2-48-12. H. Poincaré à Alfred Potier

[Ca. 01–13.01.1901]

Mon cher Confrère,

Voici les réflexions que m’inspirent vos deux exemples :

1er Exemple.

On n’a ξ=ωy\xi=-\omega y, η=ωx\eta=\omega x que dans le disque, dans l’atmosphère on a ξ=η=0\xi=\eta=0, et il y a une couche de passage où ξ\xi et η\eta varient très rapidement. Il faut tenir compte de cela.

Pour faciliter le calcul, je m’en vais encore simplifier votre exemple ; je suppose qu’au lieu d’une rotation, on ait une translation, chaque petit cylindre parallèle à l’axe des xx subit une translation dans le sens de ses génératrices. Seulement la vitesse de translation n’est pas la même pour tous les cylindres.

En d’autres termes on a :

η=ζ=0\eta=\zeta=0, ξ=f(y,z)\xi=f(y,z) indépendante de xx et de tt.

Je suppose que tout est permanent dans le temps et par rapport à xx.

Toutes les dérivées ddt\frac{d}{dt} et ddx\frac{d}{dx} sont nulles. Le champ doit alors être perpendiculaire à l’axe des xx, c’est à dire que

f=0,ϱ=dgdy+dhdz;\begin{array}[]{cc}f=0,&\varrho=\frac{dg}{dy}+\frac{dh}{dz};\end{array}

Les courants se réduisent à [f][f], [g][g], [h][h] et on trouve :

[g]=[h]=0;\displaystyle[g]=[h]=0;
[f]=d(gξ)dy+d(hξ)dzξ(dgdy+dhdz)=gdξdy+hdξdz.\displaystyle\left[f\right]=\frac{d(g\xi)}{dy}+\frac{d(h\xi)}{dz}-\xi(\frac{dg% }{dy}+\frac{dh}{dz})=g\frac{d\xi}{dy}+h\frac{d\xi}{dz}.

Supposons maintenant que tout soit de révolution autour de l’axe des xx ; on a :

y\displaystyle y =rcosφ,\displaystyle=r\cos\varphi, z\displaystyle z =rsinφ\displaystyle=r\sin\varphi
dξdy\displaystyle\frac{d\xi}{dy} =dξdrcosφ,\displaystyle=\frac{d\xi}{dr}\cos\varphi, dξdz\displaystyle\frac{d\xi}{dz} =dξdrsinφ\displaystyle=\frac{d\xi}{dr}\sin\varphi
α=0;β=Msinφ,γ=Mcosφ\begin{matrix}\alpha=0;&\beta=-M\sin\varphi,&\gamma=M\cos\varphi\end{matrix}

MM champ magnétique.

f=0;g=Ecosφ,h=Esinφ\begin{array}[]{ccc}f=0;&g=E\cos\varphi,&h=E\sin\varphi\end{array}

EE champ électrique :

[f]\displaystyle[f] =dξdr(gcosφ+hsinφ)=Edξdr\displaystyle=\frac{d\xi}{dr}(g\cos\varphi+h\sin\varphi)=E\frac{d\xi}{dr}
2πMr\displaystyle 2\pi Mr =4π2πr𝑑r[f]\displaystyle=4\pi\int 2\pi rdr[f]
Mr\displaystyle Mr =4π0rr[f]𝑑r=4πr𝑑ξE\displaystyle=4\pi\int_{0}^{r}r[f]dr=4\pi\int rd\xi E
d(Mr)dr\displaystyle\frac{d(Mr)}{dr} =4πrEdξdr.\displaystyle=4\pi rE\frac{d\xi}{dr}.

D’autre part :

d(Er)dr=rϱ.\frac{d(Er)}{dr}=r\varrho.

Telles sont les éq. qui définissent les deux champs électrique et magnétique.

En intégrant par parties, je trouve :

0rEr𝑑ξ=[Erξ]0r0rξd(Er)dr𝑑r.\int_{0}^{r}Erd\xi=[Er\xi]_{0}^{r}-\int_{0}^{r}\xi\frac{d(Er)}{dr}dr.

Si rr est assez grand pour que l’on se trouve dans l’espace qui est en repos, l’expression ErξEr\xi s’annule aux deux limites, de sorte qu’il reste :

Mr=4πξd(Er)dr𝑑r=4πrρξ𝑑r,Mr=-4\pi\int\xi\frac{d(Er)}{dr}dr=-4\pi\int r\rho\xi dr,

et nous retombons sur le courant de convection pur.

Mais il est temps d’aborder le cas de la rotation:

Posons

x=rcosθ,y=rsinθ\begin{array}[]{cc}x=r\cos\theta,&y=r\sin\theta\end{array}

et soit ω\omega la vitesse angulaire qui dépendra de rr et de zz mais pas de θ\theta ni de tt.

Nous poserons :

f=Ecosθ,g=Esinθ.\begin{array}[]{cc}f=E\cos\theta,&g=E\sin\theta.\end{array}

EE compos. du champ électrq. suivant le rayon vecteur rr l’autre compos. est hh.

De même :

α=Mcosθ,β=Msinθ.\begin{array}[]{cc}\alpha=M\cos\theta,&\beta=M\sin\theta.\end{array}

MM compos. du champ magnétq. suivant rr ; l’autre compos. est γ\gamma.

On a ensuite :

ξ=rωsinθ,η=rωcosθ,ζ=0.\begin{array}[]{ccc}\xi=-r\omega\sin\theta,&\eta=r\omega\cos\theta,&\zeta=0.% \end{array}

Les expressions qui entrent dans [F][F], etc. sont :

hηgζ\displaystyle h\eta-g\zeta =hrωcosθ=X\displaystyle=hr\omega\cos\theta=X
fζhξ\displaystyle f\zeta-h\xi =hrωsinθ=Y\displaystyle=hr\omega\sin\theta=Y
gξfη\displaystyle g\xi-f\eta =Erω=Z.\displaystyle=-Er\omega=Z.

Je trouve ensuite :

(Xdx+Ydy+Zdz)=hrω𝑑rErωdz.\int(Xdx+Ydy+Zdz)=\int hr\omega dr-Er\omega dz.

Or le 1er membre peut s’écrire :

(A+mB+nC)𝑑Ω\displaystyle\int(\ell A+mB+nC)d\Omega (Théorème de Stokes).

Remarquons que dans toutes ces expériences on observe l’effet moyen sur une aiguille aimantée (3e communication) ou bien l’effet d’induction sur un circuit interrompu de temps en temps (1re communication).11endnote: 1 1re communication : Crémieu 1900a. 3e communication : Crémieu 1900b. Mais dans ce dernier cas, les interruptions se font à des intervalles de temps qui n’ont aucun rapport avec la période de la rotation, de sorte que cela revient encore au même ; l’effet moyen des courants de conduction qui peuvent régner dans la partie fixe demeure nul.

C’est pourquoi j’avais demandé à Crémieu au mois de juillet dernier de monter l’expérience suivante :

[Uncaptioned image]

les parties dorées sont couvertes de hachures, elles sont soit au sol, soit à la source par leur centre. Lorsque le diamètre ABA^{\prime}B^{\prime} du disque mobile coïncide avec le diamètre ABAB du disque fixe, les parties dorées sont en regard et forment condensateur. Mais l’angle du secteur doré mobile est un peu plus petit que celui du secteur doré fixe. Le secteur doré mobile prend donc une charge ++, et le secteur doré fixe prend une charge - mais seulement en face du secteur mobile. La charge ++ du 1er se transporte par convection, la charge - du 2d se transporte parallèlement par conduction.

Donc si le courant de conduction agit et que le courant de convection n’agisse pas il y aura un champ ; si les deux courants agissent, il n’y en aura pas.

Dans la position inverse, lorsque ABA^{\prime}B^{\prime} coïncidera avec BABA, les deux secteurs n’étant pas en face l’un de l’autre ne prendront qu’une charge insignifiante, et il n’y aura pas de champ.

Prenons la disposition de la 1re communication, et supposons qu’on interrompe le circuit du galvanomètre dans la 1re position par exemple, et qu’on le rétablisse dans la 2de. Alors il y aura un effet si un seul des deux courants agit (idées de M. Crémieu) et il n’y en aura pas s’ils agissent tous deux (idées anciennes).

Seulement pour cela il faut que l’interruption soit synchrone de la rotation du disque. La construction de l’interrupteur synchrone pourra présenter des difficultés, mais M. Crémieu espère en triompher.

Seulement la 1re chose à faire était de reprendre et de varier l’expérience de Rowland proprement dite (3e communication). C’est ce qu’il fait dans ce moment.

Pardonnez moi la longueur de ma lettre et croyez à mes sentiments les plus dévoués,

Poincaré

ALS 7p. Collection particulière, Paris 75017. Lettre transcrite dans Poincaré & Potier (1902, 90–92), et rééditée dans Petiau, dir. (1954, 432–435).

Time-stamp: " 3.05.2019 01:46"

Notes

  • 1 1re communication : Crémieu 1900a. 3e communication : Crémieu 1900b.

Références

  • V. Crémieu (1900a) Recherches sur l’existence du champ magnétique produit par le mouvement d’un corps électrisé. Comptes rendus hebdomadaires des séances de l’Académie des sciences de Paris 130, pp. 1544–1549. link1 Cited by: endnote 1.
  • V. Crémieu (1900b) Sur les expériences de M. Rowland relatives à l’effet magnétique de la ‘convection électrique’. Comptes rendus hebdomadaires des séances de l’Académie des sciences de Paris 131, pp. 797–800. link1 Cited by: endnote 1.
  • G. Petiau (Ed.) (1954) Œuvres d’Henri Poincaré, Volume 10. Gauthier-Villars, Paris. link1 Cited by: 2-48-12. H. Poincaré à Alfred Potier.
  • H. Poincaré and A. Potier (1902) Sur les expériences de M. Crémieu et une objection de M. Wilson. Éclairage électrique 31, pp. 83–93. link1 Cited by: 2-48-12. H. Poincaré à Alfred Potier.