4-13-3. Georges Brunel à H. Poincaré

Leipzig 14. Juillet 188111endnote: 1 Brunel’s letter to Poincaré appears to have been accompanied by two manuscript documents in an unknown hand. One of these recopies the beginning of Poincaré (1881). The other manuscript is entitled: “Extraits du Cahier de Brunel (Cours de Klein) – Fonctions modulaires (extrait)”; see the transcription (§ 7-2-27).

Liebigstrasse 4II

Monsieur,

Je reçois à l’instant votre lettre et m’empresse de d’y répondre. Monsieur Klein a été malade ces derniers jours, nous n’avons point eu de séminaire lundi en sort que je n’ai pu prendre jour avec lui pour nous entretenir de vous. Cependant je crois ne devoir pas attendre pour répondre à votre question sur les formes quadratiques linéaires et ternaires et l’équation de Pell.

Considérons une substitution

ω=αω+βγω+δαδβγ=1\begin{matrix}\omega^{\prime}=\frac{\alpha\omega+\beta}{\gamma\omega+\delta}&% \alpha\delta-\beta\gamma=1\end{matrix} (1)

Deux points restent fixes par cette substitution; ce sont les points

ω=αδ±(α+δ)242γ\omega=\frac{\alpha-\delta\pm\sqrt{(\alpha+\delta)^{2}-4}}{2\gamma} (2)

Il en résulte une division des substitutions en trois classes

Substitutions elliptiquesα+δ=0 ou 1paraboliquesα+δ=2hyperboliques α+δ>2}\left.\begin{aligned} \text{Substitutions }&\text{elliptiques}&\alpha+\delta&=% 0\text{ ou }1\\ &\text{paraboliques}&\alpha+\delta&=2\\ &\text{hyperboliques }&\alpha+\delta&>2\end{aligned}\right\} (3)

Substitutions elliptiques: les deux points fixes sont imaginaires

α+δ=0\alpha+\delta=0

SS représente une rotation de période 2 (Une seule espèce.)

α+δ=1\alpha+\delta=1

SS représente une rotation de période 3 (Deux espèces dextrogyre ou lévogyre (120° \curvearrowright  \curvearrowleft 120°)

On peut dresser un dénominateur authentique simple en écrivant (1) sous la forme :

ωαδ+(α+δ)242γωαδ(α+δ)242γ=α+δ(α+δ)24αδ+(α+δ)24ωαδ+(α+δ)242γωαδ(α+δ)242γ\frac{\omega^{\prime}-\frac{\alpha-\delta+\sqrt{(\alpha+\delta)^{2}-4}}{2% \gamma}}{\omega^{\prime}-\frac{\alpha-\delta-\sqrt{(\alpha+\delta)^{2}-4}}{2% \gamma}}=\frac{\alpha+\delta-\sqrt{(\alpha+\delta)^{2}-4}}{\alpha-\delta+\sqrt% {(\alpha+\delta)^{2}-4}}\cdot\frac{\omega-\frac{\alpha-\delta+\sqrt{(\alpha+% \delta)^{2}-4}}{2\gamma}}{\omega-\frac{\alpha-\delta-\sqrt{(\alpha+\delta)^{2}% -4}}{2\gamma}} (4)

Substitutions paraboliques : on a un seul point fixe

ω=αδ2γ=ac.\omega=\frac{\alpha-\delta}{2\gamma}=\frac{a}{c}.

Période \infty. Quand le point fixe est à l’infini la substitution parabolique s’écrit ω=ω±k\omega^{\prime}=\omega\pm k, kk étant un entier fixe qu’on appelle l’amplitude de la substitution parabolique. Alors la substitution parabolique qui laisse le point ac\frac{a}{c} fixe et a l’amplitude kk est

ω=(1+ack)ωa2kc2kω1ack.\omega^{\prime}=\frac{(-1+ack)\omega-a^{2}k}{c^{2}k\omega-1-ack}.

Substitutions hyperboliques: elles existent en nombre infini. Elles laissent fixe le demi cercle qui est décrit sur les deux éléments fixes comme diamètre en le transformant en lui même. Soit

Sω=αω+βγω+δS\qquad\omega^{\prime}=\frac{\alpha\omega+\beta}{\gamma\omega+\delta}
[Uncaptioned image]

une telle substitution, elle amène le point AA aux points BB, CC, …qui se rapprochent de plus en plus du point P1P_{1}. Soit SS^{\prime} une autre substitution amenant AA en BB^{\prime}, CC^{\prime}, …; SαSαS^{\alpha}{S^{\prime}}^{\alpha} sera encore une telle substitution. Parmi ces substitutions, il y en a une, la plus petite, TT qui amène le point AA en la position la plus voisine de AA et alors tous les SS sont des puissances de TT, S=TkS=T^{k}. kk s’appelle l’amplitude. Pour que deux substitutions hyperboliques soient égales*, il faut et il suffit que les amplitudes soient les mêmes et que les parties irrationnelles c’est-à-dire les facteurs non carrés de (α+δ)24(\alpha+\delta)^{2}-4 coïncident. Pour l’équivalence on demande quand il est possible d’amener à coïncider.

γω2+(δα)ωβ et aω2+2bω+c\gamma\omega^{2}+(\delta-\alpha)\omega-\beta\qquad\text{ et }\qquad a\omega^{2% }+2b\omega+c (5)

Nous supposons alors que a,2b,c,a,2b,c, n’est aucun diviseur commun que 1 et 2. Nous le désignerons par σ\sigma (d’après Gauss) et dès lors γ\gamma, δα\delta-\alpha, β\beta ont le même commun diviseur uu, il faut que l’on ait:

γu=aσδαu=bσβu=cσα+δ=2tσ\begin{array}[]{cccc}\frac{\gamma}{u}=\frac{a}{\sigma}&\frac{\delta-\alpha}{u}% =\frac{b}{\sigma}&-\frac{\beta}{u}=\frac{c}{\sigma}&\alpha+\delta=\frac{2t}{% \sigma}\end{array}

d’où on déduit

γ=auσβ=cuσα=tabσδ=t+abσ\begin{array}[]{cccc}\gamma=\frac{au}{\sigma}&\beta=\frac{cu}{\sigma}&\alpha=% \frac{t-ab}{\sigma}&\delta=\frac{t+ab}{\sigma}\end{array}

et la condition αδβγ\alpha\delta-\beta\gamma devenant

t2Du2=σ2 où D=b2=ac (Equation de Pell)t^{2}-Du^{2}=\sigma^{2}\qquad\text{ où }D=b^{2}=ac\qquad\text{ (Equation de % Pell)}

Pour cette équation, toutes les solutions se présentent comme une puissance de la plus petite solution TT, VV. On a pour le multiplicateur qui entre dans (4)

α+δ2uDσα+δ+2uDσ=tuDt+uD=(tuDσ)2\frac{\alpha+\delta-\frac{2u\sqrt{D}}{\sigma}}{\alpha+\delta+\frac{2u\sqrt{D}}% {\sigma}}=\frac{t-u\sqrt{D}}{t+u\sqrt{D}}=\left(\frac{t-u\sqrt{D}}{\sigma}% \right)^{2}

il concordance entre les deux séries de considérations géométriques et arithmétiques. L’amplitude kk est ici définie par

k=log(t+uD)log(tuD).k=\frac{\log(t+u\sqrt{D})}{\log(t-u\sqrt{D})}.

Klein s’occupe alors d’„ une question importante qui doit être traitée avant les substitutions hyperboliques “.

Equivalence de deux formes quadratiques.

Si deux formes

aω2+2bω+cetaω2+2bω+c\begin{array}[]{ccc}a\omega^{2}+2b\omega+c&\text{et}&a^{\prime}\omega^{2}+2b^{% \prime}\omega+c^{\prime}\end{array}

ont la propriété par la substitution

ω=αω+βγω+δαδβγ=1\begin{array}[]{cc}\omega^{\prime}=\frac{\alpha\omega+\beta}{\gamma\omega+% \delta}&\alpha\delta-\beta\gamma=1\end{array}

de passer l’une dans l’autre, on les appelle équivalentes. Il faut σ=σ\sigma=\sigma^{\prime}, D=b2ac=D=b2acD=b^{2}-ac=D^{\prime}=b^{\prime 2}-a^{\prime}c^{\prime}, mais cela ne suffit pas.

I Déterminants négatifs. Points fixes.

ω=b±iΔaω′′=b±iΔa\omega^{\prime}=\frac{-b\pm i\sqrt{\Delta}}{a}\qquad\omega^{\prime\prime}=% \frac{-b\pm i\sqrt{\Delta}}{a^{\prime}}
[Uncaptioned image]

Klein dit alors que la forme correspondant aux points ω\omega^{\prime} est réduite si on a amené les points ω\omega^{\prime} a être dans le double triangle fondamental. Deux formes réduites sont équivalentes quand les points fixes coïncident (ceci a été généralisé par Selling et Smith).22endnote: 2 Selling (1874); Smith (1877).

II Déterminants positifs.

[Uncaptioned image]

Une forme à déterminant positif est dite réduite si on a fait des substitutions telles que le cercle décrit un les deux points fixes coupe le double triangle fondamental. Si le cercle rencontre l’arc de base (ρ\rho, ρ-\rho) la réduite est dite principale (1), autrement (2) elle est dite approchée.

Le nombre des réduites d’une forme est finie.

Klein montre comment on peut les obtenir par une suite de transformations :

ω=ωμ1ω′′=1ωω′′′=ω′′μ2ωIV=1ω′′′etc.\begin{array}[]{ccccc}\omega^{\prime}=\omega-\mu_{1}&\omega^{\prime\prime}=-% \frac{1}{\omega^{\prime}}&\omega^{\prime\prime\prime}=\omega^{\prime\prime}-% \mu_{2}&\omega^{\text{IV}}=-\frac{1}{\omega^{\prime\prime\prime}}&\text{etc.}% \end{array}

Ce procédé lui permet de résoudre l’équation de Pell. (Je ne vous donne pas les conditions d’inégalité pour que l’on ait une réduite, vous devez les connaître depuis longtemps deja) (Pour l’équation de Pell voici l’exemple qu’il donne)

F=\displaystyle\qquad F=\quad 3ω2+10ω+1\displaystyle 3\omega^{2}+10\omega+1 D=22\displaystyle\qquad D=22
ω\displaystyle\omega =ω3\displaystyle=\omega^{\prime}-3 3ω28ω2\displaystyle 3\omega^{\prime 2}-8\omega^{\prime}-2
ω\displaystyle\omega =1ω1\displaystyle=-\frac{1}{\omega_{1}} 2ω12+8ω1+3\displaystyle-2\omega_{1}^{2}+8\omega_{1}+3
ω1\displaystyle\omega_{1} =ω1+4\displaystyle=\omega_{1}^{\prime}+4 8ω128ω1+3\displaystyle-8\omega_{1}^{\prime 2}-8\omega_{1}^{\prime}+3
ω1\displaystyle\omega_{1}^{\prime} =1ω2\displaystyle=-\frac{1}{\omega_{2}} etc.
ω2\displaystyle\omega_{2} =ω23\displaystyle=\omega_{2}^{\prime}-3 \displaystyle\cdots
ω2\displaystyle\omega_{2}^{\prime} =1ω3\displaystyle=-\frac{1}{\omega_{3}} \displaystyle\cdots
ω3\displaystyle\omega_{3} =ω310\displaystyle=\omega_{3}^{\prime}-10 \displaystyle\cdots
ω3\displaystyle\omega_{3}^{\prime} =1ω4\displaystyle=-\frac{1}{\omega_{4}} 3ω42+10ω4+1\displaystyle 3\omega_{4}^{2}+10\omega_{4}+1

On a donc pour la substitution qui transforme la forme FF en elle-même

ω=314131101ω4ω=407ω442126ω4+13\begin{array}[]{ccc}\omega=-3-\cfrac{1}{4-\cfrac{1}{3-\cfrac{1}{10-\cfrac{1}{% \omega_{4}}}}}&&\omega=\frac{-407\omega_{4}-42}{126\omega_{4}+13}\end{array}

dûment.

Revenant à l’équation de Pell, les formules

μ=42t=α+δ2=197\begin{array}[]{cc}\mu=42&\qquad t=\frac{\alpha+\delta}{2}=197\end{array}
197222422=1197^{2}-22\cdot 42^{2}=1

d’où 42 et 97.33endnote: 3 Read instead: “42 et 197.” Solution la plus simple. On a d’autres solutions en considérant par exemple les fractions entières

ω=(3,4,3,10,3,4,3,10,,ω4)\omega=(-3,-4,-3,-10,-3,-4,-3,-10,\dots,\omega_{4})

La valeur de la fraction illimitée est racine de l’équation F=0F=0

(A propos de ces formes Klein dit quelques mots de l’équation

aω12+2bω1+c=𝒩a\omega_{1}^{2}+2b\omega_{1}+c=\mathcal{N}

de l’emploi des parallélogrammes de côtés a\sqrt{a}, c\sqrt{c} et d’angle cosφ=bac\cos\varphi=\frac{b}{\sqrt{ac}} et dit un mot de la généralisation aux formes ternaires, renvoyant à Dirichlet et à Selling.)

Il donne enfin les caractères d’équivalence de deux substitutions hyperboliques.

Peut être que ce qui précède ne vous contentera pas ; la rédaction que j’ai eu entre les mains est très mal faite. D’autre part, il n’est pas toujours facile sans entrer dans de longs détails de donner un aperçu de la méthode géométrico algebrique de Klein. Si vous n’êtes pas satisfait ne vous gênez pas pour me le dire ; je vous renverrais alors la chose d’une façon plus explicite. Je suis en outre à votre disposition complète et prêt à vous rendre les services qu’il est en mon pouvoir de vous rendre.

Klein ne sait pas encore que je vous ai écrit. Je lui avais dit que j’avais l’intention de vous envoyer une lettre et c’est alors qu’il m’avait prié d’attendre un entretien complémentaire. Je remarque en terminant que si Klein s’étonne de ce que vous ayez donné son nom aux nouvelles fonctions «  bien qu’il n’ait fait rien autre chose que de remarquer l’existence de ces groupes  » c’est encore pour protester contre le nom de fonctions fuchsiennes, Fuchs n’ayant même pas trouvé les groupes correspondants.44endnote: 4 The citation is from Klein to Poincaré, 9 July, 1881 (§ 4-44-9).

Dès que j’aurai vu Monsieur Klein je vous écrirai de nouveau, à moins que je ne reçoive de vous auparavant une lettre.

Tout à vous,

Brunel G

Monsieur Weierstrass n’a rien publié, que je sache depuis quelque temps. Sa dernière note dans les Monatsberichte est du mois de février et relative à une lettre que Mr Tannery lui avait envoyée. Il est beaucoup occupé par la publication des Œuvres de Steiner et de Jacobi.

Schwarz publie en ce moment à Göttingen „ Formeln und Lehrsätz zum Gebrauche der elliptischen Functionen (nach Vorlesungen und Aufzeichnungen des H. Pr Weierstraß “. La publication n’est pas encore terminée.55endnote: 5 Schwarz (1885).

Pourquoi ne cherchez-vous pas des fonctions de plusieurs variables également à groupes discontinus. A ce sujet la Theorie der Transformationsgruppen de S. Lie (Math Annalen XVI 441) pourrait vous être utile.66endnote: 6 Lie (1880). On n’a pas aussi facilement de représentation géométrique quand il s’agit de fonctions de deux variables, mais qu’est ce que cela fait.

BG

*„ gleichberechtigt “ un mot que je n’ai pas encore pu traduire en français, et qui revient cependant si souvent qu’il est ennuyeux d’avoir recours à une périphrase.

ALS 4p. Private collection, Paris 75017. Edited in part by Dugac 1986, 95–96.

Time-stamp: " 7.10.2023 11:27"

Notes

  • 1 Brunel’s letter to Poincaré appears to have been accompanied by two manuscript documents in an unknown hand. One of these recopies the beginning of Poincaré (1881). The other manuscript is entitled: “Extraits du Cahier de Brunel (Cours de Klein) – Fonctions modulaires (extrait)”; see the transcription (§ 7-2-27).
  • 2 Selling (1874); Smith (1877).
  • 3 Read instead: “42 et 197.”
  • 4 The citation is from Klein to Poincaré, 9 July, 1881 (§ 4-44-9).
  • 5 Schwarz (1885).
  • 6 Lie (1880).

Références

  • P. Dugac (1986) Henri Poincaré, la correspondance avec des mathématiciens (de A à H). Cahiers du séminaire d’histoire des mathématiques 7, pp. 59–219. link1 Cited by: 4-13-3. Georges Brunel à H. Poincaré.
  • S. Lie (1880) Theorie der Transformationsgruppen. Mathematische Annalen 16, pp. 441–528. link1 Cited by: endnote 6.
  • H. Poincaré (1881) Sur les fonctions fuchsiennes. Comptes rendus hebdomadaires des séances de l’Académie des sciences de Paris 93, pp. 581–582. link1 Cited by: endnote 1.
  • H. A. Schwarz (1885) Formeln und Lehrsätze zum Gebrauche der elliptischen Functionen: Nach Vorlesungen und Aufzeichnungen des Herrn Professor K. Weierstrass. Dieterich, Göttingen. link1 Cited by: endnote 5.
  • E. Selling (1874) Ueber die binären und ternären quadratischen Formen. Journal für die reine und andgewandte Mathematik (77), pp. 143–229. link1, link2 Cited by: endnote 2.
  • H. J. S. Smith (1877) Mémoire sur les équations modulaires. Atti della Reale Accademia dei Lincei, Memorie della Classe di scienze fisiche, matematiche e naturali 3 (1), pp. 136–149. link1 Cited by: endnote 2.