2-51. Georges Sagnac

Georges Sagnac (1869–1928) est admis à l’École normale supérieure en 1889, et y entre en 1890 après une année de service militaire. Il suit le cours de Poincaré sur les oscillations hertziennes en 1892–1893, et devient agrégé de physique. A partir de 1896, il s’intéresse – comme beaucoup de physiciens – aux propriétés des rayons X, et communique plusieurs résultats expérimentaux à ce propos à l’Académie des sciences de Paris. Notamment, il montre, comme le remarque Wheaton (1983, 44), que les rayons secondaires venant des métaux irradiés sont plus absorbés par l’air que les rayons primaires. Il s’intéresse également à la théorie de la propagation des ondes électromagnétiques, et publie une théorie nouvelle (Sagnac, 1899a, b) de l’expérience de Fizeau (1851) sur la vitesse de propagation de la lumière dans l’eau courante.11endnote: 1 L’analyse de Sagnac fait intervenir la reflexion des ondes lumineuses par les molécules de la matière en mouvement. Valable au premier ordre d’approximation en v/cv/c, elle aboutit sur une formule équivalente à la formule de Fresnel. Pour des détails, voir la thèse de Martinez Chavanz (1980, 38), et Darrigol (2014).

Alors qu’il n’a pas encore soutenu sa thèse, Sagnac est invité à contribuer un mémoire (Sagnac, 1900) au Jubelschrift des vingt-cinq ans du doctorat de H. A. Lorentz. Sagnac croît que cette invitation lui vient par l’intermédiaire de Poincaré (§ 2-51-4), qu’il cite dans sa note (Sagnac 1899b) parue dans les Comptes rendus de l’Académie des sciences de Paris. Cependant, le nom de Sagnac ne figure pas dans la correspondance entre Poincaré et l’un des organisateurs du Jubelschrift, Heike Kammerlingh Onnes.

Sagnac soutient sa thèse sur les rayons X primaires et secondaires (appelés par certains rayons S, ou rayons Sagnac) en décembre 1900, et il enseigne à la Faculté des sciences de Lille. En 1903, il s’intéresse à la théorie de la diffraction des rayons N, et invoque, au passage, une explication de Poincaré au sujet d’une observation de Blondlot.22endnote: 2 Lors de la séance de la Société française de physique du 05.06.1903, Sagnac (1903, 177) rapporte un commentaire de Poincaré, selon lequel les variations d’intensité des rayons N réfractés par le quartz tiennent à son profil d’absorption. Il devient chargé de cours de physique à la Sorbonne en 1904, succédant à Pierre Curie.

Toujours intéressé par l’optique des corps en mouvement, Sagnac (1913) met en évidence ce qu’il appelle l’“effet tourbillonnaire optique”, avec un dispositif interférométrique capable de mesurer des vitesses de déplacement angulaire : deux faisceaux lumineux se propageant en sens inverse le long d’un trajet fermé contenu dans un plan, subissent un déphasage relatif, proportionnel à la vitesse de rotation autour d’un axe perpendiculaire à ce plan. Il estime que ses expériences démontrent l’existence d’un éther immobile, contredisant ainsi le résultat de l’expérience de Michelson-Morley (1887).33endnote: 3 Pour une dérivation relativiste de l’effet Sagnac, voir Ciufolini & Wheeler (1995, 107).

En 1920, Sagnac devient maître de conférences de physique à la Sorbonne, et deux ans plus tard, professeur adjoint de physique. Confronté par des ennuis de santé, il se retire de l’enseignement en 1926.44endnote: 4 Sur la carrière de G. Sagnac, voir sa Notice sur les travaux scientifiques , Philippe Sagnac (1929), Maurain & Pacaud (1940), Dostrovsky (1975), et Darrigol (2014).

Dans un premier temps, la correspondance entre Poincaré et Sagnac concerne l’interprétation des expériences de Wladimir de Nicolaïève, qui voulait savoir si un aimant en rotation entraîne ses lignes de force. Interpellé par Sagnac à ce sujet, Poincaré a remarqué que les observations de de Nicolaïève sont conformes au principe de réaction (§ 2-51-3). Un an plus tard, Sagnac a expliqué à Poincaré (§ 2-51-4) que sa théorie de l’optique des corps en mouvement a été développée indépendamment de celle de H. A. Lorentz (1899).

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Notes

  • 1 L’analyse de Sagnac fait intervenir la reflexion des ondes lumineuses par les molécules de la matière en mouvement. Valable au premier ordre d’approximation en v/cv/c, elle aboutit sur une formule équivalente à la formule de Fresnel. Pour des détails, voir la thèse de Martinez Chavanz (1980, 38), et Darrigol (2014).
  • 2 Lors de la séance de la Société française de physique du 05.06.1903, Sagnac (1903, 177) rapporte un commentaire de Poincaré, selon lequel les variations d’intensité des rayons N réfractés par le quartz tiennent à son profil d’absorption.
  • 3 Pour une dérivation relativiste de l’effet Sagnac, voir Ciufolini & Wheeler (1995, 107).
  • 4 Sur la carrière de G. Sagnac, voir sa Notice sur les travaux scientifiques , Philippe Sagnac (1929), Maurain & Pacaud (1940), Dostrovsky (1975), et Darrigol (2014).

Références

  • I. Ciufolini and J. A. Wheeler (1995) Gravitation and Inertia. Princeton University Press, Princeton. Cited by: endnote 3.
  • O. Darrigol (2014) Georges Sagnac: A life for optics. Comptes Rendus Physique 15, pp. 789–840. link1, link2 Cited by: endnote 1, endnote 4.
  • S. Dostrovsky (1975) Sagnac, Georges M. M.. See Dictionary of Scientific Biography, Volume 12: Ibn Rushd–Jean-Servais Stas, Gillispie, pp. 69–70. Cited by: endnote 4.
  • H. Fizeau (1851) Sur les hypothèses relatives à l’éther lumineux, et sur une expérience qui paraît démontrer que le mouvement des corps change la vitesse avec laquelle la lumière se propage dans leur intérieur. Comptes rendus hebdomadaires des séances de l’Académie des sciences de Paris 33 (13), pp. 349–355. link1 Cited by: 2-51. Georges Sagnac.
  • C. C. Gillispie (Ed.) (1975) Dictionary of Scientific Biography, Volume 12: Ibn Rushd–Jean-Servais Stas. Charles Scribner’s Sons, New York. Cited by: S. Dostrovsky (1975).
  • H. A. Lorentz (1899) Simplified theory of electrical and optical phenomena in moving systems. Proceedings of the Section of Sciences, Koninklijke Akademie van Wetenschappen te Amsterdam 1, pp. 427–442. link1 Cited by: 2-51. Georges Sagnac.
  • R. H. Martinez Chavanz (1980) L’expérience de Sagnac et le disque tournant. Ph.D. Thesis, Université Paris 6, Paris. Cited by: endnote 1.
  • C. Maurain and A. Pacaud (1940) La faculté des sciences de l’université de Paris de 1906 à 1940. Presses universitaires de France, Paris. Cited by: endnote 4.
  • A. A. Michelson and E. W. Morley (1887) On the relative motion of the earth and the luminiferous æther. Philosophical Magazine 24, pp. 449–463. link1, link2 Cited by: 2-51. Georges Sagnac.
  • G. Sagnac (1899a) Nouvelle manière de considérer la propagation des vibrations lumineuses à travers la matière. Comptes rendus hebdomadaires des séances de l’Académie des sciences de Paris 129, pp. 756–758. link1 Cited by: 2-51. Georges Sagnac.
  • G. Sagnac (1899b) Théorie nouvelle des phénomènes optiques d’entraînement de l’éther par la matière. Comptes rendus hebdomadaires des séances de l’Académie des sciences de Paris 129, pp. 818–821. link1 Cited by: 2-51. Georges Sagnac, 2-51. Georges Sagnac.
  • G. Sagnac (1900) Relations nouvelles entre la réflexion et la réfraction vitreuses de la lumière. In Recueil de travaux offerts par les auteurs à H.A. Lorentz, J. Bosscha (Ed.), Archives néerlandaises des sciences exactes et naturelles, Vol. 5, pp. 377–394. link1 Cited by: 2-51. Georges Sagnac.
  • G. Sagnac (1903) La longueur d’onde des rayons n déterminée par la diffraction. Bulletin des séances de la Société française de physique, pp. 173–177. Cited by: endnote 2.
  • G. Sagnac (1913) L’éther lumineux démontré par l’effet du vent relatif d’éther dans un interféromètre en rotation uniforme. Comptes rendus hebdomadaires des séances de l’Académie des sciences de Paris 157, pp. 708–710. link1 Cited by: 2-51. Georges Sagnac.
  • P. Sagnac (1929) Georges Sagnac. Association amicale des anciens élèves de l’École normale supérieure, pp. 42–45. Cited by: endnote 4.
  • B. R. Wheaton (1983) The Tiger and the Shark: Empirical Roots of Wave-Particle Dualism. Cambridge University Press, Cambridge. link1 Cited by: 2-51. Georges Sagnac.