1-1-13. Gösta Mittag-Leffler à H. Poincaré

Stockholm 29 / 3 1882

Mon cher ami,

J’ai à vous remercier des deux lettres11endnote: 1 Ces deux lettres sont perdues. et de l’envoi de votre mémoire dans les Mathematische Annalen.22endnote: 2 Poincaré 1882a; Nörlund & Lebon 1916, 92–105. Dans cet article, Poincaré, à l’invitation de Klein, résume les principaux résultats de sa théorie des fonctions fuchsiennes. Il est suivi d’une note de Klein (Klein 1882; Nörlund & Lebon 1916, 104–105) au sujet des dénominations “fuchsiennes et kleinéennes” adoptées par Poincaré. J’ai parcouru votre mémoire sans avoir eu le temps de l’étudier au fond pourtant. J’ai guère besoin de vous dire que je suis frappé de la plus grande admiration de votre génie et de la beauté des résultats que vous avez obtenu[s]. Je ne crois que je me trompe quand je vous assure que vos découvertes feront la concurrence avec celles d’Abel et que vos fonctions sont les plus remarquables qui ont été trouvé[es] d’après les fonctions elliptiques.33endnote: 3 Voir (§ 1-1-11). Mais certainement que Monsieur Klein a raison que vous avez tort d’appeler vos fonctions, fonctions Fuchsiennes et Kleinéennes. Elles doivent porter le nom des fonctions de Poincaré.44endnote: 4 La polémique assez vive entre Poincaré et Klein au sujet de ces dénominations est la partie apparente de leur concurrence scientifique. Le prétexte invoqué par Klein était la sous-estimation par Poincaré des travaux de Dedekind et surtout de Schwarz. Dans sa lettre adressée à Poincaré le 19 juin 1881, il souligne l’importance de ceux-ci (§ 4-47-3). Mittag-Leffler avait déjà abordé la question de la dénomination des nouvelles fonctions de Poincaré dans sa lettre à Hermite du 20 août 1881 : “Pour les fonctions Fuchsiennes je trouve qu’il a eu raison parce que les grands mérites de M. Fuchs sont incontestables. Pour les fonctions Kleinéennes qui ont donné lieu à ce nom fonctions Kleinéennes,elles sont guère d’une grande importance pour mériter l’honneur d’un nom spécial dans l’Analyse.” (AS) Mittag-Leffler reviendra sur la question de l’appellation des fonctions kleinéennes dans une lettre à Hermite du 3 août 1882 dans laquelle il fait part de l’opinion de Weierstrass au sujet de la querelle Klein-Poincaré : “[…] [Weierstrass] trouve que Poincaré a parfaitement raison. La seule chose qu’il ne paraissait pas approuver c’était le nom "fonctions Kleinéennes". Et c’est vrai que le nom est drôle. M. Poincaré l’avait introduit à cause d’une lettre de M. Klein où M. Klein lui communiquait des certaines choses. Mais ces choses n’étaient pas de Klein. Elles étaient de M. Schottky ce que M. Klein avait oublié de dire. Je tiens cette histoire de M. Klein lui-même.” (AS) Le point de vue de Poincaré est défendu avec vigueur dans sa réponse (Poincaré 1882b; Nörlund & Lebon 1916, 106–107) au commentaire que Klein fait à la suite de l’article de Poincaré paru dans les Mathematische Annalen (Poincaré 1882a; Nörlund & Lebon 1916, 92–105). C’est le seul nom qui est juste et raisonnable. Si je parviendrai une fois de travailler sur ce champ fertile que vous avez ouvert à l’analyse je tacherai d’introduire ce nom au lieu de vos noms. Je vous prie de m’excuser en avance mais je ne pourrai]s[ faire autrement. Voulez vous me faire la service de me dire où je trouverai les publications de Fuchs et de Klein qui vous ont amené d’appeler vos fonctions après eux ?55endnote: 5 Poincaré a toujours considéré le mémoire Über eine Classe von Functionen mehrerer Variabeln, welche durch Umkehrung der Integrale von Lösungen der linearen Differentialgleichungen mit rationalen Koeffizienten entstehen (Fuchs 1880, 1906, 191–212) comme ayant inspiré sa théorie des fonctions fuchsiennes. Dans son mémoire (Poincaré 1923; Appell & Drach 1928, 336–373) présenté en 1880 pour le Grand prix des sciences mathématiques de l’Académie des sciences, Poincaré fait une analyse du mémoire de Fuchs et montre que les conditions énoncées, pour que l’inverse du quotient de deux solutions d’une équation différentielle du second ordre soit méromorphe, ne sont pas suffisantes. Il reprend l’analyse de Fuchs en approfondissant les cas où l’intégration de l’équation se fait avec des fonctions doublement périodiques et ceux où l’équation admet deux points singuliers à distance finie. L’étude de ces exemples contient en germe la méthode qu’utilisera Poincaré dans l’élaboration définitive de sa théorie (voir § 1-1-3). Dans sa lettre du 12 juin 1880, Poincaré informe Fuchs de ses travaux : “Dans le cas où ces points singuliers ne sont qu’au nombre de deux je trouve que la fonction que vous avez définie jouit de propriétés fort remarquables et comme j’ai l’intention de publier les résultats que j’ai obtenus, je vous demande la permission de lui donner le nom de fonction Fuchsienne puisque c’est vous qui l’avez découverte.” (Poincaré 1921, 178; Julia & Pétiau 1956, 18) Dans sa réponse (Poincaré 1882b; Nörlund & Lebon 1916, 106–107) à la note de Klein (Klein 1882; Nörlund & Lebon 1916, 104–105), il précise sans ambiguité les raisons qui justifient à ses yeux ses appellations : “Mais il ne m’était pas possible d’oublier les découvertes si remarquables que le savant professeur d’Heidelberg a publiées dans le Journal de Crelle. Elles sont le fondement de la théorie des équations linéaires et, sans elles, je n’aurais pu aborder l’étude de mes transcendantes qui se lient si facilement à cette théorie. […] Quant à M. Fuchs, dans ses mémoires des Tomes 83 et 89 du Journal de Crelle, il s’est élevé à un point de vue nouveau et a mis en lumière le lien étroit qui unit la théorie des équations différentielles à celles de certaines équations uniformes. Ce fut la lecture de ces mémoires qui devint le point de départ de mes recherches. En ce qui concerne les fonctions kleinéennes, j’aurai cru commettre une injustice si je leur avais donné un autre nom que le vôtre. C’est M. Schottky qui a découvert la figure qui faisait l’objet de votre lettre, mais c’est vous qui avez ‘ihre prinzipielle Wichtigkeit betont’ ; comme vous le dites à la fin de votre savant travail : ‘Über eindeutige Funktionen mit linearen Transformationen in sich’.” (Poincaré 1882b, 622–626; Nörlund & Lebon 1916, 106–107) Dites-moi aussi, je vous en prie, où M. Fuchs a publié son dernier article contre M. Klein. 66endnote: 6 L. Fuchs 1882, R. Fuchs & Schlesinger 1906, 285–287. Poincaré, dans les lettres manquantes, a dû faire état de la lettre datée du 4 mars 1882 que Fuchs venait de lui envoyer et dans laquelle il annonçait qu’il allait répliquer à la note de Klein (Klein 1882, Nörlund & Lebon 1916, 104–105) commentant l’article de Poincaré (Poincaré 1882a; Nörlund & Lebon 1916, 92–105) paru dans les Mathematische Annalen. Dans cette note, Klein affirme entre autre que Fuchs n’a rien publié sur le sujet : “Einmal nämlich bewegen sich alle die Untersuchungen, welche Hr. Schwarz und ich in der betreffenden Richtung bislang veröffentlich haben, auf dem Gebiete der ‘fonctions fuchsiennes’, über die Hr. Fuchs selbst nirgends publicirt hat.” (Klein 1882; Nörlund & Lebon 1916, 104) Dans sa lettre à Poincaré datée du 4 mars, Fuchs exprime son indignation et annonce qu’il a rédigé une note pour répondre à Klein : “Mais dans sa note, [Klein] a aussi osé de faire une assertion qui répugne à la vérité. Il dit que je n’ai publié en aucun lieu un mémoire concernant les fonctions qui se reproduisent par des substitutions linéaires. C’est pourquoi je crois le devoir à la dignité de la science, et aussi à vous, Monsieur, de témoigner publiquement que l’assertion de M. Klein n’est pas vraie.” (Fuchs à Poincaré, reproduite dans Académie des sciences 1955, 275–276) Dans sa note aux Nachrichten datée elle-aussi du 4 mars, Fuchs cite un certain nombre de ses travaux (L. Fuchs 1877, 1880, 1876), en commente rapidement les résultats et rappelle que Klein lui-même en a souligné l’importance. En particulier dans le second de ceux-ci Fuchs rappelle qu’il étudie la variable comme une fonction du quotient de deux solutions indépendantes et que le troisième a été commenté par Klein lui-même dans les Mathematische Annalen (Klein 1877) : “In derselben bemerkt Herr Klein, dass er durch das Studium meiner unter 3. erwähnten Arbeit zu seinen Entwicklungen veranlasst worden sei.” (L. Fuchs 1882; R. Fuchs 1906, 287) Klein répond, dans sa lettre adressée à Poincaré le 3 avril 1882, aux arguments avancés par Fuchs en considérant que les deux premiers articles ne concernent pas directement le sujet et qu’en aucun cas les méthodes de Fuchs n’ont influencé ses propres recherches (§ 4-47-18). Fuchs m’envoi[e] en général tout ce qu’il écrit mais je n’ai rien reçu sur ce sujet.

Et maintenant j’ai une proposition à vous faire et une prière à vous adresser. Nous, les mathématiciens dans les pays scandinaves, ont le projet de publier un nouvel journal mathématique d’après le modèle du journal de Crelle.77endnote: 7 Mittag-leffler signale dans l’annonce de la mort de Lie publiée dans les Acta mathematica 22 que l’idée de créer un journal de mathématiques dans les pays scandinaves lui revenait : “Sophus Lie appartient à la rédaction de ce journal depuis sa fondation à la fin de l’année 1882. C’était bien lui qui avait le premier compris que l’époque était venue d’éditer un grand journal mathématique scandinave. C’est lui qui dans une entrevue que nous eûmes à Stockholm au printemps de 1882 me proposa de tenter cette entreprise et de la diriger moi-même comme rédacteur en chef du nouveau journal.” (Mittag-Leffler 1899, I) On m’a demandé de devenir l’éditeur principal. Les autres éditeurs seront Malmsten et Gyldén en Suède, Broch, Bjerknes, Lie et Sylow en Norvège, Lorenz et Zeuthen au Danemark et Lindelöf en Finlande.88endnote: 8 A la requête de Lie, Malmsten et Zeuthen, Mittag-Leffler ajoutera au comité éditorial du nouveau journal, Backlund, Daug, Holmgren et Petersen (Domar 1982, 5). Le journal sera publié en français et en allemand mais surtout en français. Je vous prie à garder cette confiance strictement à vous seul pour quelques temps encore.99endnote: 9 Lire plutôt “Je vous prie à garder cette confidence …”. Vous savez que c’est Abel, un norvégien, qui a fait surtout le succès du journal de Crelle.1010endnote: 10 Abel a publié la plupart de ses principaux mémoires dans les 4 premiers tomes du Journal für die reine und angewandte Mathematik (6 notes ou articles dans le tome 1 (1826), 3 dans le tome 2 (1827), 4 dans le tome 4 (1828) et 4 dans le tome 4 (1829)). En particulier, ses mémoires fondamentaux sur la théorie des fonctions elliptiques (Recherches sur les fonctions elliptiques, Précis d’une théorie des fonctions elliptiques,…) et des extraits de celui sur les intégrales de différentielles algébriques (appelées depuis intégrales abéliennes), dans lequel il expose son théorème d’addition, (Remarques sur quelques propriétés générales d’une certaine sorte de fonctions transcendantes, Démonstration d’une propriété générale d’une certaine classe de fonctions transcendantes), sont publiés dans ce journal et ont contribué de manière essentielle à son succès. La rencontre entre Abel et Crelle fut remarquée par Holst, selon Paul Mansion (1902, 605): “Ce qui fut un vrai bonheur pour Abel, ce sont les relations qu’il noua à Berlin avec Crelle, homme excellent qui accueillit le jeune géomètre dans sa maison, l’encouragea de toute manière et devint pour lui un ami absolument dévoué. La rencontre d’Abel avec Crelle, dit M. Holst, fut pour tous deux le grand événement de leur vie et c’est dans leur première entrevue que furent jetées les bases du Journal für die reine und angewandte Mathematik.” Maintenant nous avons pensé M. Gyldén et moi que vous, un français, serez peut-être assez généreux pour vouloir faire le succès de notre journal.1111endnote: 11 La même idée que la participation de Poincaré serait une garantie de succès pour les débuts du nouveau journal est exprimée de la même manière dans une lettre de Mittag-Leffler à Malmsten datée du mois de mars 1882 (Domar 1982, 5). Voudriez vous nous donner votre mémoire “Sur les groupes fuchsiens” pour être publié le premier mémoire dans le journal.1212endnote: 12 Poincaré a annoncé que les démonstrations des théorèmes, cités dans l’article Sur les fonctions uniformes qui se reproduisent par des substitutions linéaires publié aux Mathematische Annalen, seraient “publiées prochainement dans un travail de longue haleine”. D’autre part, dans les lettres perdues (voir note 1), Poincaré a dû répondre à Mittag-Leffler qui lui demandait de rédiger sa théorie des fonctions fuchsiennes (voir § 1-1-11) et lui annoncer la rédaction du premier mémoire consacré à ce sujet. On peut donc penser que le mémoire sur les groupes fuchsiens a été rédigé au premier trimestre de 1882 (voir § 1-1-14, notes). Il sera publié tout de suite et vous recevrez tant de tirages à part que vous désirez et sitôt que possible. Le premier numéro du journal paraitra au commencement de l’année 831313endnote: 13 Le premier fascicule des Acta mathematica sera imprimé début décembre 1882. Mittag-Leffler en présentera la première copie au roi Oscar à la mi-décembre 1882 (Domar 1982, 8) : “Avant hier j’ai été chez sa Majesté pour lui offrir le premier exemplaire du premier fascicule de notre journal. Mais c’est seulement aujourd’hui que je puisse vous envoyer des exemplaires. Je n’ai reçu d’autres que celui qui était destiné à sa Majesté auparavant. Je vous envoye d’abord deux exemplaires dont l’un pour l’institut. Le roi a été extrêmement gracieux. Je lui ai donné la lecture de votre dépêche et d’une partie de votre lettre. Il m’a prié de vous rappeler votre promesse de faire imprimer dans les Comptes rendus ainsi que dans les publications mathématiques de la France quelques mots sur le Journal. Pour le Bulletin [des Sciences Mathématiques], Monsieur Tannery m’a promis de dire quelques mots. Pour les autres journaux ou publications, vous avez bien voulu prendre la peine d’arranger l’affaire.” (Mittag-Leffler à Hermite, le 14 décembre 1882, AS) Dans une lettre adressée à Weierstrass, datée du 15 décembre, Mittag-Leffler évoque aussi sa visite chez le roi : “Ich habe gestern das erste Exemplar des ersten Heftes der neuen Zeitschrift dem König übergeben.” (IML) mais vous pouvez distribuer votre tirage à part quand vous désirez. Est-ce-que vous nous donneriez les quatre mémoires suivants aussi ?1414endnote: 14 Dans les lettres perdues, outre l’annonce de la rédaction de son premier mémoire sur les groupes fuchsiens (voir note 12), Poincaré a dû informer Mittag-Leffler de son projet d’organiser la rédaction de son travail en cinq mémoires (voir § 1-1-14, notes). Je sais parfaitement que ma proposition est bien prétentieux, mais pensez-y que les pays scandinaves et surtout les suédois sont les amis les plus chaud]e[s de la France et qu’il ne peut nullement être regardé comme une trahison contre votre patrie que vous publiez chez nous. Vous auriez du reste comme collègues les premiers géomètres de la France et de l’Allemagne. Je ne doute pas qu’en France M. Hermite en premier lieu et après Messieurs Picard et Appel[l] seront de nos collaborateurs.1515endnote: 15 Mittag-Leffler ne recevra en fait confirmation du soutien actif de Picard que le 18 avril 1882, par l’intermédiaire d’Hermite : “M. Appell a été toute la semaine absent de Paris et je n’ai pu encore m’entretenir avec lui de votre grand projet, mais M. Picard me charge de vous exprimer sa plus vive sympathie pour l’entreprise et de vous donner l’assurance de son active collaboration.” (Dugac 1984, 155) En Allemagne, en Italie et en Russie les meilleurs auteurs nous enverront des articles.1616endnote: 16 Mittag-Leffler réussira au-delà de toute espérance à fonder un journal international réputé. Dans le tome 10, la rédaction des Acta mathematica donne des résultats statistiques sur ses auteurs : “Le cahier 1:1 a paru en décembre 1882, le cahier 10:4 le 30 novembre 1887. Les dix tomes publiés ont contenu en tout 162 mémoires ou notes dont 95 (embrassant 2382 pages) sont rédigés en français, 66 (embrassant 1561 pages) en allemand et 1 (embrassant 36 pages) en anglais.” La répartition des auteurs d’après leur nationalité donne pour résultat la table suivante : Nombre d’auteurs Nombre de mémoires nombre de pages % suédois 11 19 510 12,8 norvégiens 2 2 56 1,4 danois 4 5 137 3,4 finlandais 3 8 133 3,3 français 16 42,5 1594 40,1 allemands 28 64,5 1220 30,7 italiens 4 6 92 2,3 suisses 2 2 88 2,2 russes 3 4 45 1,1 néerlandais 1 5 38 1,0 américains 1 1 36 0,9 belges 1 2 28 0,7 autrichien 1 1 2 0,1 Total 77 162 3979 100,0 (Acta mathematica, 10 (1887), p. 352) Il sera aussi une convention entre les éditeurs scandinaves de toujours publier leurs meilleures choses dans le journal.

Je vous prie de ne dire rien à personne encore sur notre projet parce que la réalisation de ce projet dépend de vous.1717endnote: 17 Voir (§ 1-1-14). Si vous refusez je suis de l’avis que nous devons attendre deux ou trois ans encore. Entre nous c’est incontestable que notre journal fera un peu la concurrence avec le journal de Weierstrass et Kronecker1818endnote: 18 Il s’agit du Journal für die reine und angewandte Mathematik dirigé, depuis la mort de Borchardt en 1880, par Kronecker et Weierstrass. et c’est une chose que je n’aimerais pas quand Weierstrass est encore à la tête de ce journal.1919endnote: 19 Weierstrass ne publiera aucun mémoire original aux Acta mathematica. Une traduction en français de son mémoire sur la théorie des fonctions elliptiques paraîtra dans le tome 6 de la revue. Il n’en soutiendra pas moins l’initiative de Mittag-Leffler et lui écrira, trois ans après la création des Acta : “Es drängt mich, zugleich der Befriedigung Ausdruck zu geben, mit der ich den erfreulichen Fortgang Ihres Unternehmens begleite. Vielleicht wäre es verzeihlich, wenn ich als Mitherausgeber der ältesten von den gegenwärtig existierenden mathematischen Zeitschrifften eine Anwandlung von Neid darüber empfände, dass es Ihnen gelungen ist, von Anfang an für die Acta so viele altbewährte Meister und junge, aufstrebende Talente als Mitarbeiter zu gewinnen, und zwar nicht bloss aus den skandinavischen Ländern, sondern auch aus Deutschland, Frankreich, Italien. Es ist mein Wunsch und meine Hoffnung, dass die Acta auch fernerhin mit ebenso glänzendem Erfolge, wie bis jetzt, ein internationales Organ für die Fortenwicklung unserer Wissenschaft, der am meisten kosmopolitischen von allen, bleiben mögen.” (Nörlund 1927, III) C’est seulement l’avantage énorme de pouvoir publier vos découvertes qui pourrait m’y décider.

Le premier éditeur de la Suède fera imprimer le journal. On formera une association de quelques riches gens en Suède qui payeront la perte économique qu’on aura possiblement pendant les premièr[e]s cinq années.2020endnote: 20 En avril 1882, Mittag-Leffler et Malmsten rédigeront une annonce pour collecter des fonds auprès d’éventuels mécènes scandinaves. Le roi Oscar affirmera publiquement son soutien à l’entreprise en souscrivant personnellement 1500 couronnes. La souscription réunira 26 000 couronnes ce qui, avec la subvention annuelle des gouvernements du Danemark, de Norvège et de Suède, permettait de financer au moins cinq volumes. Hermite participera à la souscription en donnant 1000 francs, c’est à dire 720 couronnes (Domar 1982, 6).Je n’ai rien voulu faire pour former cette association avant d’avoir reçu votre réponse.

Peut-être que vous avez donné déjà votre premier mémoire au journal de l’école polytechnique et que vous ne voulez pas le reprendre. Est-ce-que vous ne voulez admettre dans ce cas qu’il sera publié en même temps chez nous et en France ?

J’irai en Finlande me marier au milieu du mois de Mai.2121endnote: 21 En mai 1882, Mittag-Leffler épouse Signe Lindfors (1861-1921) qu’il avait rencontrée lorsqu’il était en poste à Helsingfors (Helsinki). Une grande partie de la fortune de Mittag-Leffler provient de son mariage : “Mittag-Leffler’s wealth was based on the fortune of Signe’s grandfather, Henrik Borgström, a Helsingfors tobacco businessman whose only child, Emilia, married the Finnish general Julius av Lindfors. Signe, being the only child of this marriage, received the whole of the fortune founded on Borgström’s commercial success. Mittag-Leffler used this money at once to found Acta Mathematica in 1882, and from then until the end of his life he remained its editor and lived in Stockholm.” (Grattan-Guinness 1971, 363–364)

Après nous irons directement à Paris où j’espère d’avoir le bonheur de faire votre connaissance personnelle.2222endnote: 22 Mittag-Leffler avait annoncé, l’été précédent, son mariage avec Mlle Lindfors à Hermite et prévu sa visite en France. Dans sa lettre du 27.09.1881, Hermite se réjouit de la prochaine visite de Mittag-Leffler et de sa future épouse : “Veuillez faire savoir à votre chère fiancée que nous serons on ne peut plus heureux de vous voir après votre mariage, nous accueillons avec joie l’espérance de votre voyage en France, […].” (Dugac 1984, 131) Mittag-Leffler évoque rapidement sa présence en France au printemps 1882 dans son article biographique sur Kovalevskaya et Weierstrass : “J’avais visité Paris au printemps 1882 […].” (Mittag-Leffler 1923, 183) Si le projet du journal se réalisera nous ferons un peu la tournée de l’Europe pour que je puisse m’entendre avec les géomètres étrangers.2323endnote: 23 Mittag-Leffler et son épouse feront le tour de l’Europe mathématique à l’occasion de leur voyage de noces. Dans sa lettre adressée à Kovalevskaya le 8 août 1882, Weierstrass émet quelques doutes sur l’intérêt pour Mme Mittag-Leffler de visiter les meilleurs mathématiciens européens à l’occasion de son voyage de noces : “Mittag-Leffler und Frau waren in der vorigen Woche — von Mittwoch bis Sonnabend — hier; ich bin viel mit ihnen zusammengewesen. Die junge Frau hat sehr gefallen; auch bewunderte man ihre sehr einfache, und doch äusserst elegante Toilette. Mittag-Leffler hat eine eigentliche mathematische Reise gemacht — Strassburg, Heidelberg, Göttingen, Leipzig, Halle, Berlin — von Paris abgesehen. Interessant ganz gewiss für ihn — ob aber auch für die junge Frau, das möchte ich doch nicht behaupten.” (Bölling 1993, 286)

M. Hermite communiquera dans les Comptes Rendus2424endnote: 24 Mittag-Leffler 1882, 938–941. le lundi prochain un théorème général qui ne sera pourtant [pas] assez général pour vous.2525endnote: 25 Dans cette note, Mittag-Leffler propose une classification des fonctions méromorphes en fonction de la structure, au sens de Cantor, de leurs points singuliers. Soit P0P_{0} l’ensemble des points singuliers d’une fonction, soit P1P_{1} l’ensemble des points d’accumulation de P0P_{0}, P2P_{2} l’ensemble des points d’accumulation de P1P_{1}, Pi+1P_{i+1} l’ensemble des points d’accumulation de PiP_{i}, P0P_{0} est du premier ordre si la suite est (PiP_{i}) est finie et du deuxième ordre sinon. Mittag-Leffler généralise ses théorèmes en fonction de la structure des points singuliers (voir §14, notes). Mais j’en ai d’autres qui vous conviendront mieux. La démonstration du théorème qui sera communiqué le lundi suivra dans deux articles pour les deux numéros suivants.2626endnote: 26 Mittag-Leffler 1882, 1105–1107 et 1163–1165. Après je communiquerai ou à vous ou à M. Hermite un autre théorème2727endnote: 27 Mittag-Leffler 1882, 1040–1042. qui je pense ira très bien pour vos fonctions.2828endnote: 28 Dans cette note, Mittag-Leffler généralise son théorème au cas où la suite des pôles reste dans un domaine borné : “Mon théorème paru dans les Comptes rendus du 18 février peut être modifié d’une manière qui me paraît être d’une certaine importance pour l’étude des nouvelles fonctions que M. Poincaré a introduites dans l’Analyse.” (Mittag-Leffler 1882, 1040) Ce théorème n’est directement utilisé nulle part par Poincaré; voir (§ 1-1-10). Mais ces théorèmes ne sont qu’un enfantillage en comparaison de vos recherches et j’ai presque hésité à vous en parler.

J’ai été et je suis encore très occupé par mon cours à l’université et c’est l’explication pourquoi j’ai répondu si tard à votre appel de communiquer le principal de mes recherches dans ce genre. J’ai deux cours à faire un sur la théorie des fonctions — deux leçons par semaine — et un autre sur la théorie des fonctions elliptiques, aussi deux heures par semaine. Mais je travaille outre ça beaucoup avec mes élèves.

Ne me regardez pas comme trop insolent et exaucez si possible ma prière [je] vous prie avec la plus grande admiration de votre génie votre très dévoué

Gösta Mittag-Leffler

ALS 4p. Mittag-Leffler Archives, Djursholm.

Time-stamp: "26.08.2024 21:54"

Notes

  • 1 Ces deux lettres sont perdues.
  • 2 Poincaré 1882a; Nörlund & Lebon 1916, 92–105. Dans cet article, Poincaré, à l’invitation de Klein, résume les principaux résultats de sa théorie des fonctions fuchsiennes. Il est suivi d’une note de Klein (Klein 1882; Nörlund & Lebon 1916, 104–105) au sujet des dénominations “fuchsiennes et kleinéennes” adoptées par Poincaré.
  • 3 Voir (§ 1-1-11).
  • 4 La polémique assez vive entre Poincaré et Klein au sujet de ces dénominations est la partie apparente de leur concurrence scientifique. Le prétexte invoqué par Klein était la sous-estimation par Poincaré des travaux de Dedekind et surtout de Schwarz. Dans sa lettre adressée à Poincaré le 19 juin 1881, il souligne l’importance de ceux-ci (§ 4-47-3). Mittag-Leffler avait déjà abordé la question de la dénomination des nouvelles fonctions de Poincaré dans sa lettre à Hermite du 20 août 1881 : “Pour les fonctions Fuchsiennes je trouve qu’il a eu raison parce que les grands mérites de M. Fuchs sont incontestables. Pour les fonctions Kleinéennes qui ont donné lieu à ce nom fonctions Kleinéennes,elles sont guère d’une grande importance pour mériter l’honneur d’un nom spécial dans l’Analyse.” (AS) Mittag-Leffler reviendra sur la question de l’appellation des fonctions kleinéennes dans une lettre à Hermite du 3 août 1882 dans laquelle il fait part de l’opinion de Weierstrass au sujet de la querelle Klein-Poincaré : “[…] [Weierstrass] trouve que Poincaré a parfaitement raison. La seule chose qu’il ne paraissait pas approuver c’était le nom "fonctions Kleinéennes". Et c’est vrai que le nom est drôle. M. Poincaré l’avait introduit à cause d’une lettre de M. Klein où M. Klein lui communiquait des certaines choses. Mais ces choses n’étaient pas de Klein. Elles étaient de M. Schottky ce que M. Klein avait oublié de dire. Je tiens cette histoire de M. Klein lui-même.” (AS) Le point de vue de Poincaré est défendu avec vigueur dans sa réponse (Poincaré 1882b; Nörlund & Lebon 1916, 106–107) au commentaire que Klein fait à la suite de l’article de Poincaré paru dans les Mathematische Annalen (Poincaré 1882a; Nörlund & Lebon 1916, 92–105).
  • 5 Poincaré a toujours considéré le mémoire Über eine Classe von Functionen mehrerer Variabeln, welche durch Umkehrung der Integrale von Lösungen der linearen Differentialgleichungen mit rationalen Koeffizienten entstehen (Fuchs 1880, 1906, 191–212) comme ayant inspiré sa théorie des fonctions fuchsiennes. Dans son mémoire (Poincaré 1923; Appell & Drach 1928, 336–373) présenté en 1880 pour le Grand prix des sciences mathématiques de l’Académie des sciences, Poincaré fait une analyse du mémoire de Fuchs et montre que les conditions énoncées, pour que l’inverse du quotient de deux solutions d’une équation différentielle du second ordre soit méromorphe, ne sont pas suffisantes. Il reprend l’analyse de Fuchs en approfondissant les cas où l’intégration de l’équation se fait avec des fonctions doublement périodiques et ceux où l’équation admet deux points singuliers à distance finie. L’étude de ces exemples contient en germe la méthode qu’utilisera Poincaré dans l’élaboration définitive de sa théorie (voir § 1-1-3). Dans sa lettre du 12 juin 1880, Poincaré informe Fuchs de ses travaux : “Dans le cas où ces points singuliers ne sont qu’au nombre de deux je trouve que la fonction que vous avez définie jouit de propriétés fort remarquables et comme j’ai l’intention de publier les résultats que j’ai obtenus, je vous demande la permission de lui donner le nom de fonction Fuchsienne puisque c’est vous qui l’avez découverte.” (Poincaré 1921, 178; Julia & Pétiau 1956, 18) Dans sa réponse (Poincaré 1882b; Nörlund & Lebon 1916, 106–107) à la note de Klein (Klein 1882; Nörlund & Lebon 1916, 104–105), il précise sans ambiguité les raisons qui justifient à ses yeux ses appellations : “Mais il ne m’était pas possible d’oublier les découvertes si remarquables que le savant professeur d’Heidelberg a publiées dans le Journal de Crelle. Elles sont le fondement de la théorie des équations linéaires et, sans elles, je n’aurais pu aborder l’étude de mes transcendantes qui se lient si facilement à cette théorie. […] Quant à M. Fuchs, dans ses mémoires des Tomes 83 et 89 du Journal de Crelle, il s’est élevé à un point de vue nouveau et a mis en lumière le lien étroit qui unit la théorie des équations différentielles à celles de certaines équations uniformes. Ce fut la lecture de ces mémoires qui devint le point de départ de mes recherches. En ce qui concerne les fonctions kleinéennes, j’aurai cru commettre une injustice si je leur avais donné un autre nom que le vôtre. C’est M. Schottky qui a découvert la figure qui faisait l’objet de votre lettre, mais c’est vous qui avez ‘ihre prinzipielle Wichtigkeit betont’ ; comme vous le dites à la fin de votre savant travail : ‘Über eindeutige Funktionen mit linearen Transformationen in sich’.” (Poincaré 1882b, 622–626; Nörlund & Lebon 1916, 106–107)
  • 6 L. Fuchs 1882, R. Fuchs & Schlesinger 1906, 285–287. Poincaré, dans les lettres manquantes, a dû faire état de la lettre datée du 4 mars 1882 que Fuchs venait de lui envoyer et dans laquelle il annonçait qu’il allait répliquer à la note de Klein (Klein 1882, Nörlund & Lebon 1916, 104–105) commentant l’article de Poincaré (Poincaré 1882a; Nörlund & Lebon 1916, 92–105) paru dans les Mathematische Annalen. Dans cette note, Klein affirme entre autre que Fuchs n’a rien publié sur le sujet : “Einmal nämlich bewegen sich alle die Untersuchungen, welche Hr. Schwarz und ich in der betreffenden Richtung bislang veröffentlich haben, auf dem Gebiete der ‘fonctions fuchsiennes’, über die Hr. Fuchs selbst nirgends publicirt hat.” (Klein 1882; Nörlund & Lebon 1916, 104) Dans sa lettre à Poincaré datée du 4 mars, Fuchs exprime son indignation et annonce qu’il a rédigé une note pour répondre à Klein : “Mais dans sa note, [Klein] a aussi osé de faire une assertion qui répugne à la vérité. Il dit que je n’ai publié en aucun lieu un mémoire concernant les fonctions qui se reproduisent par des substitutions linéaires. C’est pourquoi je crois le devoir à la dignité de la science, et aussi à vous, Monsieur, de témoigner publiquement que l’assertion de M. Klein n’est pas vraie.” (Fuchs à Poincaré, reproduite dans Académie des sciences 1955, 275–276) Dans sa note aux Nachrichten datée elle-aussi du 4 mars, Fuchs cite un certain nombre de ses travaux (L. Fuchs 1877, 1880, 1876), en commente rapidement les résultats et rappelle que Klein lui-même en a souligné l’importance. En particulier dans le second de ceux-ci Fuchs rappelle qu’il étudie la variable comme une fonction du quotient de deux solutions indépendantes et que le troisième a été commenté par Klein lui-même dans les Mathematische Annalen (Klein 1877) : “In derselben bemerkt Herr Klein, dass er durch das Studium meiner unter 3. erwähnten Arbeit zu seinen Entwicklungen veranlasst worden sei.” (L. Fuchs 1882; R. Fuchs 1906, 287) Klein répond, dans sa lettre adressée à Poincaré le 3 avril 1882, aux arguments avancés par Fuchs en considérant que les deux premiers articles ne concernent pas directement le sujet et qu’en aucun cas les méthodes de Fuchs n’ont influencé ses propres recherches (§ 4-47-18).
  • 7 Mittag-leffler signale dans l’annonce de la mort de Lie publiée dans les Acta mathematica 22 que l’idée de créer un journal de mathématiques dans les pays scandinaves lui revenait : “Sophus Lie appartient à la rédaction de ce journal depuis sa fondation à la fin de l’année 1882. C’était bien lui qui avait le premier compris que l’époque était venue d’éditer un grand journal mathématique scandinave. C’est lui qui dans une entrevue que nous eûmes à Stockholm au printemps de 1882 me proposa de tenter cette entreprise et de la diriger moi-même comme rédacteur en chef du nouveau journal.” (Mittag-Leffler 1899, I)
  • 8 A la requête de Lie, Malmsten et Zeuthen, Mittag-Leffler ajoutera au comité éditorial du nouveau journal, Backlund, Daug, Holmgren et Petersen (Domar 1982, 5).
  • 9 Lire plutôt “Je vous prie à garder cette confidence …”.
  • 10 Abel a publié la plupart de ses principaux mémoires dans les 4 premiers tomes du Journal für die reine und angewandte Mathematik (6 notes ou articles dans le tome 1 (1826), 3 dans le tome 2 (1827), 4 dans le tome 4 (1828) et 4 dans le tome 4 (1829)). En particulier, ses mémoires fondamentaux sur la théorie des fonctions elliptiques (Recherches sur les fonctions elliptiques, Précis d’une théorie des fonctions elliptiques,…) et des extraits de celui sur les intégrales de différentielles algébriques (appelées depuis intégrales abéliennes), dans lequel il expose son théorème d’addition, (Remarques sur quelques propriétés générales d’une certaine sorte de fonctions transcendantes, Démonstration d’une propriété générale d’une certaine classe de fonctions transcendantes), sont publiés dans ce journal et ont contribué de manière essentielle à son succès. La rencontre entre Abel et Crelle fut remarquée par Holst, selon Paul Mansion (1902, 605): “Ce qui fut un vrai bonheur pour Abel, ce sont les relations qu’il noua à Berlin avec Crelle, homme excellent qui accueillit le jeune géomètre dans sa maison, l’encouragea de toute manière et devint pour lui un ami absolument dévoué. La rencontre d’Abel avec Crelle, dit M. Holst, fut pour tous deux le grand événement de leur vie et c’est dans leur première entrevue que furent jetées les bases du Journal für die reine und angewandte Mathematik.”
  • 11 La même idée que la participation de Poincaré serait une garantie de succès pour les débuts du nouveau journal est exprimée de la même manière dans une lettre de Mittag-Leffler à Malmsten datée du mois de mars 1882 (Domar 1982, 5).
  • 12 Poincaré a annoncé que les démonstrations des théorèmes, cités dans l’article Sur les fonctions uniformes qui se reproduisent par des substitutions linéaires publié aux Mathematische Annalen, seraient “publiées prochainement dans un travail de longue haleine”. D’autre part, dans les lettres perdues (voir note 1), Poincaré a dû répondre à Mittag-Leffler qui lui demandait de rédiger sa théorie des fonctions fuchsiennes (voir § 1-1-11) et lui annoncer la rédaction du premier mémoire consacré à ce sujet. On peut donc penser que le mémoire sur les groupes fuchsiens a été rédigé au premier trimestre de 1882 (voir § 1-1-14, notes).
  • 13 Le premier fascicule des Acta mathematica sera imprimé début décembre 1882. Mittag-Leffler en présentera la première copie au roi Oscar à la mi-décembre 1882 (Domar 1982, 8) : “Avant hier j’ai été chez sa Majesté pour lui offrir le premier exemplaire du premier fascicule de notre journal. Mais c’est seulement aujourd’hui que je puisse vous envoyer des exemplaires. Je n’ai reçu d’autres que celui qui était destiné à sa Majesté auparavant. Je vous envoye d’abord deux exemplaires dont l’un pour l’institut. Le roi a été extrêmement gracieux. Je lui ai donné la lecture de votre dépêche et d’une partie de votre lettre. Il m’a prié de vous rappeler votre promesse de faire imprimer dans les Comptes rendus ainsi que dans les publications mathématiques de la France quelques mots sur le Journal. Pour le Bulletin [des Sciences Mathématiques], Monsieur Tannery m’a promis de dire quelques mots. Pour les autres journaux ou publications, vous avez bien voulu prendre la peine d’arranger l’affaire.” (Mittag-Leffler à Hermite, le 14 décembre 1882, AS) Dans une lettre adressée à Weierstrass, datée du 15 décembre, Mittag-Leffler évoque aussi sa visite chez le roi : “Ich habe gestern das erste Exemplar des ersten Heftes der neuen Zeitschrift dem König übergeben.” (IML)
  • 14 Dans les lettres perdues, outre l’annonce de la rédaction de son premier mémoire sur les groupes fuchsiens (voir note 12), Poincaré a dû informer Mittag-Leffler de son projet d’organiser la rédaction de son travail en cinq mémoires (voir § 1-1-14, notes).
  • 15 Mittag-Leffler ne recevra en fait confirmation du soutien actif de Picard que le 18 avril 1882, par l’intermédiaire d’Hermite : “M. Appell a été toute la semaine absent de Paris et je n’ai pu encore m’entretenir avec lui de votre grand projet, mais M. Picard me charge de vous exprimer sa plus vive sympathie pour l’entreprise et de vous donner l’assurance de son active collaboration.” (Dugac 1984, 155)
  • 16 Mittag-Leffler réussira au-delà de toute espérance à fonder un journal international réputé. Dans le tome 10, la rédaction des Acta mathematica donne des résultats statistiques sur ses auteurs : “Le cahier 1:1 a paru en décembre 1882, le cahier 10:4 le 30 novembre 1887. Les dix tomes publiés ont contenu en tout 162 mémoires ou notes dont 95 (embrassant 2382 pages) sont rédigés en français, 66 (embrassant 1561 pages) en allemand et 1 (embrassant 36 pages) en anglais.” La répartition des auteurs d’après leur nationalité donne pour résultat la table suivante : Nombre d’auteurs Nombre de mémoires nombre de pages % suédois 11 19 510 12,8 norvégiens 2 2 56 1,4 danois 4 5 137 3,4 finlandais 3 8 133 3,3 français 16 42,5 1594 40,1 allemands 28 64,5 1220 30,7 italiens 4 6 92 2,3 suisses 2 2 88 2,2 russes 3 4 45 1,1 néerlandais 1 5 38 1,0 américains 1 1 36 0,9 belges 1 2 28 0,7 autrichien 1 1 2 0,1 Total 77 162 3979 100,0 (Acta mathematica, 10 (1887), p. 352)
  • 17 Voir (§ 1-1-14).
  • 18 Il s’agit du Journal für die reine und angewandte Mathematik dirigé, depuis la mort de Borchardt en 1880, par Kronecker et Weierstrass.
  • 19 Weierstrass ne publiera aucun mémoire original aux Acta mathematica. Une traduction en français de son mémoire sur la théorie des fonctions elliptiques paraîtra dans le tome 6 de la revue. Il n’en soutiendra pas moins l’initiative de Mittag-Leffler et lui écrira, trois ans après la création des Acta : “Es drängt mich, zugleich der Befriedigung Ausdruck zu geben, mit der ich den erfreulichen Fortgang Ihres Unternehmens begleite. Vielleicht wäre es verzeihlich, wenn ich als Mitherausgeber der ältesten von den gegenwärtig existierenden mathematischen Zeitschrifften eine Anwandlung von Neid darüber empfände, dass es Ihnen gelungen ist, von Anfang an für die Acta so viele altbewährte Meister und junge, aufstrebende Talente als Mitarbeiter zu gewinnen, und zwar nicht bloss aus den skandinavischen Ländern, sondern auch aus Deutschland, Frankreich, Italien. Es ist mein Wunsch und meine Hoffnung, dass die Acta auch fernerhin mit ebenso glänzendem Erfolge, wie bis jetzt, ein internationales Organ für die Fortenwicklung unserer Wissenschaft, der am meisten kosmopolitischen von allen, bleiben mögen.” (Nörlund 1927, III)
  • 20 En avril 1882, Mittag-Leffler et Malmsten rédigeront une annonce pour collecter des fonds auprès d’éventuels mécènes scandinaves. Le roi Oscar affirmera publiquement son soutien à l’entreprise en souscrivant personnellement 1500 couronnes. La souscription réunira 26 000 couronnes ce qui, avec la subvention annuelle des gouvernements du Danemark, de Norvège et de Suède, permettait de financer au moins cinq volumes. Hermite participera à la souscription en donnant 1000 francs, c’est à dire 720 couronnes (Domar 1982, 6).
  • 21 En mai 1882, Mittag-Leffler épouse Signe Lindfors (1861-1921) qu’il avait rencontrée lorsqu’il était en poste à Helsingfors (Helsinki). Une grande partie de la fortune de Mittag-Leffler provient de son mariage : “Mittag-Leffler’s wealth was based on the fortune of Signe’s grandfather, Henrik Borgström, a Helsingfors tobacco businessman whose only child, Emilia, married the Finnish general Julius av Lindfors. Signe, being the only child of this marriage, received the whole of the fortune founded on Borgström’s commercial success. Mittag-Leffler used this money at once to found Acta Mathematica in 1882, and from then until the end of his life he remained its editor and lived in Stockholm.” (Grattan-Guinness 1971, 363–364)
  • 22 Mittag-Leffler avait annoncé, l’été précédent, son mariage avec Mlle Lindfors à Hermite et prévu sa visite en France. Dans sa lettre du 27.09.1881, Hermite se réjouit de la prochaine visite de Mittag-Leffler et de sa future épouse : “Veuillez faire savoir à votre chère fiancée que nous serons on ne peut plus heureux de vous voir après votre mariage, nous accueillons avec joie l’espérance de votre voyage en France, […].” (Dugac 1984, 131) Mittag-Leffler évoque rapidement sa présence en France au printemps 1882 dans son article biographique sur Kovalevskaya et Weierstrass : “J’avais visité Paris au printemps 1882 […].” (Mittag-Leffler 1923, 183)
  • 23 Mittag-Leffler et son épouse feront le tour de l’Europe mathématique à l’occasion de leur voyage de noces. Dans sa lettre adressée à Kovalevskaya le 8 août 1882, Weierstrass émet quelques doutes sur l’intérêt pour Mme Mittag-Leffler de visiter les meilleurs mathématiciens européens à l’occasion de son voyage de noces : “Mittag-Leffler und Frau waren in der vorigen Woche — von Mittwoch bis Sonnabend — hier; ich bin viel mit ihnen zusammengewesen. Die junge Frau hat sehr gefallen; auch bewunderte man ihre sehr einfache, und doch äusserst elegante Toilette. Mittag-Leffler hat eine eigentliche mathematische Reise gemacht — Strassburg, Heidelberg, Göttingen, Leipzig, Halle, Berlin — von Paris abgesehen. Interessant ganz gewiss für ihn — ob aber auch für die junge Frau, das möchte ich doch nicht behaupten.” (Bölling 1993, 286)
  • 24 Mittag-Leffler 1882, 938–941.
  • 25 Dans cette note, Mittag-Leffler propose une classification des fonctions méromorphes en fonction de la structure, au sens de Cantor, de leurs points singuliers. Soit P0P_{0} l’ensemble des points singuliers d’une fonction, soit P1P_{1} l’ensemble des points d’accumulation de P0P_{0}, P2P_{2} l’ensemble des points d’accumulation de P1P_{1}, Pi+1P_{i+1} l’ensemble des points d’accumulation de PiP_{i}, P0P_{0} est du premier ordre si la suite est (PiP_{i}) est finie et du deuxième ordre sinon. Mittag-Leffler généralise ses théorèmes en fonction de la structure des points singuliers (voir §14, notes).
  • 26 Mittag-Leffler 1882, 1105–1107 et 1163–1165.
  • 27 Mittag-Leffler 1882, 1040–1042.
  • 28 Dans cette note, Mittag-Leffler généralise son théorème au cas où la suite des pôles reste dans un domaine borné : “Mon théorème paru dans les Comptes rendus du 18 février peut être modifié d’une manière qui me paraît être d’une certaine importance pour l’étude des nouvelles fonctions que M. Poincaré a introduites dans l’Analyse.” (Mittag-Leffler 1882, 1040) Ce théorème n’est directement utilisé nulle part par Poincaré; voir (§ 1-1-10).

Références

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