4-63-3. Edvard Phragmén à H. Poincaré
le 6 février 189211endnote: 1 The manuscript bears several annotations in pencil and red ink, in an unknown hand, including the following: “épreuves à M. Poincaré – Analyse mathématique – Sur la distribution des nombres premiers; Extrait d’une Lettre de M. Phragmén à M. Poincaré”.
Djursholm, près Stockholm
Vous avez publié, Cher Monsieur, dans les Comptes rendus du 14 déc 1891,22endnote: 2 Poincaré (1891). quelques résultats sur la distribution des nombres premiers de la forme , qui ont été démontrés par M. Victor Stanievitch dans une Note publiée au Compte rendu de la séance du 18 janvier 1892.33endnote: 3 Stanievitch (1892).
De mon côté, j’ai présenté à l’Académie des Sciences de Stockholm, le 14 octobre 1891, une Note “Sur le logarithme intégral et la fonction de Riemann”, où je démontre un théorème général dont vos résultats sont des cas très particuliers.44endnote: 4 Phragmén (1891).
Dans cette Note, dont j’eus l’honneur de vous adresser un tirage à part il y a quelques semaines, vous trouverez enoncer, à la page 600 le théorème suivant:
Soit une fonction réelle de la variable réelle , et une constante positive, et supposons que l’intégrale
(1) |
soit convergente pour les valeurs de dont la partie réelle est supérieure à l’unité, et qu’elle soit égale, dans le voisinage de , à une série procédant suivant les puissances positives de et convergente dans un cercle dont le rayon est plus grand que l’unité; si et sont deux quantités positives choisies à volonté, aucune des deux inégalités
(2) |
ne pourra subsister pour toutes les valeurs de supérieures à .
Je laisse de côté une addition qui se trouve ajoutée à cet énoncé dans ma Note citée, et je me propose ici de donner une généralisation de mon théorème dans une autre direction, généralisation qui se présente d’ailleurs immédiatement à l’esprit.
En effet, si l’on sait que l’intégrale (1) satisfait à la même condition de convergence que plus haut, et que, dans le voisinage de , elle est égale à une série à la Taylor
convergente pour un rayon plus grand que , on démontre qu’aucune des deux inégalités
(3) |
ne peut avoir lieu pour toutes les valeurs de plus grandes qu’une valeur arbitraire.
En effet, si ne change pas de signe à partir de , on voit facilement – et j’en ai donné la démonstration détaillée dans ma Note citée – que l’intégrale
converge et est égale à
On a donc tous les éléments qui figurent dans les signes comme étant positifs:
Cette dernière intégrale a donc une valeur finie, ce qui ne pouvait être si l’une des inégalités (3) avait lieu dans tout l’intervalle de l’intégration.
Il est facile de voir que cette remarque simple suffit pour démontrer que toutes les valeurs asymptotiques de fonctions numériques indiquées par Gauss et Dirichlet sont justes dans le sens que M. Tchebycheff a formulé le premier et que vous avez adopté dans votre Note du 14 décembre 1891.
En effet, il est facile de voir que le raisonnement par lequel Dirichlet démontre qu’une fonction devient infinie pour , de manière que converge vers une valeur finie , implique, dans tous les cas, l’existence d’un développement à la Taylor pour , valable au voisinage de . Je puis renvoyer, à ce sujet, à une Note de M. J.-L.-W. Jensen (Comptes rendus, t. 104, p. 1156), où cette pensée se trouve réalisée dans un cas particulier.55endnote: 5 Jensen (1887). D’ailleurs, il semble que Dirichlet lui-même ait été conscient de ce fait. Du moins on pourrait interpréter dans ce sens une remarque que vous trouverez dans son grand Mémoire Recherches sur diverses applications de l’Analyse infinitésimale à la Théorie des nombres, au bas de la page 417 de ses Oeuvres, t. I.66endnote: 6 Kronecker (1889, 417).
Il est superflu, je pense, de répéter ici comment les questions des valeurs asymptotiques se réduisent, par cette remarque, à dépendre du théorème que je viens de démontrer.
De même, je ne vous fatiguerai pas, en énumérant des exemples des résultats auxquels on parvient de cette manière. Voici un seulement.
Si est un nombre premier de la forme et, de plus, un “déterminant régulier” (Gauss, Disq. Ar. art. 306),77endnote: 7 Gauss (1801). et que désigne le nombre de formes quadratiques différentes ayant pour déterminant, les développements donnés par Dirichlet, dans la Note “Ueber eine Eigenschaft der quadratischen Formen” (Oeuvres, p. 497) démontrent le théorème suivant:88endnote: 8 Kronecker (1889, 497).
Le nombre des nombres premiers inférieurs à qui peuvent être représentés par une forme quadratique donnée ayant pour déterminant est, une infinité de fois, plus grand que , pour , et plus petit que , pour .
Seulement, s’il s’agit de la forme principale , il faut écrire au lieu de , ce qui dépend du fait que les autres formes se répartissent en paires qui représentent les mêmes nombres.
J’ai écrit de préférence à parce que l’erreur de la première valeur est de l’ordre de , tandis que celle de la seconde est de l’ordre . (Je me dispense du soin de préciser le sens de cette remarque.)
Dans les cas particuliers, il serait facile de calculer un plus grand nombre de termes dans les formules asymptotiques et de démontrer ainsi des théorèmes analogues à celui de M. Tchebycheff sur l’excès du nombre des nombres premiers sur celui des nombres premiers , théorème dont je me suis occupé dans ma Note citée.
Je serais heureux si vous jugiez convenable de faire imprimer un extrait de cette lettre dans les Comptes rendus, et je vous prie d’agréer, cher Monsiuer, l’expression des sentiments de sympathique admiration avec lesquels je suis votre tout dévoué
E Phragmén
ALS 9p. Pochette de séance, 15 février 1892, Archives de l’Académie des sciences de Paris. Un extrait a été publié dans les Comptes rendus (Phragmén, 1892).
Time-stamp: "23.07.2024 17:42"
Notes
- 1 The manuscript bears several annotations in pencil and red ink, in an unknown hand, including the following: “épreuves à M. Poincaré – Analyse mathématique – Sur la distribution des nombres premiers; Extrait d’une Lettre de M. Phragmén à M. Poincaré”.
- 2 Poincaré (1891).
- 3 Stanievitch (1892).
- 4 Phragmén (1891).
- 5 Jensen (1887).
- 6 Kronecker (1889, 417).
- 7 Gauss (1801).
- 8 Kronecker (1889, 497).
Références
- Disquisitiones arithmeticae. G. Fleischer, Leipzig. link1 Cited by: endnote 7.
- Sur la fonction de Riemann. Comptes rendus hebdomadaires des séances de l’Académie des sciences de Paris 104 (17), pp. 1156–1159. link1 Cited by: endnote 5.
- G. Lejeune Dirichlet’s Werke, 1. Reimer, Berlin. link1 Cited by: endnote 6, endnote 8.
- Sur le logarithme intégral et la fonction de Riemann. Öfversigt af Kongliga Svenska Vetenskaps-Akademiens förhandlingar 48 (8), pp. 599–616. link1 Cited by: endnote 4.
- Sur la distribution des nombres premiers (extrait d’une lettre à M. Poincaré). Comptes rendus hebdomadaires des séances de l’Académie des sciences de Paris 114 (7), pp. 337–340. link1 Cited by: 4-63-3. Edvard Phragmén à H. Poincaré.
- Sur la distribution des nombres premiers. Comptes rendus hebdomadaires des séances de l’Académie des sciences de Paris 113, pp. 819. link1 Cited by: endnote 2.
- Sur un théorème arithmétique de M. Poincaré. Comptes rendus hebdomadaires des séances de l’Académie des sciences de Paris 114 (3), pp. 109–112. link1 Cited by: endnote 3.