2-38-4. H. Poincaré à Hendrik Antoon Lorentz

[Ca. 05.1905]

Mon cher Collègue,

Merci de votre aimable lettre.11endnote: 1 La lettre de Lorentz nous manque. Depuis que je vous ai écrit mes idées se sont modifiées sur quelques points. Je trouve comme vous =1\ell=1 par une autre voie.

Soit ε-\varepsilon la vitesse de translation celle de la lumière étant prise pour unité.

k=(1ε2)12k=(1-\varepsilon^{2})^{-\frac{1}{2}}

On a la transformation

x=k(x+εt),t=k(t+εx)\displaystyle x^{\prime}=k\ell(x+\varepsilon t),\qquad t^{\prime}=k\ell(t+% \varepsilon x)
y=y,z=z\displaystyle y^{\prime}=\ell y,\qquad z^{\prime}=\ell z

Ces transformations forment un groupe. Soient deux transformations composantes correspondant à

k,,εk,\quad\ell,\quad\varepsilon

et

k,,εk^{\prime},\quad\ell^{\prime},\quad\varepsilon^{\prime}

leur résultante correspondra à

k′′,′′,ε′′k^{\prime\prime},\qquad\ell^{\prime\prime},\qquad\varepsilon^{\prime\prime}

où :

k′′=(1ε′′2)12,′′=,ε′′=ε+ε1+εεk^{\prime\prime}=(1-{\varepsilon^{\prime\prime}}^{2})^{-\frac{1}{2}},\qquad% \ell^{\prime\prime}=\ell\ell^{\prime},\qquad\varepsilon^{\prime\prime}=\frac{% \varepsilon+\varepsilon^{\prime}}{1+\varepsilon\varepsilon^{\prime}}

Si nous voulons maintenant prendre :

=(1ε2)m,=(1ε2)m\ell=(1-\varepsilon^{2})^{m},\qquad\ell^{\prime}=(1-{\varepsilon^{\prime}}^{2}% )^{m}

nous n’aurons :

′′=(1ε′′2)m\ell^{\prime\prime}=(1-{\varepsilon^{\prime\prime}}^{2})^{m}

que pour m=0m=0.22endnote: 2 Poincaré (1906, § 4) démontrera la valeur de \ell par une méthode semblable. Il en proposera alors une deuxième démonstration, dans laquelle toute transformation du groupe peut être regardée comme une rotation, suivie par une transformation de la forme x=k(x+εt),y=y,z=z,t=k(t+εx),x^{\prime}=k\ell(x+\varepsilon t),\quad y^{\prime}=\ell y,\quad z^{\prime}=% \ell z,\quad t^{\prime}=k\ell(t+\varepsilon x), suivie par une rotation. Sur cette démonstration, voir Zahar (1989, 188–192).

D’un autre côté je ne trouve d’accord entre le calcul des masses par le moyen des quantités de mouvement électromagnétique et par le moyen de la moindre action, et par le moyen de l’énergie que dans l’hypothèse de Langevin.33endnote: 3 Une contradiction dans la valeur de la masse de l’électron déformable de Lorentz avait été signalée par Max Abraham (1904), comme l’observe McCormmach (1970, 51n26). Alors que Poincaré ne parle ici que du modèle d’électron de Langevin, il comparera bientôt les modèles de Max Abraham, d’Alfred H. Bucherer et Paul Langevin, et de Lorentz, et trouvera (Poincaré 1906, § 6) que si toutes les forces sont d’origine électromagnétique, les modèles d’Abraham et de Bucherer-Langevin sont cohérents, mais celui de Lorentz ne l’est pas. A ce propos, voir aussi Poincaré à Lorentz (§ 2-38-5), Miller (1973), Janssen & Mecklenburg (2006), et Walter (2007).

J’espère tirer bientôt au clair cette contradiction, je vous tiendrai au courant de mes efforts.44endnote: 4 Poincaré présente ses résultats (Poincaré 1905) à l’Académie des sciences le 5 juin, 1905; ses démonstrations seront publiées dans les Rendiconti del Circolo mathematico di Palermo en janvier 1906 (Poincaré 1906).

Votre bien dévoué Collègue,

Poincaré

ALS 2p. H.A. Lorentz papers, inv. nr. 62, Noord-Hollands Archief. Reproduite dans A.I. Miller (1980, 79–80).

Time-stamp: "19.04.2020 12:15"

Notes

  • 1 La lettre de Lorentz nous manque.
  • 2 Poincaré (1906, § 4) démontrera la valeur de \ell par une méthode semblable. Il en proposera alors une deuxième démonstration, dans laquelle toute transformation du groupe peut être regardée comme une rotation, suivie par une transformation de la forme x=k(x+εt),y=y,z=z,t=k(t+εx),x^{\prime}=k\ell(x+\varepsilon t),\quad y^{\prime}=\ell y,\quad z^{\prime}=% \ell z,\quad t^{\prime}=k\ell(t+\varepsilon x), suivie par une rotation. Sur cette démonstration, voir Zahar (1989, 188–192).
  • 3 Une contradiction dans la valeur de la masse de l’électron déformable de Lorentz avait été signalée par Max Abraham (1904), comme l’observe McCormmach (1970, 51n26). Alors que Poincaré ne parle ici que du modèle d’électron de Langevin, il comparera bientôt les modèles de Max Abraham, d’Alfred H. Bucherer et Paul Langevin, et de Lorentz, et trouvera (Poincaré 1906, § 6) que si toutes les forces sont d’origine électromagnétique, les modèles d’Abraham et de Bucherer-Langevin sont cohérents, mais celui de Lorentz ne l’est pas. A ce propos, voir aussi Poincaré à Lorentz (§ 2-38-5), Miller (1973), Janssen & Mecklenburg (2006), et Walter (2007).
  • 4 Poincaré présente ses résultats (Poincaré 1905) à l’Académie des sciences le 5 juin, 1905; ses démonstrations seront publiées dans les Rendiconti del Circolo mathematico di Palermo en janvier 1906 (Poincaré 1906).

Références