7-2-40. Felix Klein à H. Poincaré, traduction française

Leipzig, le 7 mai 1882

Sophienstraße 10

Cher Monsieur,

Il y a peu, j’ai lu votre Note dans les Comptes rendus du 10 avril 1882.11endnote: 1 Poincaré (1882); Nörlund and Lebon (1916, 41–43). Elle m’a d’autant plus intéressée que, je crois, vos considérations actuelles se rapprochent des miennes, même quant à la méthode. Je démontre mes deux théorèmes à l’aide de la continuité en m’appuyant sur les deux lemmes suivants : 1) à tout groupe discontinu appartient une surface de Riemann et 2) à une surface de Riemann convenablement découpée ne peut appartenir jamais* qu’un seul de ces groupes (dans la mesure même où elle appartient à un groupe).

Jusqu’à présent, je n’ai pas du tout pris en considération les développements en série tels que vous les établissez. Comment démontrez-vous en effet l’existence du nombre mm pour lequel 1(γiη+δi)m\sum\frac{1}{(\gamma_{i}\eta+\delta_{i})^{m}} converge absolument ? Et avez-vous pour celui-ci une borne inférieure exacte ou approximative ?

Moi-même entre-temps, j’ai donné une forme encore plus générale aux théorèmes considérés, et je vous écris de nouveau à ce sujet, car la rédaction d’une note pour les Annalen se fera attendre ; pour le moment, j’ai trop peu de temps pour la faire. Dans le cas de mon premier théorème, toute la sphère η\eta, à l’exception d’une infinité de points, sera recouverte par des images du recouvrement du domaine fondamental. Dans le cas du second théorème, l’intérieur d’une surface circulaire, et d’une seule, n’est pas recouvert. Maintenant j’ai établi l’existence des représentations (qui existent toujours aussi, pour les surfaces de Riemann déterminées, de façon unique) qui exclue une infinité de surfaces circulaires. Dans cette direction, je formule ici seulement les théorème le plus simple (dans lequel je suppose essentiellement une représentation sans ramifications de la surface de Riemann. Soit p=μ1+μ2++μmp=\mu_{1}+\mu_{2}+\ldots+\mu_{m}, où d’abord aucun des μ=1\mu=1 n’ait lieu. Prenons sur la surface de Riemann mm points O1O_{1}, …, OmO_{m}, effectuons à partir de O1O_{1}, de la même manière connue, 2μ12\mu_{1} coupures transversales A1A_{1}, B1B_{1}; A2A_{2}, B2B_{2}; …Aμ1A_{\mu 1}, Bμ1B_{\mu 1}; de O2O_{2} 2μ22\mu_{2} coupures transversales, etc. D’autre part, on construit sur la η\eta-sphère mm cercles disjoints et à l’intérieur de l’espace limité par ces derniers un polygone à arcs circulaires qui est limité par 4μ14\mu_{1} cercles normaux au premier cercle fondamental, puis ensuite 4μ24\mu_{2} cercles qui sont normaux au deuxième cercle fondamental, etc. (ainsi un polygone à arcs circulaires est mm-fois connexe). Les cercles limites seront ordonnés ensemble par couples dans l’ordre connu A1A_{1}, B1B_{1}, A11A_{1}^{-1}, B11B_{1}^{-1}, A2A_{2}, B2B_{2} …, à savoir par des substitutions linéaires de η\eta, qui laissent chaque fois invariant le cercle fondamental. Supposons, en outre, que le produit des substitutions linéaires correspondantes, à savoir par exemple A1B1A11B11Aμ11Bμ11A_{1}B_{1}A_{1}^{-1}B_{1}^{-1}\ldots A_{\mu 1}^{-1}B_{\mu 1}^{-1} soit toujours égal à l’identité. Alors il existe toujours une fonction analytique, et une seule, qui applique la surface de Riemann découpée sur un polygone à arcs circulaires de cette façon. Le cas où un des μ\mu est égal à 1 ne diffère que par le fait que le cercle fondamental correspondant se réduit à un point et que les substitutions linéaires correspondantes se transforment en “paraboliques”, qui laissent fixe ce point. Donc assez pour aujourd’hui. Serait-il possible d’obtenir une collection complète des tirés à part de vos travaux à ce sujet ? Je dois commencer, après Pentecôte, dans mon séminaire, une série de conférences sur les fonctions uniformes à transformations linéaires en soi et je souhaiterais pouvoir, si cela est possible, mettre à la disposition de mes auditeurs une telle collection.

Bien cordialement votre,

F. Klein

* c’est-à-dire, sujette aux conditions du théorème en question.

PTrL. Traduction par S.A. Walter de l’allemand (§ 4-47-21). Traduit également par F. Poincaré dans Dugac (1989, 113–114). Voir aussi la traduction anglaise (§ 7-2-66), et la réponse de Poincaré (§ 4-47-22).

Time-stamp: " 6.05.2021 00:34"

Notes

  • 1 Poincaré (1882); Nörlund and Lebon (1916, 41–43).

Références

  • P. Dugac (1989) Henri Poincaré, la correspondance avec des mathématiciens (de J à Z). Cahiers du séminaire d’histoire des mathématiques 10, pp. 83–229. link1 Cited by: 7-2-40. Felix Klein à H. Poincaré, traduction française.
  • N. E. Nörlund and E. Lebon (Eds.) (1916) Œuvres d’Henri Poincaré, Volume 2. Gauthier-Villars, Paris. link1 Cited by: endnote 1.
  • H. Poincaré (1882) Sur les fonctions fuchsiennes. Comptes rendus hebdomadaires des séances de l’Académie des sciences de Paris 94, pp. 1038–1040. link1 Cited by: endnote 1.