrès de la science,
la commission propose respectueusement à sa Majesté d’accorder
le prix au meilleur mémoire sur l’un des sujets suivants.
1. Etant donné un système d’un nombre quelconque de points
matériels qui s’attirent mutuellement suivant la loi de Newton,
on propose, sous la supposition qu’un choc de deux points n’ait
jamais lieu, de représenter les coordonnées de chaque point
sous forme de séries procédant suivant quelques fonctions
connues du temps et qui convergent uniformément pour toute
valeur réelle de la variable.
Ce problème dont la solution étendra considérablement nos
connaissances par rapport au système du monde, paraît pouvoir
être résolu à l’aide des moyens analytiques que nous avons
actuellement à notre disposition ; on peut le supposer du moins
car Lejeune-Dirichlet a communiqué peu de temps avant sa mort
à un géomètre de ses amis qu’il avait découvert une méthode
pour l’intégration des équations différentielles de la
mécanique, et qu’en appliquant cette méthode il était parvenu
à démontrer d’une manière rigoureuse la stabilité de
notre système planétaire. Malheureusement nous ne connaissont
rien sur cette méthode, si ce n’est que la théorie des oscillations
infiniment petites paraît avoir servi de point de départ
pour sa découverte. On peut pourtant supposer presque avec
certitude que cette méthode était basée non point sur des
calculs longs et compliqués, mais sur le développement d’une
idée fondamentale et simple, qu’on peut avec raison espérer
de retrouver par un travail persévérant et approfondi. Dans
le cas pourtant où le problème proposé ne parviendrait
pas à être résolu pour l’époque du concours, on pourrait
décerner le prix pour un travail, dans lequel quelque autre
problème de la mécanique serait traîté de la manière
indiquée et résolu complétement.
2. M. Fuchs a démontré dans plusieurs de ses mémoires qu’il
existe des fonctions uniformes de deux variables, qui se rattachent
par le mode de leur génération aux fonctions ultraelliptiques,
mais sont plus générales que ces dernières, et qui pourraient
probablement acquérir une grande importance pour l’analyse,
si leur théorie était développée davantage.
On propose d’obtenir, sous forme explicite, les fonctions dont
l’existence a été prouvée par M. Fuchs, dans un cas suffisamment
général, de manière à ce qu’on puisse reconnaître
et étudier leur propriétés les plus essentielles.
3. L’étude des fonctions définies par une équation différentielle
suffisamment générale du premier ordre dont le premier membre
est un polynome entier et rationnel par rapport à la variable,
la fonction et sa première dérivée.
MM. Briot et Bouquet ont ouvert la voie à une telle étude
dans leur mémoire sur ce sujet. Les géomètres qui connaissent
les résultats découverts par ces auteurs, savent aussi que
leur travail est loin d’avoir épuisé le sujet difficile et
important qu’ils ont abordé les premiers. Il paraît probable
que de nouvelles recherches entreprises dans la même direction
pourront conduire à des propositions d’un haut intérêt
pour l’analyse.
4. On sait quelle lumière a été portée sur la théorie
générale des équations algébriques par l’étude de ces
équations spéciales auxquelles conduit la division du cercle
en parties égales, et la division par un nombre entier de l’argument
des fonctions elliptiques. La transcendante si remarquable qu’on
obtient en exprimant le module de la théorie des fonctions
elliptiques par le quotient des périodes mène semblablement
aux équations modulaires qui ont été à l’origine de notions
entièrement nouvelles, et de résultats d’une grande importance
comme la résolution de l’équation du cinquième degré.
Mais cette transcendante n’est que le premier terme, le cas particulier
le plus simple d’une série infinie de nouvelles fonctions que
M. Poincaré a introduites dans la science sous la dénomination
de fonctions fuchsiennes, et appliquées avec succès à l’intégration
des équations différentielles linéaires d’un ordre quelconque.
Ces fonctions qui ont donc dans l’Analyse un rôle dont l’importance
est manifeste, n’ont pas été considérées jusqu’ici sous
le point de vue de l’algèbre, comme la transcendante de la
théorie des fonctions elliptiques, dont elles sont la généralisation.
On propose de combler cette lacune et de parvenir à de nouvelles
équations analogues aux équations modulaires, en étudiant
ne serait-ce que dans un cas particulier la formation et les
propriétés des relations algébriques qui lient deux fonctions
fuchsiennes, lorsqu’elles ont un groupe commun.”
(Acta mathematica 7, I–VI)
Comme on l’a vu ci-dessus, les deux premières questions furent
posées par Weierstrass, les deux dernières par Hermite.
J’ose espérer que vous veuillez bien envoyer quelque chose. Comme
vous vous rappelez, tout mémoire sur un sujet de la théorie des
fonctions pourra convenir. Si vous
veuillez envoyer quelque chose c’est guère probable que quelqu’un vous
dépassera.
Madame Mittag-Leffler est en Finlande chez son père et je m’empresserai de lui communiquer la nouvelle de la naissance de votre fille.
Je vous prie, mon cher ami, d’être l’interprète auprès de Madame Poincaré de mes sentiments de profond respect et d’agréer vous-même l’expression de mon dévouement affectueux.
G. Mittag-Leffler
ALS 4p. Mittag-Leffler Archives, Djursholm.
Time-stamp: "26.08.2024 22:04"
Notes
- 1 Cette lettre est recopiée par un copiste. Outre l’original, on dispose du brouillon (Brefkoncept 925).
- 2 La première fille du couple Poincaré, Jeanne, est née le 3 juin 1887. Un faire-part annonçant cette naissance, posté le 5 juillet, est conservé à l’institut Mittag-Leffler sous la cote (IML Poincaré 34).
- 3 Mittag-Leffler était malade depuis le mois de mars : “J’apprends avec le plus vif regret par votre lettre l’affection douloureuse dont vous souffrez, et je vous envoie bien affectueusement tous mes vœux pour que l’opération qui va être faite soit suivie d’une guérison complète et définitive.” (Hermite à Mittag-Leffler, le 21 mars 1887, d’après Dugac 1985, 132) Au mois de juillet, Mittag-Leffler rétabli, poursuivait sa convalescence : “J’avais eu par M. Gyldén, lorsqu’il est venu à Paris pour le congrès astrophotographique, des nouvelles favorables des opérations douloureuses que vous avez été obligé de subir, et je suis extrêmement heureux d’apprendre par votre lettre que M. Morell Mackensie vous donne l’assurance d’une guérison complète et définitive.” (Hermite à Mittag-Leffler, le 7 juillet 1887, d’après Dugac 1985, 132)
- 4 Dans sa lettre du 1er mai 1887, adressée à Poincaré, Kovalevskaya écrit : Ayant parcouru le mémoire de M. Humbert, que vous avez eu la complaisance d’envoyer à M. Leffler, je me permets de vous demander si vous connaissez la manière dont M. Weierstrass traite cette même question. Je ne crois malheureusement pas que la démonstration de Weierstrass soit publiée quelque part, mais elle fait partie de son cours sur les fonctions abéliennnes et elle est bien connue de tous ses élèves. Au cas que vous n’ayez pas eu l’occasion de voir cette démonstration, je me permets de vous la communiquer. (Dugac 1989, 143) Dans sa réponse datée du 5 mai (IML Poincaré 33), Poincaré avoue son ignorance de la démonstration de Weierstrass et laisse les éditeurs des Acta seuls juges pour la publication de l’article de Humbert. Le 12 mai, Kovalevskaya lui répond : M. Mittag-Leffler va publier prochainement le mémoire de M. Humbert dans les Acta mathematica, en y joignant seulement une petite note. (Dugac 1989, 144) L’article de Humbert paraîtra accompagné d’une note de Mittag-Leffler signalant que “les résultats obtenus par M. Humbert ont déjà été trouvés par M. Weierstrass bien des années auparavant et communiqués par lui dans son cours sur les fonctions abéliennes mais [que] la méthode suivie par les deux savants est tout à fait différente”. (Acta mathematica, 10, p. 281)
- 5 Voir les notes de la lettre § 1-1-56.
- 6 Poincaré 1885, rééd. Châtelet 1950, 85–94, et Poincaré 1886, rééd. Châtelet 1950, 95–107. Dans le premier de ces articles, Poincaré commente une méthode, introduite par Appell “pour obtenir le développement en série trigonométrique des fonctions elliptiques” (Appell 1885), qui consiste à résoudre un système infini d’équations linéaires d’une infinité de variables par passage à la limite. Appell ne se préoccupe pas dans son article des questions de convergence posées par sa méthode, ni “de savoir à quelles conditions les règles ordinaires du calcul pouvaient être appliquées à de semblables équations” (Poincaré 1921, 93). Poincaré se propose donc de démontrer rigoureusement le bien fondé de la méthode de Appell. Comme des équations de même forme peuvent se rencontrer dans d’autres problèmes, il importe de rechercher dans quel cas on peut légitimement employer la méthode qui a réussi à M. Appell, c’est-à-dire prendre m des équations proposées, n’y conserver que les m premières inconnues en y supprimant tous les termes qui dépendent des autres inconnues ; calculer les valeurs des inconnues conservées, et enfin faire croître le nombre m indéfiniment. (Châtelet 1950, 85–86) Poincaré considère le système où () est une suite vérifiant Il définit la fonction, qui admet les nombres comme zéros. Il suppose alors que les intégrales prises le long d’une infinité de cercle , , , , dont le rayon tend vers l’infini et qui ne rencontrent pas les , “tendent vers zéro, quel que soit p, toutes les fois que n croît indéfiniment”. En désignant par , le résidu de pour , il est clair, en utilisant le théorème des résidus, “que l’hypothèse précédente peut s’écrire .” (Châtelet 1950, 86). Poincaré retrouve ainsi de manière rigoureuse, le résultat de Appell. Il reviendra sur cette question en 1886, en s’intéressant à un article de Hill (1886) dans lequel celui-ci étudie le mouvement du périgée de la lune. Hill pose l’équation (appelée souvent depuis équation de Hill), où . En écrivant que la série est solution de l’équation et en identifiant les coefficients, on obtient : Les quantités et sont déterminées par deux conditions : 1° Que la série soit convergente ; 2° Que les équations linéaires en nombre infini soient satisfaites (Châtelet 1950, 105). Hill résoud ce système infini de la même manière qu’Appell en résolvant le système constitué des p premières équations tronquées, puis en faisant tendre ensuite p vers l’infini. Poincaré poursuit son explication ainsi: “M. Hill a traité ces équations d’après les règles ordinaires du calcul. Bien que cette hardiesse ait été justifiée par le succès, puisqu’il est arrivé ainsi au nombre même donné par l’observation (mutatis mutandis), il ne sera peut-être pas hors de propos de démontrer analytiquement la légitimité de sa méthode.” (Châtelet 1950, 105) Poincaré considère “un tableau à double entrée” de terme général vérifiant , pour tout i. Il définit par le déterminant formé en prenant les n premières lignes et les n premières colonnes de ce tableau: “Je dirai que le tableau est un déterminant infini et que ce déterminant converge si tend vers une limite finie et déterminée quand n croît indéfiniment.” (Châtelet 1950, 100) Il montre alors qu’une condition suffisante pour que le déterminant d’ordre infini converge est que le produit soit convergent, ce qui est équivalent à la convergence de la série Poincaré applique alors ce résultat au déterminant associé au système infini de Hill et montre que, “dans le cas envisagé par Hill”, le déterminant infini converge et que la méthode de Hill est ainsi justifiée.
- 7 Poincaré ne donnera pas de suite à cette proposition. Par contre, plusieurs élèves de Mittag-Leffler reprendront l’idée des déterminants infinis. Koch généralisera les résultats de Poincaré (Koch 1899) et appliquera en particulier, la théorie des déterminants infinis à celle des équations différentielles (Koch 1891, 1892) et à celle des fractions continues (Koch 1895) (voir § 1-1-104). Fredholm fondera son étude des équations intégrales sur la notion de déterminants infinis (voir Mittag-Leffler à Poincaré, ca. 14.12.1899 (§ 1-1-181), et Fredholm à Poincaré, 21.12.1899, (§ 4-31-1). Koch reprendra la question des systèmes d’une infinité d’équations linéaires à une infinité d’inconnues dans un travail exposé lors du Congrès de mathématiciens scandinaves en 1909 (Koch 1910).
- 8 Sur la proposition de Mittag-Leffler, le roi Oscar II de Suède avait décidé de créer un prix de Mathématiques. Mittag-Leffler joint à sa lettre adressée à Hermite le 30 novembre 1884 une première annonce signée du roi Oscar et mandatant les membres du jury : Sa Majesté Oscar II, désireuse de donner une nouvelle preuve de l’intérêt qu’Elle porte à l’avancement des sciences mathématiques, intérêt qu’elle a déjà témoigné en encourageant la publication du journal Acta mathematica, qui se trouve sous son auguste protection, a résolu de décerner le 21 Janvier 1889, soixantième anniversaire de Sa naissance, un prix à une découverte importante dans le domaine de l’analyse mathématique supérieure. Ce prix consistera en une médaille, du dix-huitième module, portant l’effigie de Sa Majesté et ayant une valeur en or de mille francs, ainsi qu’en une somme de deux mille cinq cents kronor en or (1 kronor : 1 fr. 40 environ). Sa Majesté charge une Commission de trois personnes de proposer une question mathématique d’une importance telle que la réponse puisse mériter la récompense susdite. Quand sa Majesté aura décidé quelle question devra être mise au concours et que les réponses seront provenues à la Commission, celle-ci devra Lui présenter un rapport sur le point de savoir s’il y a lieu de décerner le prix et, en ce cas, quel mémoire en est jugé le plus digne. Les mémoires présentés au concours devront être munis d’une épigraphe, ainsi que du nom et l’adresse de l’auteur sous pli cacheté, et adressés au Rédacteur en chef des Acta mathematica avant le 1er Octobre 1888. Le mémoire auquel Sa Majesté daignera décerner le prix, ainsi que d’ailleurs le ou les mémoires que la Commisssion estimera dignes d’une mention honorable, seront insérés dans les Acta mathematica, et aucun d’entre eux ne devra être publié auparavant. Les mémoires peuvent être rédigés en allemand, en anglais, en français ou en latin, ou bien dans une des langues scandinaves. Sa Majesté a daigné choisir comme membre de la susdite Commission, Monsieur le Docteur Karl Weierstrass, membre de l’Académie de Berlin, Professeur à l’Université de la même ville, commandeur de l’Etoile polaire (1e classe), Monsieur le Docteur Charles Hermite, membre de l’Institut de France, Professeur à la Sorbonne, commandeur de l’Etoile polaire (1e classe), et Monsieur le Docteur G. Mittag-Leffler, membre de l’Académie des Sciences de Suède, Professeur à l’Université de Stockholm, chevalier de l’Etoile polaire, lequel a de plus à remplir les fonctions de secrétaire de la Commission. Sa Majesté a nommé comme leurs suppléants : Madame Sophie Kowalevski, née Corvin-Krukovski, Docteur en philosophie, Professeur à l’Université de Stockholm, Monsieur le Docteur Ernst Schering, membre de la Société des Sciences de Göttingen et Professeur à l’Université de la même ville, chevalier de l’Etoile polaire, et Monsieur le Docteur Gaston Darboux, membre de l’Institut de France, Professeur à la Sorbonne. Stockholm, le 25 Novembre 1884 Approuvé Oscar La commission rencontre alors des difficultés à choisir la question mise au concours. Hermite et Weierstrass en proposent chacun deux et Mittag-Leffler suggère le 18 février 1885 de régler ce problème en laissant libres les concurrents de leur sujet tout en les incitant à travailler les 4 problèmes soumis par les membres de la commission : “Il [Weierstrass] a pourtant rédigé pour le prix les deux questions que je vous envoie ici en traduction française faite par Madame Kowalevski. J’ai compris qu’il lui faisait un grand plaisir de penser que la solution de ces questions feraient l’objet des efforts des géomètres les plus distingués. Il paraissait de même content de votre problème sur les équations différentielles quoiqu’il croyait impossible avec les ressources mathématiques desquelles nous disposons de parvenir à des résultats d’une valeur considérable en définissant des fonctions par une équation différentielle si générale. Quant au problème de généraliser les équations modulaires il trouve cela très bien. Mais comment faire maintenant pour arriver à un résultat définitif. Il est très difficile ou presqu’impossible de traiter par lettre avec Weierstrass. Et le roi attend que l’affaire soit terminée au commencement du mois prochain. Weierstrass parait attacher une telle importance à ses problèmes qu’il serait pénible dans l’état où il est maintenant de lui prier de les faire toucher. Je ne vois pas d’autre chemin possible que le suivant que j’ose vous proposer avec toute réserve. Nous mettons comme question de prix. ‘Quelque découverte d’importance essentielle pour la théorie des fonctions analytiques. On propose surtout les questions suivantes qui paraissent être très dignes de l’attention spéciale des géomètres 2 questions de vous 2 questions de Weierstrass.’ L’inconvénient d’une question de prix si générale est évident. Nous risquerons de recevoir des mémoires sur des sujets très différents et alors il sera difficile de faire une comparaison. Je ne crois pourtant pas que cette difficulté pratiquement sera très grande. Le nombre de bons mémoires sera sans doute très restreint et je ne crois pas qu’il deviendra très difficile de faire un choix. Et si par hasard il sera impossible de choisir entre deux ou trois il faut se rappeler que c’est le roi qui donne le prix et qu’il ne regrettera pas de venir dans la position de devoir donner plus qu’un prix.” (Mittag-Leffler à Hermite, le 18 février 1885, Archives de l’Académie des sciences de Paris)
- 9 Joint avec cette lettre, on trouve la traduction des 2 questions proposées par Weierstrass : Propositions de problèmes à résoudre pour le prix des A[cta] M[athematica]. 1. Etant donné un système d’un nombre quelconque de points matériels, qui s’attirent mutuellement suivant la loi de Newton, il faut sous la supposition qu’un choc de deux points n’a jamais lieu, représenter les coordonnées de chaque point sous forme de séries qui procèdent d’après quelques fonctions connues du temps et qui convergent uniformément pour un laps de temps illimité. Ce problème, dont la solution élargira d’une manière très considérable nos connaissances par rapport au système du monde paraît pouvoir être résolu à l’aide des moyens analytiques que nous avons actuellement à notre disposition ; on peut le supposer du moins car Lejeune-Dirichlet a communiqué peu de temps avant sa mort à un mathématicien de ses amis qu’il avait découvert une méthode pour la résolution des équations différentielles de la mécanique, et qu’en appliquant cette méthode il était parvenu à démontrer d’une manière absolument rigoureuse la stabilité de notre système planétaire. Malheureusement nous ne connaissons rien sur cette méthode, si ce n’est que la théorie des oscillations infiniment petites paraît avoir servi de point de départ pour sa découverte. On peut pourtant supposer presque avec certitude que cette méthode était basée non point sur des calculs longs et compliqués, mais sur le développement d’une idée fondamentale et simple, qu’on peut avec raison espérer de pouvoir reconstruire à l’aide de spéculations tenaces et approfondies. 2. M. Fuchs a démontré dans plusieurs de ses mémoires qu’il existe des fonctions uniformes de deux variables qui se rattachent par le mode de leur génération aux fonctions ultraelliptiques, mais sont plus générales que ces dernières, et qui pourraient probablement acquérir une grande importance pour l’analyse si leur théorie était développée davantage. Les fonctions dont l’existence a été prouvée par M. Fuchs devraient être vraiment construites dans un cas suffisamment général, de manière à ce qu’on puisse discuter leurs propriétés les plus essentielles. (AS) Le 6 mars 1885, Mittag-Leffler revient sur cette question en soumettant à Hermite une première mouture de l’annonce définitive : “Aussi je trouve que c’est la meilleure solution de la difficulté dans laquelle nous sommes quant au prix de laisser le choix libre, mais de recommander quelques questions qui paraissent être d’un intérêt particulier, ou dont la solution serait au moins utile pour la science. Je me permets d’inclure la lettre que je pense envoyer au géomètres. J’y fais part d’une communication qui paraîtra dans les Acta mathematica. J’ai laissé place sous le n° 4 pour votre question sur une généralisation des équations modulaires. Je vous prie de vouloir bien rédiger les questions et de l’inscrire. Mais je vous prie aussi d’être assez bon pour corriger tout l’épitre ou plutot pour le rédiger encore une fois en bon français. J’envoie la copie des questions originales de M. Weierstrass dans l’espoir que M. Picard voudra bien corriger la traduction qui laisse beaucoup à désirer. Si tôt que j’aurai reçu votre réponse, j’enverrai une copie de l’acte à M. Weierstrass en lui demandant de l’approuver par une dépêche. En ayant reçu son approbation j’irai porter la lettre au roi pour avoir sa décision définitive. Sitôt que je recevrai des mémoires pour la concurrence, je ferai faire deux copies une pour vous et une pour M. Weierstrass. Je ne pense pas pourtant que nous aurons à choisir entre beaucoup de bons mémoires. Les mauvais sont en général assez faciles d’éliminer à un coup d’œil.” (AS) Mittag-Leffler malade, c’est Kovalevskaya qui soumet à l’approbation du roi le texte de l’annonce du concours : “Je ne pouvais pas aller moi-même chez le roi mais Madame Kowalevski est allée à ma place. Le roi a naturellement accepté nos propositions et tout est en ordre maintenant. Dans peu de jours vous devez recevoir de Stockholm la communication que je veux envoyer au géomètres.” (Mittag-Leffler à Hermite, le 19 mai 1885, AS) L’annonce officielle (en allemand et en français) fut faite au printemps 1885 et insérée dans le tome 7 des Acta mathematica. De nombreux journaux scientifiques annoncèrent aussi la création du prix du roi Oscar : Nature (32, 1885, p. 302-303), Comptes rendus (101, 1885, p. 531-533), Revue scientifique (36, 1885, p. 318-319), Giornali di matematiche (23, 1885, p. 244-246), Quaterly Journal of Mathematics (21, 1886, p. 209-212), Deutsche Litteraturz. (6, 1885, p. 1254-1255), Astronomische Gesellschaft (20, 1885, p. 210-213), Cronica Cientifica (9, 1886, p. 34-36), …. 4 questions étaient finalement posées : “[…] Prenant en considération les questions qui à divers titres préoccupent également les analystes et dont la solution serait du plus grand intérêt pour les progrès de la science, la commission propose respectueusement à sa Majesté d’accorder le prix au meilleur mémoire sur l’un des sujets suivants. 1. Etant donné un système d’un nombre quelconque de points matériels qui s’attirent mutuellement suivant la loi de Newton, on propose, sous la supposition qu’un choc de deux points n’ait jamais lieu, de représenter les coordonnées de chaque point sous forme de séries procédant suivant quelques fonctions connues du temps et qui convergent uniformément pour toute valeur réelle de la variable. Ce problème dont la solution étendra considérablement nos connaissances par rapport au système du monde, paraît pouvoir être résolu à l’aide des moyens analytiques que nous avons actuellement à notre disposition ; on peut le supposer du moins car Lejeune-Dirichlet a communiqué peu de temps avant sa mort à un géomètre de ses amis qu’il avait découvert une méthode pour l’intégration des équations différentielles de la mécanique, et qu’en appliquant cette méthode il était parvenu à démontrer d’une manière rigoureuse la stabilité de notre système planétaire. Malheureusement nous ne connaissont rien sur cette méthode, si ce n’est que la théorie des oscillations infiniment petites paraît avoir servi de point de départ pour sa découverte. On peut pourtant supposer presque avec certitude que cette méthode était basée non point sur des calculs longs et compliqués, mais sur le développement d’une idée fondamentale et simple, qu’on peut avec raison espérer de retrouver par un travail persévérant et approfondi. Dans le cas pourtant où le problème proposé ne parviendrait pas à être résolu pour l’époque du concours, on pourrait décerner le prix pour un travail, dans lequel quelque autre problème de la mécanique serait traîté de la manière indiquée et résolu complétement. 2. M. Fuchs a démontré dans plusieurs de ses mémoires qu’il existe des fonctions uniformes de deux variables, qui se rattachent par le mode de leur génération aux fonctions ultraelliptiques, mais sont plus générales que ces dernières, et qui pourraient probablement acquérir une grande importance pour l’analyse, si leur théorie était développée davantage. On propose d’obtenir, sous forme explicite, les fonctions dont l’existence a été prouvée par M. Fuchs, dans un cas suffisamment général, de manière à ce qu’on puisse reconnaître et étudier leur propriétés les plus essentielles. 3. L’étude des fonctions définies par une équation différentielle suffisamment générale du premier ordre dont le premier membre est un polynome entier et rationnel par rapport à la variable, la fonction et sa première dérivée. MM. Briot et Bouquet ont ouvert la voie à une telle étude dans leur mémoire sur ce sujet. Les géomètres qui connaissent les résultats découverts par ces auteurs, savent aussi que leur travail est loin d’avoir épuisé le sujet difficile et important qu’ils ont abordé les premiers. Il paraît probable que de nouvelles recherches entreprises dans la même direction pourront conduire à des propositions d’un haut intérêt pour l’analyse. 4. On sait quelle lumière a été portée sur la théorie générale des équations algébriques par l’étude de ces équations spéciales auxquelles conduit la division du cercle en parties égales, et la division par un nombre entier de l’argument des fonctions elliptiques. La transcendante si remarquable qu’on obtient en exprimant le module de la théorie des fonctions elliptiques par le quotient des périodes mène semblablement aux équations modulaires qui ont été à l’origine de notions entièrement nouvelles, et de résultats d’une grande importance comme la résolution de l’équation du cinquième degré. Mais cette transcendante n’est que le premier terme, le cas particulier le plus simple d’une série infinie de nouvelles fonctions que M. Poincaré a introduites dans la science sous la dénomination de fonctions fuchsiennes, et appliquées avec succès à l’intégration des équations différentielles linéaires d’un ordre quelconque. Ces fonctions qui ont donc dans l’Analyse un rôle dont l’importance est manifeste, n’ont pas été considérées jusqu’ici sous le point de vue de l’algèbre, comme la transcendante de la théorie des fonctions elliptiques, dont elles sont la généralisation. On propose de combler cette lacune et de parvenir à de nouvelles équations analogues aux équations modulaires, en étudiant ne serait-ce que dans un cas particulier la formation et les propriétés des relations algébriques qui lient deux fonctions fuchsiennes, lorsqu’elles ont un groupe commun.” (Acta mathematica 7, I–VI) Comme on l’a vu ci-dessus, les deux premières questions furent posées par Weierstrass, les deux dernières par Hermite.
Références
- Sur une méthode élémentaire pour obtenir les développements en série trigonométrique des fonctions elliptiques. Bulletin de la Société mathématique de France 13, pp. 13–18. External Links: Link, Document Cited by: endnote 6.
- Oeuvres d’Henri Poincaré, Volume 5. Gauthier-Villars, Paris. External Links: Link Cited by: endnote 6.
- Lettres de Charles Hermite à Gösta Mittag-Leffler (1884–1891). Cahiers du séminaire d’histoire des mathématiques 6, pp. 79–217. External Links: Link Cited by: endnote 3.
- Henri Poincaré, la correspondance avec des mathématiciens (de J à Z). Cahiers du séminaire d’histoire des mathématiques 10, pp. 83–229. External Links: Link Cited by: endnote 4.
- On the part of the motion of the lunar perigee which is a function of the mean motions of the Sun and Moon. Acta Mathematica 8, pp. 1–36. External Links: Link Cited by: endnote 6.
- Sur une application des déterminants infinis à la théorie des équations différentielles linéaires. Acta mathematica 15, pp. 53–63. External Links: Link Cited by: endnote 7.
- Sur les déterminants infinis et les équations différentielles linéaires. Acta mathematica 16, pp. 217–295. External Links: Link Cited by: endnote 7.
- Quelques théorèmes concernant la théorie générale des fractions continues. Öfversigt af Kongliga Vetenskaps-Akademiens förhandlingar 2, pp. 101–113. External Links: Link Cited by: endnote 7.
- Sur la convergence des déterminants d’ordre infini. Bihang till Vetenskaps-Akademiens Handlinger 22 (4). Cited by: endnote 7.
- Sur les systèmes d’une infinité d’équations linéaires à une infinité d’inconnues. In Compte rendu du Congrès des mathématiciens scandinaves (Stockholm, 22–25 septembre 1909), G. Mittag-Leffler and I. Fredholm (Eds.), pp. 42–61. External Links: Link Cited by: endnote 7.
- Remarques sur l’emploi de la méthode précédente. Bulletin de la Société mathématique de France 13, pp. 19–27. External Links: Link Cited by: endnote 6.
- Sur les déterminants d’ordre infini. Bulletin de la Société mathématique de France 14, pp. 77–90. External Links: Link Cited by: endnote 6.
- Analyse des travaux scientifiques de Henri Poincaré faite par lui-même. Acta mathematica 38, pp. 1–135. External Links: Link Cited by: endnote 6.