3-1-1. Oscar Backlund à H. Poincaré
Poulkovo le 5 Févr. 190111endnote: 1 The manuscript bears several annotations in two unknown hands, related to its edition, with slight modification, in the Comptes rendus hebdomadaires de l’Académie des sciences de Paris (Backlund 1901; Julia & Petiau 1952, 118–119). One of the two hands annotated the following in red ink : “Séance du 11 Février 1901.” The second hand added in black ink: “[illegible] à M. Poincaré – Mécanique celeste – M. Hasselbach – L E – Sur la précession, Extrait d’une lettre de M. O. Backlund à M. Poincaré”.
Très honoré Collègue,
Je Vous suis très reconnaissant pour avoir appelé l’attention à l’erreur fâcheuse dans ma note22endnote: 2 The published Note renders this phrase as “l’attention sur l’erreur commise dans ma Note …”. sur la précession.33endnote: 3 Backlund (1900); Poincaré (1901); Julia and Petiau (1952, 113–117). La note de Poincaré compare les résultats de Stockwell (1872) et ceux de Backlund (1900) concernant “les variations séculaires de l’équateur terrestre qui sont la conséquence des variations séculaires de l’écliptique” (Poincaré 1901, 50). Backlund avait repris les calculs de Stockwell en utilisant les méthodes proposées par Hugo Gylden dans ses Nouvelles recherche sur les séries employées dans les théories des planètes (Gyldén, 1891, 1893). Comme les résultats de Stockwell et Backlund sont divergents, Poincaré en fait un test pour juger de la validité des travaux de Gyldén. Le point essentiel de la méthode de Gyldén en cause est la prise en compte dans les premières étapes du processus d’approximations successives de certains termes (Poincaré 1901): “Le principe de la méthode employée par M. Backlund consiste à ne pas supprimer tout de suite dans ses équations les termes à courtes périodes qui produisent la nutation ; dans les équations qu’on obtient après quelques transformations figurent certains coefficients périodiques qui dépendent de ces termes ; et pour l’intégration, au lieu de supprimer purement et simplement ces coefficients périodiques comme on le fait d’ordinaire, M. Backlund en conserve la partie constante […].” En effet il m’avait échappé que par des approximations successives le second terme du membre droit dans
donne naissance à un terme
ce qui réduit à zéro (au moins aux quantités d’ordre supérieur).
Cette erreur élémentaire appartient exclusivement à moi.
Dans Votre Note Vous considérez l’équation
Gyldén considère au début des approximations
l’équation44endnote:
4
Gyldén (1891, 1893).
Poincaré reprend dans sa Note, en le simplifiant, l’exemple de Backlund
(1900, 397), et se propose de traiter en suivant les
méthodes de Stockwell et de Backlund l’équation différentielle
“de telle façon que soit notoirement plus grand que
et que soit du même ordre de grandeur que
.” En posant où
vérifie
(1)
vérifie au premier ordre l’équation différentielle
(2)
En négligeant comme Stockwell les termes à courte période, on trouve
Backlund introduit une approximation de
et tient compte des termes à courte
période; il obtient comme équation
En première approximation, on obtient alors :
Poincaré poursuit son raisonnement en résolvant directement les
équations (1) et (2) en utilisant des techniques de fonctions
elliptiques et obtient pour une approximation au premier
ordre de la forme . Il
compare cette formule avec celles de Stockwell et de Backlund:
“Nous voyons que, pour obtenir celle de Stockwell, il faut
faire , et pour obtenir celle de Backlund,
”
(Poincaré 1901, 54;
Julia & Petiau 1952, 116).
Un argument analytique montre que nécessairement est nul et
donc que “c’est Stockwell qui a raison”. Poincaré conclut en
mettant en cause la méthode de Gyldén (Poincaré
1901, 54–55, Julia & Petiau 1952, 117):
“La critique qui précède ne saurait, en aucune façon, s’adresser à
notre savant correspondant, puisqu’il n’a fait qu’appliquer une
méthode classique que tout le monde croyait correcte.
Mais c’est là une raison de plus pour que j’aie cru devoir mettre en
évidence le vice fondamental de la méthode de Gyldén, dont on pourrait
être tenté de faire d’autres applications.”
Backlund répond en expliquant qu’il n’a pas bien utilisé la méthode de
Gyldén en négligeant les termes d’ordre supérieur. Dans sa défense
plus générale de la méthode horistique de Gyldén, Backlund
reprend le même argument pour montrer que
l’objection de Poincaré n’est pas valable (Backlund, 1904, 292):
“Il faut regretter que M. Poincaré, dans sa critique de la méthode de
Gyldén, ne tienne compte que des termes du premier ordre. Gyldén
lui-même a démontré que dans ce cas il n’existe pas de coefficient
horistique et que c’est seulement en considérant au début des
approximations les termes du troisième ordre qu’on peut établir une
équation horistique pour la détermination de la longitude. La
critique de M. Poincaré […] ne se rapporte pas alors à la théorie
de Gyldén, mais seulement au coefficent erroné, déterminé par
moi.”
Dans ses observations à propos de
l’article de Backlund, Poincaré
annonce un article
à paraître (Poincaré 1905), et il
résume ses objections à la méthode horistique (Poincaré
1904, 294–295; Lévy 1952, 621):
“En ce qui concerne l’application de la méthode horistique à la
longitude, j’ai reconnu qu’il n’y avait pas de coefficient
horistique, même quand on tient compte des termes du troisième
ordre. C’est ce que j’exposerai dans un Mémoire plus
étendu. L’erreur, dont M. Backlund veut généreusement s’attribuer
toute la responsabilité, ne lui appartient donc pas. Il s’est
conformé aux principes généraux de la méthode et s’est servi du mode
de raisonnement préconisé par Gyldén, et dont ce savant avait fait
d’autres applications. Ce mode de raisonnemment consiste à remplacer
certains coefficients périodiques par leur valeur moyenne : c’est ce
qu’a fait M. Backlund, c’est ce qu’avait fait Gyldén ; si
l’astronome russe s’est trompé, ce n’est pas qu’il en a mal appliqué
les règles, c’est que ces règles ne valaient rien.”
et parvient à déterminer dans
La valeur de ainsi déterminée est évidemment beaucoup plus petite que .
Gyldén dit expressément qu’il est même inutile, pour la détermination de ,55endnote: 5 La phrase “pour la détermination de ” paraît en marge. de partir de l’équation où l’on a négligé la deuxième et la troisième puissance de . C’est justement ce que Vous avez démontré.66endnote: 6 Une des ambitions de Gyldén dans ses Nouvelles recherches sur les séries employées dans les théories des planètes est de montrer que la résolution des équations différentielles du second ordre nécessite de prendre en compte les termes d’ordre supérieur ou égal à deux. Après avoir expliqué que l’on linéarise l’équation en ne tenant pas compte des termes perturbatifs d’ordre supérieur ou égal à deux, il poursuit (Gyldén 1891, 65–66): “Cette équation n’étant pas linéaire au début, le devient toutes les fois qu’on néglige les termes dépendant de la troisième puissance de la force perturbatrice, ainsi que les termes d’un ordre plus élevé. Mais il paraît indispensable d’éviter cette forme dès le commencement du calcul, car bien que l’on n’ait pas démontré directement l’impossibilité de parvenir à la solution absolue en négligeant les termes du troisième ordre dans la première approximation, des tentatives stériles et réitérées, même dans les derniers temps, ont rendu cependant extrêmement probable que la solution absolue ne s’obtiendra pas en utilisant exclusivement des équations linéaires.”
Je serais très redevable si Vous vouliez insérer ces lignes dans les Comptes Rendus. Je le dois à la mémoire de Gyldén.77endnote: 7 Hugo Gyldén est mort le 9 novembre 1896 à Stockholm.
Votre très reconnaissant
O. Backlund
ALS 3p. Pochette de séance, 11.02.1901, Archives de l’Académie des sciences de Paris. Transcrite avec modifications dans Backlund (1901).
Time-stamp: "24.05.2023 17:35"
Notes
- 1 The manuscript bears several annotations in two unknown hands, related to its edition, with slight modification, in the Comptes rendus hebdomadaires de l’Académie des sciences de Paris (Backlund 1901; Julia & Petiau 1952, 118–119). One of the two hands annotated the following in red ink : “Séance du 11 Février 1901.” The second hand added in black ink: “[illegible] à M. Poincaré – Mécanique celeste – M. Hasselbach – L E – Sur la précession, Extrait d’une lettre de M. O. Backlund à M. Poincaré”.
- 2 The published Note renders this phrase as “l’attention sur l’erreur commise dans ma Note …”.
- 3 Backlund (1900); Poincaré (1901); Julia and Petiau (1952, 113–117). La note de Poincaré compare les résultats de Stockwell (1872) et ceux de Backlund (1900) concernant “les variations séculaires de l’équateur terrestre qui sont la conséquence des variations séculaires de l’écliptique” (Poincaré 1901, 50). Backlund avait repris les calculs de Stockwell en utilisant les méthodes proposées par Hugo Gylden dans ses Nouvelles recherche sur les séries employées dans les théories des planètes (Gyldén, 1891, 1893). Comme les résultats de Stockwell et Backlund sont divergents, Poincaré en fait un test pour juger de la validité des travaux de Gyldén. Le point essentiel de la méthode de Gyldén en cause est la prise en compte dans les premières étapes du processus d’approximations successives de certains termes (Poincaré 1901): “Le principe de la méthode employée par M. Backlund consiste à ne pas supprimer tout de suite dans ses équations les termes à courtes périodes qui produisent la nutation ; dans les équations qu’on obtient après quelques transformations figurent certains coefficients périodiques qui dépendent de ces termes ; et pour l’intégration, au lieu de supprimer purement et simplement ces coefficients périodiques comme on le fait d’ordinaire, M. Backlund en conserve la partie constante […].”
- 4 Gyldén (1891, 1893). Poincaré reprend dans sa Note, en le simplifiant, l’exemple de Backlund (1900, 397), et se propose de traiter en suivant les méthodes de Stockwell et de Backlund l’équation différentielle “de telle façon que soit notoirement plus grand que et que soit du même ordre de grandeur que .” En posant où vérifie (1) vérifie au premier ordre l’équation différentielle (2) En négligeant comme Stockwell les termes à courte période, on trouve Backlund introduit une approximation de et tient compte des termes à courte période; il obtient comme équation En première approximation, on obtient alors : Poincaré poursuit son raisonnement en résolvant directement les équations (1) et (2) en utilisant des techniques de fonctions elliptiques et obtient pour une approximation au premier ordre de la forme . Il compare cette formule avec celles de Stockwell et de Backlund: “Nous voyons que, pour obtenir celle de Stockwell, il faut faire , et pour obtenir celle de Backlund, ” (Poincaré 1901, 54; Julia & Petiau 1952, 116). Un argument analytique montre que nécessairement est nul et donc que “c’est Stockwell qui a raison”. Poincaré conclut en mettant en cause la méthode de Gyldén (Poincaré 1901, 54–55, Julia & Petiau 1952, 117): “La critique qui précède ne saurait, en aucune façon, s’adresser à notre savant correspondant, puisqu’il n’a fait qu’appliquer une méthode classique que tout le monde croyait correcte. Mais c’est là une raison de plus pour que j’aie cru devoir mettre en évidence le vice fondamental de la méthode de Gyldén, dont on pourrait être tenté de faire d’autres applications.” Backlund répond en expliquant qu’il n’a pas bien utilisé la méthode de Gyldén en négligeant les termes d’ordre supérieur. Dans sa défense plus générale de la méthode horistique de Gyldén, Backlund reprend le même argument pour montrer que l’objection de Poincaré n’est pas valable (Backlund, 1904, 292): “Il faut regretter que M. Poincaré, dans sa critique de la méthode de Gyldén, ne tienne compte que des termes du premier ordre. Gyldén lui-même a démontré que dans ce cas il n’existe pas de coefficient horistique et que c’est seulement en considérant au début des approximations les termes du troisième ordre qu’on peut établir une équation horistique pour la détermination de la longitude. La critique de M. Poincaré […] ne se rapporte pas alors à la théorie de Gyldén, mais seulement au coefficent erroné, déterminé par moi.” Dans ses observations à propos de l’article de Backlund, Poincaré annonce un article à paraître (Poincaré 1905), et il résume ses objections à la méthode horistique (Poincaré 1904, 294–295; Lévy 1952, 621): “En ce qui concerne l’application de la méthode horistique à la longitude, j’ai reconnu qu’il n’y avait pas de coefficient horistique, même quand on tient compte des termes du troisième ordre. C’est ce que j’exposerai dans un Mémoire plus étendu. L’erreur, dont M. Backlund veut généreusement s’attribuer toute la responsabilité, ne lui appartient donc pas. Il s’est conformé aux principes généraux de la méthode et s’est servi du mode de raisonnement préconisé par Gyldén, et dont ce savant avait fait d’autres applications. Ce mode de raisonnemment consiste à remplacer certains coefficients périodiques par leur valeur moyenne : c’est ce qu’a fait M. Backlund, c’est ce qu’avait fait Gyldén ; si l’astronome russe s’est trompé, ce n’est pas qu’il en a mal appliqué les règles, c’est que ces règles ne valaient rien.”
- 5 La phrase “pour la détermination de ” paraît en marge.
- 6 Une des ambitions de Gyldén dans ses Nouvelles recherches sur les séries employées dans les théories des planètes est de montrer que la résolution des équations différentielles du second ordre nécessite de prendre en compte les termes d’ordre supérieur ou égal à deux. Après avoir expliqué que l’on linéarise l’équation en ne tenant pas compte des termes perturbatifs d’ordre supérieur ou égal à deux, il poursuit (Gyldén 1891, 65–66): “Cette équation n’étant pas linéaire au début, le devient toutes les fois qu’on néglige les termes dépendant de la troisième puissance de la force perturbatrice, ainsi que les termes d’un ordre plus élevé. Mais il paraît indispensable d’éviter cette forme dès le commencement du calcul, car bien que l’on n’ait pas démontré directement l’impossibilité de parvenir à la solution absolue en négligeant les termes du troisième ordre dans la première approximation, des tentatives stériles et réitérées, même dans les derniers temps, ont rendu cependant extrêmement probable que la solution absolue ne s’obtiendra pas en utilisant exclusivement des équations linéaires.”
- 7 Hugo Gyldén est mort le 9 novembre 1896 à Stockholm.
Références
- Zur Theorie der Präcession und Nutation. Bulletin de l’Académie impériale des sciences de St-Pétersbourg 12 (5), pp. 387–409. link1 Cited by: endnote 3, endnote 4.
- Sur la précession; extrait d’une lettre de M. O. Backlund à M. Poincaré. Comptes rendus hebdomadaires des séances de l’Académie des sciences de Paris 132 (6), pp. 291–292. link1 Cited by: 3-1-1. Oscar Backlund à H. Poincaré, endnote 1.
- Sur la méthode horistique de Gyldén. Bulletin astronomique 21, pp. 289–292. link1 Cited by: endnote 4.
- Nouvelles recherches sur les séries employées dans les théories des planètes. Acta mathematica 15, pp. 65–189. link1 Cited by: endnote 3, endnote 4, endnote 6.
- Nouvelles recherches sur les séries employées dans les théories des planètes (suite et fin). Acta mathematica 17, pp. 1–168. link1 Cited by: endnote 3, endnote 4.
- Œuvres d’Henri Poincaré, Volume 8. Gauthier-Villars, Paris. link1 Cited by: endnote 1, endnote 3, endnote 4.
- Œuvres d’Henri Poincaré, Volume 7. Gauthier-Villars, Paris. link1 Cited by: endnote 4.
- Sur la théorie de la précession. Comptes rendus hebdomadaires des séances de l’Académie des sciences de Paris 132 (2), pp. 50–55. link1 Cited by: endnote 3, endnote 4.
- Sur la méthode horistique; observations sur l’article de M. Backlund. Bulletin astronomique 21, pp. 292–295. link1 Cited by: endnote 4.
- Sur la méthode horistique de Gyldén. Acta mathematica 29 (1), pp. 235–271. link1 Cited by: endnote 4.
- Memoir on the secular variations of the elements of the orbits of the eight principal planets. Smithsonian Contributions to Knowledge 18 (3), pp. 1–199. link1 Cited by: endnote 3.